Location entre particuliers : le CNPA toujours au front
"Nous allons revenir", affirme André Gallin, président de la branche loueurs courte durée du CNPA. En effet, l'organisation patronale, qui soutenait l'amendement déposé par le député Charles de Courson, a vu, le 20 novembre dernier, le texte purement retiré du projet de loi de Finances pour 2014. Ce dernier prévoyait de poser un cadre fiscal autour de la location entre particuliers.
Cela tenait en trois points : assujettir à l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) les profits tirés de l'activité, obliger les sites intermédiaires à fournir au fisc l'état des revenus touchés par les particuliers qui louent leur voiture, rendre ces mêmes sites solidairement responsables du paiement effectif de l'impôt que les particuliers devraient au fisc.
Par voie de communiqué, le site Tripndrive, réagissant au retrait du texte, rappelle les motivations de Charles de Courson : "La location entre particuliers, qui peut constituer une forme de concurrence déloyale envers les entreprises de location de véhicules, engendre une perte de recettes pour l'Administration du fait de la non-déclaration de ces revenus et de l'absence de TVA collectée."
Menace sur l'emploi
Le site précise alors que le député "se fait ici le porte-parole du lobby de la branche loueurs du CNPA, guidé par André Gallin". Celui-ci martèle cependant que ce combat "n'est pas un problème de prix ou de fermeture de la concurrence. Nous soutenons l'économie collaborative, et nous accueillons avec respect de telles initiatives. Mais nous dénonçons fortement que cela ne soit pas régi par les mêmes règles que les nôtres".
Le président de la branche loueurs du CNPA précise ses griefs : "Toute cette économie collaborative ne doit pas être souterraine. Sinon, les 2000 sociétés que nous représentons seront en danger. Il faut rappeler que nous achetons près de 200000 véhicules par an. C'est donc un sujet sérieux, financier et fiscal. Il faut une plus grande cohérence dans l'application des textes." Entre la dénonciation d'une évasion fiscale, et l'alerte quant à une menace sur l'emploi, André Gallin assure ensuite que certains particuliers, portés par le phénomène de crise, gagnent jusqu'à 8000€ par an.
Marion Carrette, fondatrice de Ouicar (anciennement Zilok Auto, NDLR) répond, calculatrice à l'appui. "Pour atteindre de telles sommes, à 25€ par jour, un de nos membres devrait louer son véhicule chaque jour pendant un an. Or, ce que l'on constate est plutôt une mise à disposition le week-end, de temps en temps. Les véhicules enregistrés sont utilisés par leurs propriétaires, qui voient là une façon de le rentabiliser en finançant l'entretien ou le carburant", détaille-t-elle.
Solution de proximité
Alors, s'il est vrai que la location entre particuliers progresse de manière significative, Ouicar affichant entre 30 et 50% de croissance chaque mois, la menace qui pèse sur l'activité des professionnels de la location courte durée vient, principalement, des difficultés économiques. "La location courte durée est bicéphale, explique André Gallin. A 50%, elle fonctionne avec les entreprises, pour le déplacement des collaborateurs. Et les sociétés peuvent être frileuses dans un contexte difficile. Les visioconférences, par exemple, nous desservent. Les 50% restants, c'est pour les activités de loisirs, et tout le monde a plutôt tendance à resserrer ce type de dépense." Il est donc peu question, ici, de concurrence déloyale.
Et Marion Carrette d'ajouter que loueurs courte durée et sites de location entre particuliers "n'ont effectivement pas la même clientèle. Il y a une complémentarité, notamment dans des zones rurales où les agences ne sont pas implantées". Et dans le cas où il s'agirait du même profil de client ? "Et bien, il reste chez nous ! Ce sont des clients qui privilégient souvent la solution de proximité, et trouvent un tarif moindre. Je pense aussi que les loueurs courte durée ont exagéré sur certaines options. Par exemple, le rachat de franchise, que nous facturons 4€ par jour, peut monter à 16€ chez certains loueurs", observe-t-elle.
Développement de la mobilité
Selon Pascal Feillard, secrétaire général de l'Institut de la ville en mouvement (IVM), "les pratiques telles que la location entre particuliers émergent, à travers les nouvelles technologies, dans le cadre d'un environnement économique plus contraint. Quand le coût des transports en commun devient incompatible avec un budget serré, le covoiturage apparaît comme la bonne solution. Il y a de la nouveauté, mais rien de révolutionnaire. Le covoiturage est tout simplement le stop d'avant".
Ce qu'il constate principalement, c'est que l'on est "dans un développement de la mobilité. Il y aura toujours une population qui veut posséder son véhicule, pour l'accès aux loisirs ou au travail. Mais on n'est plus ancré dans un seul mode de transport. La voiture, aujourd'hui, est associée à un système. S'il y a clairement une demande pour autre chose, il y a surtout du marché pour tout le monde". Donc une complémentarité, non seulement des modes de transports, mais aussi de l'exploitation d'un seul et même mode, la voiture en l'occurrence.
Maigre consolation pour André Gallin, qui se réjouit cependant que le sujet ait été débattu au sein de l'hémicycle. "L'objectif de sensibiliser est atteint. L'amendement a été porté par plusieurs députés, et le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, a répondu à nos questions en séance. Le débat est lancé", analyse-t-il. Le jeu d'influence ne fait que commencer.
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