"Nous ne nous interdisons pas l’acquisition de cibles moyennes dans des secteurs bien spécialisés"
Journal de l’Automobile. Dans quelle situation se trouve Gefco en ce début d’année ?
Yves Fargues. La reprise du marché, en 2010, a permis à Gefco d’enregistrer d’excellents résultats. Nous avons sorti un résultat opérationnel courant historique qui s’établit à 198 millions d’euros car nous avions pris, pendant la crise, des mesures visant à baisser notre point mort. Pour 2011, nous observons une santé du marché automobile variable selon les zones. Nous nous attendons à une croissance relativement contrastée avec un marché de l’Ouest étale, une reprise dans les pays de l’Est et deux zones qui poussent très fort, le Mercosur et la Chine, où nous sommes présents.
JA. Comment la crise économique a-t-elle impacté Gefco ?
YF. Nous avons vécu une situation dramatique. Fin 2008, une grande partie des usines européennes ont fermé pendant plusieurs semaines, provoquant des chutes de chiffres d’affaires de l’ordre de 33 %. Nos principaux clients étant les constructeurs et leurs équipementiers, nous avons beaucoup souffert en décembre 2008 et en janvier 2009.
JA. Quels ont été les ajustements nécessaires ?
YF. Nous avons restructuré nos moyens fixes, redimensionné nos réseaux d’agences, nos moyens de transport, nos flottes. Nous avons pris des mesures d’économie générale et nous avons surtout retravaillé le re-engineering de nos schémas de distribution ou d’approvisionnement pour les clients, afin de pouvoir densifier les tournées, massifier les flux et essayer de combler les baisses de volumes.
JA. Quelles sont les principales mutations qui ont accompagné votre profession ces dernières années ?
YF. Nous sommes passés d’un métier qui s’occupait essentiellement de transport à une profession de logisticien, au sens entreposage, mais aussi au sens où nous devons apporter des solutions de traitement de chaîne logistique à nos clients. Des solutions qui sont beaucoup plus étirées, et donc plus complexes, du fait d’une internationalisation croissante. Il y a vingt ans, le marché chinois n’existait pas. Les contraintes de robustesse ont été considérablement accrues sur des distances de plus en plus longues.
Ces dix dernières années, nous avons connu dans notre profession une révolution informatique. Afin d’anticiper les problèmes et garantir cette robustesse, nous devons savoir en permanence où sont les encours, comment les accélérer, les re-router ou les faire sortir du flux. Aujourd’hui, nous transportons presque plus d’informations que de marchandises car le contrôle et la maîtrise des flux sont devenus fondamentaux.
JA. Les lieux de production de voitures ont beaucoup bougé, notamment en Europe de l’Est. Est-ce une contrainte pour vous ? Comment vous êtes-vous ajustés ?
YF. Nous utilisons des flottes tchèques ou polonaises quand nous devons assurer des flux en République tchèque ou en Pologne. L’allongement des distances a aussi modifié profondément la répartition entre les moyens de transport. Par exemple, pour la distribution de véhicules finis, au cours des dix ou quinze dernières années, nous avons assisté à une explosion du maritime. L’allongement des distances a également remis au goût du jour le ferroviaire qui avait perdu des parts de marché sur des distances inférieures à 500 km. Il s’avère compétitif quand la distance s’allonge et quand la masse à transporter augmente. Depuis un an, pour approvisionner l’usine PSA de Kaluga, au sud de Moscou, nous sommes revenus dans le trafic combiné, appelé aussi rail/route ou ferroutage, à raison de sept trains par semaine au départ de Vesoul.
JA. Comment se positionne Gefco, dans le secteur automobile, en Europe et dans le monde ?
YF. En 2010, nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 3,4 milliards d’euros. Au dernier pointage, nous nous situons à la huitième place dans le classement européen et en deuxième position en France. En matière de transport et de distribution de véhicules finis, nous sommes probablement les premiers. En termes de logistique, nous sommes sûrement dans les deux premiers, sinon les premiers. Il y a eu un phénomène de concentration dans ce métier avec l’émergence de géants d’origine publique, dans lequel nous avons été absents. Mais nous ne nous interdisons pas l’acquisition de cibles moyennes dans des secteurs bien spécialisés autour de nos activités stratégiques.
JA. Dans quelle mesure le développement de Gefco dans le monde est-il lié et dicté par la stratégie du groupe PSA ?
YF. Nous sommes une filiale du groupe PSA qui représente 60 % de notre chiffre d’affaires à ce jour. Il s’agit de notre premier client. Notre devoir est d’accompagner le groupe en nous implantant sur les marchés où il se développe. Nos autres gros clients sont General Motors, Delphi et Toyota que nous suivons également au gré de leurs déploiements. D’ailleurs, nous venons d’investir le Kazakhstan où se trouvent déjà des équipementiers et des constructeurs, comme Chevrolet.
JA. Cette appartenance à 100 % à PSA vous ferme-t-elle des portes ?
YF. Non. PSA a toujours considéré Gefco comme une entreprise à part entière avec une stratégie de développement propre sur son marché. C’est très clair dans l’esprit des dirigeants du groupe et parfaitement encouragé. On me fixe des objectifs de développement. PSA a toujours voulu que sa filiale logistique se développe avec d’autres clients, dans des zones les plus étendues possibles, même quand le groupe n’y est pas. La stratégie que nous présentons au directoire de PSA est toujours reconnue dans son autonomie de développement.
JA. Quels sont les pays qui représentent le plus gros potentiel pour Gefco ?
YF. Notre plus gros potentiel se situe en Chine, en Inde et en Asie du Sud-Est. Nous devons véritablement accélérer notre développement mais c’est vraiment difficile, notamment en Chine, tant la croissance est phénoménale. Nous consacrons beaucoup d’énergie à suivre l’explosion de ce marché et Gefco va continuer de se renforcer en Asie ces prochaines années. L’Inde constitue un marché très prometteur avec des exportations de composants qui vont aussi augmenter. De plus, il se pose dans ce pays une problématique d’infrastructure en matière de distribution de véhicules finis qui reste à résoudre pour nos clients de référence.
JA. Opérez-vous sur ces marchés comme en Europe ?
YF. Ces marchés deviennent de plus en plus matures en raison, notamment, d’une concurrence extrêmement vive. Les exigences en matière de logistique arrivent au niveau des marchés les plus mûrs. Il y a un formidable besoin de rationalisation, d’augmenter le niveau de qualité des prestations ainsi que la robustesse des solutions logistiques. Vous avez des pays qui investissent à des rythmes très différents dans leurs équipements en infrastructures. La Chine investissant vite et beaucoup dans les ports, les routes tandis qu’il y a encore des efforts à accomplir en Inde, en Russie et, à un moindre degré, en Amérique du Sud. Ces pays prennent conscience que leur croissance économique est conditionnée par le développement de leurs infrastructures de transport.
JA. Pourquoi n’êtes-vous pas implantés en Amérique du Nord ?
YF. Nous ne sommes pas présents physiquement en Amérique du Nord mais nous traitons un grand nombre de flux d’import et d’export vers ce pays. Une stratégie internationale se doit d’être ciblée et nous n’avons pas la volonté d’y aller à court terme.
JA. Quels sont les besoins, les attentes de vos clients constructeurs et distributeurs aujourd’hui ?
YF. Vous avez toujours le triptyque coûts/délais/qualité auquel il faut désormais ajouter la vitesse, ce qui signifie la baisse des encours de transports. Or, nous ne pouvons pas rouler plus vite. Nous faisons donc du lean, nous chassons le gaspillage en réduisant tous les temps d’attente, c’est-à-dire tous les temps de non-transport et les camions vides. Cela implique de mettre en place des schémas complètement fluides avec des jalonnements précis, de travailler les parcours, les opérations administratives… C’est un travail de fourmis.
JA. Vous intervenez en post-production auprès des constructeurs. En quoi cela consiste-t-il ? Cette activité prend-elle une part grandissante au sein du groupe ?
YF. Nous sommes devenus des spécialistes en post-production pour PSA et Toyota. C’est une tendance qui existe depuis plusieurs années mais qui s’est accélérée, en raison de la problématique des constructeurs de réaliser des personnalisations nécessaires, hors usine, pour des marchés bien spécifiques. Nous le faisons dans plusieurs pays pour PSA, notamment sur des VUL, et en République tchèque pour Toyota. Il s’agit d’opérations relativement simples, tel que le montage d’accessoires, plus que d’options, qui permettent de gagner du temps. Il s’agit d’une activité susceptible de s’accélérer avec l’émergence de nouveaux produits qui reposent sur ce mode de marketing.
JA. En quoi consiste votre métier en aval, auprès des distributeurs ?
YF. En bout de chaîne, nous intervenons auprès de nos clients concessionnaires pour réaliser la mise à la route des véhicules, le stockage, le montage éventuel d’accessoires ou la préparation. De plus en plus, aussi, nous intervenons sur les véhicules d’occasion, au travers des buy-back des grands loueurs, afin d’accélérer les délais de remises à la vente. Les constructeurs ont encore des projets sur ces gestions de flotte dans lesquels nous allons naturellement intervenir.
JA. Auprès de quel type de clientèle pensez-vous avoir encore une marge de progression ?
YF. Notre clientèle cible est les industriels ayant des chaînes de logistique internationales, tant en amont qu’en aval. Nous avons six market-lines stratégiques qui comprennent notamment le secteur automobile, les équipementiers et le secteur des deux-roues.
JA. Vous avez fixé un objectif de 4 milliards de CA en 2012 et 5,2 milliards en 2015. Quels seront les leviers pour atteindre ces ambitions ?
YF. Nous sommes ressortis de la crise avec un potentiel stratégique intact, voire renforcé, et nous repartons sur des axes de développement avec une vision à horizon 2020 qui prévoit une croissance assez forte de nos activités, qui se fera par croissance organique mais aussi très probablement par des acquisitions externes ciblées. La progression du marché automobile sera toujours réelle en 2020 mais beaucoup plus fortement concentrée dans des zones comme l’Asie et le Mercosur. Nous devons nous projeter dans ces secteurs pour accompagner nos clients et atteindre nos ambitions. Enfin, nous avons renforcé notre bureau d’étude et développé de nouveaux outils au service de nos clients.
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