S'abonner
Social

L’audace des apprentis

Publié le 12 juin 2009

Par Sarah Motro
7 min de lecture
Notre enquête, lancée au mois de mai auprès des élèves de l'Aforpa et du CFI, met en avant la détermination des jeunes apprentis à évoluer dans l'automobile. Au-delà de leur attrait pour les marques de luxe, ils souhaitent...
...consolider leur formation et songent aussi à monter leur propre entreprise. Mais la réalité des chiffres ne tient bien sûr pas le même discours…

95,83 % des apprentis interrogés déclarent avoir choisi l'automobile par "passion". Fini l'image d'Epinal du jeune qui s'engage par défaut dans le secteur ? "Oui", affirment Marc Fritisse directeur de l'Aforpa et Olivier Boisgard, manager pédagogique du groupe Maintenance des véhicules au CFI (lire focus). "Aujourd'hui, pour travailler dans la réparation, il faut se familiariser avec toutes les nouvelles technologies. Un élève arrivé dans le métier par défaut aura du mal à trouver sa place", estime Marc Fritisse. Les jeunes en formation dans la réparation en 2009 affichent donc une certaine ambition : 18,75 % d'entre eux souhaitent intégrer un BTS et 54,17 % envisagent de poursuivre au-delà, en licence professionnelle pour la plupart. Olivier Boisgard reste sceptique : "Entre leurs envies et le travail qu'ils fournissent, il y a une marge. Chez nous, entre 50 et 60 % des BEP parviennent au niveau bac, alors cela me paraît encore plus difficile d'atteindre le niveau BTS". A l'Aforpa, autre centre de formation, autre discours : "De plus en plus de jeunes se dirigent vers le Bac Pro ou le BTS, les nouvelles formations mises en place, comme la licence professionnelle, donnent de nouvelles opportunités aux jeunes qu'ils ont envie de saisir". Selon lui, la "pression sociale" des parents et la communication accrue sur le sujet dans les écoles les incitent à se projeter dans des études supérieures : "Ces nouveaux comportements sont apparus il y a quatre ans seulement", note Marc Fritisse. La réforme du bac professionnel en trois ans (lire page 39) devrait d'ailleurs amplifier ce phénomène. Les prétentions professionnelles des élèves ? Elles restent comme dans notre première enquête (JA 1048), orientées vers les constructeurs (22 %) et les concessions (39 %). Les agents ne récoltent que 5,88 % des suffrages alors que la plupart des apprentis, 90 % des élèves au CFI par exemple, travaillent dans des garages.

Le pouvoir de l'image

Pour Marc Fritisse, les élèves préfèrent envisager leur avenir chez les constructeurs et concessionnaires parce qu'ils leur permettent "d'évoluer, d'acquérir un niveau de technicité plus élevé, un meilleur salaire et des avantages sociaux importants", par rapport à un agent ou un réparateur indépendant. Ce choix marque également l'attachement à "l'image" que renvoient les constructeurs. Une question d'image encore lorsque les jeunes indiquent leurs marques préférées. 20 % d'entre eux souhaitent travailler pour des marques de luxe (Lamborghini, Aston Martin ou encore Ferrari). "Au-delà de l'image, nos élèves sont attirés par les techniques de réparation et des machines spécifiques aux véhicules de luxe", précise Olivier Boisgard. Pourtant, naturellement, peu d'entre eux parviennent à intégrer des équipes spécialisées sur ce segment de véhicules. Au CFI, 90 % des diplômés sont embauchés par une marque française. Le chiffre attribué à Citroën (près de 16 % des votes) s'explique en partie par le partenariat passé avec le CFI, dont les élèves ont répondu en nombre. Le constructeur accueille la plupart d'entre eux dans le cadre du CQPTE (certificat professionnel de technicien électricien automobile). Pour Marc Fritisse, ce choix des apprentis correspond également à l'évolution de la marque française : "Les exploits sportifs de Sébastien Loeb lui ont donné une valeur dans le milieu de la compétition". De leur côté, Hyundai et Kia n'ont reçu aucune voix des jeunes interrogés : "ces constructeurs ne renvoient pas une image de grande noblesse", justifie Marc Fritisse. La nouvelle distribution (centres-autos et fast-fitters) ne soulève pas non plus un grand enthousiasme auprès des jeunes : 60,87 % d'entre eux ne sont pas intéressés par les enseignes proposées (Feu Vert, Norauto, Midas, Speedy, Carglass, Point S et Euromaster). Olivier Boisgard évoque un "problème culturel" vis-à-vis de ces enseignes : "C'est la guerre entre cette nouvelle distribution et les garages (indépendants ou constructeurs, NDLR) auxquels ils prennent des parts de marché. Ce mode de pensée apparaît très tôt, les jeunes en prennent connaissance dès qu'ils sont immergés dans le monde de l'entreprise". Pour Marc Fritisse, ces structures se concentrent "seulement sur une partie de la réparation, l'entretien courant. Un diplômé de bac professionnel aura du mal à utiliser ses connaissances". Alors comment expliquer l'adhésion des jeunes (à 26 % pour Norauto ? "La spécialisation de ce centre-auto dans le tuning le rend certainement plus attractif", argumente Olivier Boisgard.

Les choix des apprentis ne semblent en aucun cas être influencés par la crise économique. En effet, 69 % des jeunes interrogés envisagent de se mettre à leur propre compte. "Devenir son propre patron se décide très tôt", commente Marc Fritisse. Le directeur de l'Aforpa affirme que les démarches des jeunes doivent être accompagnées par la profession : "Nous nous chargeons de les former au mieux pour atteindre leurs objectifs. Il faut ensuite les soutenir auprès des banques pour qu'ils puissent obtenir les crédits."

Selon Olivier Boisgard, la création d'entreprise reste, dans les faits, limitée pour les apprentis : "Seulement 2 à 3 % de nos jeunes se mettent à leur propre compte, souvent ils reprennent une affaire familiale. Entre leurs souhaits et la réalité, il existe une marge importante".

FOCUS

Aforpa

L'Aforpa est un organisme de formation spécialisé dans les métiers de l'automobile. Composé d'un Centre de Formation d'Apprentis (CFA) et d'un Centre de Formation Continue (CFC), il permet de décrocher des diplômes de mécanicien automobile (CAP, BEP, Bac Pro, BTS, CQP Service Rapide, CQP Technicien Electricien Electronicien Automobile), de carrossier (CAP, BEP et Bac Pro), de peintre (CAP) et de vendeur magasinage (CAP, CQP Vente Pièce de Rechange).

CFI

Le CFI, Centre des Formations Industrielles, est un établissement issu de la fusion en 1997 de deux Centres de Formation Technologique (CFT) de la CCIP (Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris) et de l'adjonction du Centre de Plasturgie d'Orly. Il prépare à une quarantaine de diplômes et titres de formation, notamment dans la filière maintenance des véhicules particuliers et industriels (mécanique/carrosserie/peinture). Les diplômes et titres délivrés vont du BEP au BTS en passant par le Bac Pro.

ZOOM

Crise : les écoles sur le pont

D'après notre enquête, 65 % des jeunes interrogés craignent que leur recherche d'emploi soit plus longue à cause de la crise économique. En même temps, près de 45 % d'entre eux auraient déjà reçu une proposition d'embauche. "Jusqu'à présent, 90 % des jeunes étaient embauchés dans l'entreprise où ils avaient fait leur apprentissage", affirme Olivier Boisgard, manager pédagogique du groupe Maintenance des véhicules au CFI. Depuis le début de la crise quelques contrats en apprentissage ont été rompus dans cette école. "Nous comprenons l'inquiétude des élèves, soutient Marc Fritisse, directeur de l'Aforpa. En plus, la position des employeurs vis-à-vis de l'intégration des apprentis dans leurs entreprises diffère de l'un à l'autre." L'organisme de formation a donc lancé une vaste campagne auprès de ces entreprises. D'ici la fin du mois d'octobre, des "développeurs" vont visiter 1 500 entreprises et les 110 enseignants de l'établissement partiront dans 1 300 entreprises qui accueillent au moins un apprenti. Objectif : savoir si les chefs d'entreprises accueilleront des apprentis à la rentrée prochaine. "Au travers de cette action, nous souhaitons leur présenter tous les aspects de l'apprentissage et leur expliquer la réforme du bac professionnel en 3 ans", explique Marc Fritisse. Même démarche du côté du CFI, qui a adressé des courriers à l'ensemble de ses contacts en entreprise. "La crise laisse présager des difficultés mais il ne faut pas dramatiser", insiste Marc Fritisse.

Photos :
Marc Fritisse, directeur de l'Aforpa.
Olivier Boisgard, manager pédagogique du groupe Maintenance des véhicules au CFI.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle