Les élèves ingénieurs plébiscitent les constructeurs au détriment des équipementiers
Près de 55 % des élèves ingénieurs interrogés sont issus de familles de cadres ou exerçant une profession libérale. Sans surprise, la proportion des jeunes de milieux sociaux favorisés domine dans les écoles d'ingénieurs. Selon Sylvain Orsat, directeur de l'Eigsi, le taux de boursiers moyen est de 18 % en France : "Nous sommes à 20 % dans notre école, mentionne-t-il. L'accès aux grandes écoles reste encore difficile pour les élèves les plus défavorisés mais nous avons des actions concrètes pour les accueillir dans notre établissement." Au travers de l'opération "Ingénieur, pourquoi pas moi ?", l'Eigsi propose aux lycéens du département de Charente-Maritime d'intégrer la formation avec une bourse financée par plusieurs entreprises et le Conseil Général. L'Estaca, de son côté, a mis en place des partenariats avec les banques pour faciliter l'obtention de prêt pour ses élèves. Dans cette école, les droits de scolarité s'élèvent à près de 6 400 euros. "Normalement, nous devrions décrocher un contrat avec l'Etat en 2010 qui nous permettra de renforcer l'ouverture à tous les milieux sociaux", indique Hervé Renaudeau, directeur de l'école.
Travailler au plus près des innovations "produits"
"Malgré la crise, le désir de travailler dans l'automobile reste fort, commente Sylvain Orsat, le secteur a une image de technologie et de développement, c'est un domaine attractif en matière d'ingénierie." Parmi les multiples postes d'activités que propose l'automobile, les élèves affichent leurs préférences pour le développement (34,7 %) et la conception produit (29,3 %). "Nous pouvons rassembler ces deux items qui correspondent au travail effectué dans les bureaux d'études, conseille Hervé Renaudeau. Ce choix me paraît vraisemblable : dans l'école, deux tiers de nos diplômés sont sur les études de produit." Pour Claude Guillermet, directeur de l'Esigelec, les élèves souhaitent "être au plus près des innovations". La recherche, plus éloignée du produit, reçoit néanmoins 13 % des votes.
Deuxième enseignement de notre enquête : les jeunes ingénieurs affichent une nette préférence pour les constructeurs. Ils les plébiscitent à 83,1 %, contre 14,08 % pour les équipementiers. Ces derniers souffriraient d'un manque de notoriété auprès des jeunes. "Les élèves s'identifient plus facilement à des marques comme Renault ou Peugeot, indique Sylvain Orsat. Pourtant, les équipementiers ont un rôle important et ils accueillent d'ailleurs la moitié de nos élèves en stage."
Claude Guillermet estime que les équipementiers devraient renforcer leur présence dans les écoles pour définir plus précisément leur activité et "affirmer leur identité" auprès des jeunes. "D'autant que les équipementiers offrent des postes très intéressants à nos jeunes, surenchérit Hervé Renaudeau. Je pense que les élèves interrogés sont plutôt dans leurs premières années de formation, ils ne connaissent pas encore la diversité des métiers de l'automobile." Dans le classement des équipementiers, les élèves ont placé Michelin en tête, avec 23,29 %, suivi par Valeo (17,81 %) et Bosch (16,44 %). "Ce résultat est surprenant, insiste Hervé Renaudeau, Valeo et Bosch ont des activités plus diversifiées que celles de Michelin et plus à même d'intéresser nos élèves". Concernant leurs marques préférées, même phénomène observé pour les apprentis (lire page 40), les jeunes ingénieurs choisissent majoritairement les marques de luxe et premium. "Je peux comprendre que les élèves préfèrent travailler sur des modèles de luxe, mais les opportunités d'emploi restent chez les autres constructeurs", commente Sylvain Orsat.
Pour Hervé Renaudeau, le choix des constructeurs préférés des jeunes reste très subjectif : "lIs ont une vision très sommaire, le sport automobile les fait rêver, mais l'évolution du secteur automobile est ailleurs. Les enjeux d'énergie et de sécurité concernent les marques plus généralistes". Des constructeurs avec lesquels les jeunes ingénieurs pourront construire un itinéraire de carrière.
FOCUSEigsi L'Ecole d'Ingénieurs en Génie des Systèmes Industriels implantée sur La Rochelle forme des ingénieurs généralistes en 5 ans. En 4e année, les élèves choisissent une dominante pour se spécialiser dans la mécatronique ou encore la conception des systèmes mécaniques. Le diplôme est reconnu par la Commission des Titres d'Ingénieur. En 2008, 18 % des effectifs ont été embauchés dans l'automobile. Estaca L'Ecole Supérieure des Techniques Aéronautiques et de Construction Automobile délivre un diplôme en 5 ans, habilité par la Commission des Titres d'Ingénieur. L'Estaca dispose aujourd'hui de deux établissements, l'un à Levallois-Perret et l'autre à Laval en Mayenne. Depuis sa création en 1925, l'école a formé plus de 5 000 ingénieurs qui travaillent dans l'automobile, l'aéronautique, le spatial ou le ferroviaire. Esigelec L'Ecole Supérieure d'Ingénieurs généralistes située sur Rouen, forme des jeunes sur un cursus de 3 ans en filière classique ou par apprentissage. Pendant un an et demi, les élèves suivent une formation générale avant d'être répartis sur une dizaine de dominantes. Deux d'entre elles concernent l'automobile : la mécatronique et l'ingénierie des systèmes embarqués. Un campus dédié à cette spécialité devrait voir le jour en 2010. |
ZOOML'emploi des jeunes ingénieurs est-il à l'abri de la crise ? 68 % des jeunes ingénieurs interrogés redoutent que la crise n'allonge leur recherche d'emploi. Les directeurs des différentes écoles se montrent plus confiants : "Nous connaissons une situation de crise qui ne va pas durer, l'automobile est une des clés de l'économie", assure Hervé Renaudeau, directeur de l'Estaca. Le directeur de l'Eigsi, Sylvain Orsat, reconnaît "un signe de ralentissement" dans les embauches et estime que la recherche d'emploi sera "certainement, un peu plus longue pour la prochaine promotion." La formation généraliste d'ingénieur dispensée par ces écoles reste un point fort face à la crise. Elle donne l'opportunité aux élèves de s'orienter vers d'autres secteurs, en attendant que l'automobile reparte. "Les ingénieurs sont très prisés, confirme Claude Guillermet, directeur de l'Esigelec, s'ils ne trouvent pas dans la branche automobile la diversité de nos formations (dont les sessions sur le génie des systèmes informatiques, systèmes embarqués, mécatronique, NDLR) leur permettra de s'engager vers d'autres voies professionnelles. "L'aéronautique est un secteur un peu moins touché par la crise où les élèves pourraient trouver des opportunités", intervient Hervé Renaudeau.Si les craintes n'en sont pas à leur paroxysme, les écoles d'ingénieurs ont néanmoins renforcé l'accompagnement des élèves dans leur insertion professionnelle. A l'Eigsi, le choix des stages en entreprise est suivi de près : "Nous voulons orienter nos élèves dans des structures qui sont capables de leur dispenser une formation de qualité, ce qui leur permettra de rebondir dans leur carrière professionnelle, indique Sylvain Orsat. Passer chez Valeo, Michelin, Renault ou Peugeot reste une excellente carte de visite pour travailler dans d'autres secteurs d'activités", insiste-t-il. A l'Estaca, Hervé Renaudeau "conserve des liens étroits" avec les industriels, notamment au travers du comité stratégique mis en place au sein de l'établissement pour évaluer les besoins dans l'automobile. Les élèves eux, songent à partir à l'étranger (72,2 %) : "Lorsqu'il y a des difficultés à trouver un emploi sur le territoire national souvent les jeunes souhaitent partir même si la situation n'est pas forcément meilleure !", indique Sylvain Orsat, tout en indiquant que c'est un bon point sous l'angle de la mobilité, item clé chez les recruteurs. |
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