Entretien avec Louis Grümmer, For Value (Paris) : "Peu de jeunes ont aujourd'hui la capacité de construire et de conduire leur carrière"
...d'habitude s'annoncent.
Journal de l'Automobile. Pourquoi avoir choisi de vous mettre à votre compte plutôt que de rejoindre une grande structure ?
Louis Grümmer. Parce que c'est un défi qui me motive ! Sans doute aussi par tradition familiale. Il y a beaucoup d'entrepreneurs dans mon entourage et l'idée me trottait dans la tête depuis plusieurs années. Enfin, j'ai débuté dans un grand groupe, j'y ai d'ailleurs beaucoup appris, mais sans prétention aucune, je connais donc cet environnement.
JA. Quelles sont les principales difficultés de votre profession ?
LG. Au-delà de la conjoncture, qui n'est d'ailleurs pas fondamentalement un problème, on peut évoquer la gestion du relationnel. Nous faisons un métier de missions où les notions de contact et de confiance sont importantes. Chez un client, si votre interlocuteur change, beaucoup de choses peuvent être remises en cause. Il faut donc mettre en place des outils commerciaux pour s'émanciper de cette variable. Par ailleurs, il faut de la constance dans les résultats. Vous avez beau avoir mené à bien dix missions, si la onzième est plus problématique, c'est celle-ci qui marque les esprits. Enfin, même si c'est un état de faits et pas une difficulté, il est essentiel de prendre en compte que la donne a changé dans notre métier. Principalement avec Internet, ses flux et ses
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JA. A propos de conjoncture, confirmez-vous que le marché de l'emploi repart de l'avant en cette fin d'année ?
LG. C'est vrai que nous ressentons tous un élan positif manifeste. Il se transmet d'ailleurs à l'ensemble de la chaîne décisionnelle du recrutement.
JA. Quel est le process type de vos missions ?
LG. L'idée préalable qui gouverne à l'ensemble de la démarche est bien entendu de mettre tous les candidats dans une position identique. Dans un premier temps, il y a la base, c'est-à-dire le recueil, l'examen et la qualification des candidatures. Candidatures reçues après une annonce, recherchées dans les candidathèques existantes, ou sollicitées par une approche directe. Ensuite, le premier entretien qui se réalise par téléphone et qui permet, en moyenne, de filtrer à 70 % cette base. Puis, on passe à l'entretien en face à face. C'est évidemment le moment clé du processus.
JA. Avant la présentation au client, à savoir l'employeur ?
LG. Tout à fait. Les candidats sélectionnés sont présentés au client, le plus souvent via un entretien individuel avec les opérationnels et les membres RH dudit client.
JA. Sollicite-t-on votre présence lors de cet entretien ?
LG. Cela dépend des clients, mais en général, non.
JA. Toutefois, intervenez-vous au moment de la prise de décision finale ?
LG. Comme au moment de la sélection des candidats, je reste naturellement une force de proposition. Mais il est logique que je ne sois pas à proprement parler le décisionnaire dans la mesure où la recrue ne va pas travailler pour moi ni avec moi. Le plus souvent, ce sont les opérationnels du client qui entérinent la décision définitive, ce qui est assez logique par rapport à ce que je viens de dire.
JA. Quels éléments peuvent rendre cette phase de prise de décision délicate ?
LG. D'une manière générale, deux cas de figure peuvent compliquer les choses : quand le département RH et les opérationnels sont fondamentalement en désaccord, et quand le rythme du processus est nettement ralenti pour des raisons x ou y. Ce dernier point se révèle même être souvent un facteur d'échec.
JA. Une fois la décision prise et validée, est-ce la fin de votre mission ?
LG. Pas tout à fait non. Je participe en effet au processus d'accompagnement de la nouvelle recrue durant sa période d'essai. C'est un système de garantie en quelque sorte.
JA. D'un point de vue général, qu'est-ce qui caractérise le marché du recrutement du middle-management dans l'automobile ?
LG. En amont comme en aval, il s'agit d'un marché très concurrentiel sur lequel le respect des principes de proximité et de réalité du terrain se révèle déterminant. D'un point de vue plus structurel, il apparaît aujourd'hui légitime de penser à lutter contre la consanguinité dans les recrutements automobiles. C'est une pratique trop répandue et elle ne devrait pas être un système. Bien entendu, cela dépend beaucoup des managers que nous avons face à nous… Mais même si les jeunes managers sont plus ouverts à la diversification, la tentation de la facilité reste très forte. Disons que nous sommes à la croisée des chemins. Avec de grosses différences. D'un côté, vous avez certaines entreprises qui prennent le parti de former des jeunes et d'intégrer des nouveaux profils et de l'autre, vous avez des entreprises qui recrutent du personnel déjà formé par le truchement du lobbying ou de leur réseau.
JA. Pouvez-vous vraiment pousser vos clients à modifier leurs habitudes de recrutement ?
LG. Pousser, le mot est peut-être fort. Mais je suis une force de proposition et je peux donc inciter. Dès la recherche et la qualification du profil, mais aussi au moment de l'argumentation lorsque je présente ma short-list de candidats aux clients.
JA. Avez-vous un exemple concret de réussite dans ce domaine ?
LG. Je me souviens notamment d'un poste de responsable de centre de profit dans l'activité pièces de rechange. J'avais soutenu le dossier d'une candidate non issue de l'automobile mais qui avait une expérience significative dans la vente de machines à traire. C'était vraiment le bon profil et d'ailleurs, ça a marché.
JA. Passons maintenant au chapitre des candidats et notamment aux plus jeunes d'entre eux : on entend souvent dire que "tout fout le camp" et qu'ils ne s'impliquent plus. Confirmation ou infirmation ?
LG. Chez les plus jeunes, force est de reconnaître que le rapport au travail et à l'implication s'est modifié, pas forcément en bien… L'épisode du CPE a d'ailleurs été révélateur sous cet angle, avec beaucoup de jeunes laissant apparaître que l'entreprise doit être un lieu de protection et de confort. Mais ce n'est pas une fatalité. De même, si la fidélité à l'entreprise est moindre, cela tient beaucoup au comportement social des entreprises ces dernières années. Enfin, et c'est peut-être l'élément le plus important d'un point de vue RH, très peu de jeunes ont aujourd'hui l'envie ou la capacité de construire et de conduire leur carrière. C'est pourtant essentiel, surtout avec l'importance croissante de la formation continue.
JA. La formation continue fait-elle justement partie des exigences, ou tout du moins des demandes, des candidats ?
LG. Non, pas vraiment. Sauf pour les 30 % de candidats qui ont vraiment à l'esprit l'importance du pilotage de leur carrière. Et puis, il faut aussi faire attention avec les formations continues. Dans les années difficiles, on a vu fleurir pléthore de modules un peu vagues et de MBA légèrement trompeurs… Des formations qui n'apportent pas toujours grand-chose.
JA. Quelles sont leurs principales exigences alors ?
LG. Leurs demandes portent beaucoup sur l'intégration dans l'entreprise, le salaire, bien entendu, et les éventuels avantages proposés.
JA. La maîtrise de l'anglais est-elle vraiment nécessaire ?
LG. Il est vrai que certaines entreprises en font sans doute un peu beaucoup sur ce sujet… Toutefois, dans le middle-management, sans l'anglais, les perspectives d'évolution sont clairement limitées.
JA. En guise de synthèse, quels conseils donneriez-vous aux jeunes candidats susceptibles de prétendre au middle-management ?
LG. Tout d'abord, qu'il faut une formation de base sanctionnée par un diplôme. Sans le diplôme final, tout peut être remis en question. Ensuite, que l'alternance, à Bac +2 ou Bac +5, est désormais bien acceptée. Que les doubles cursus sont très prisés, notamment le duo technique et commercial. Enfin, que la mobilité, la véritable mobilité s'entend, est importante et pas forcément dans les secteurs où on s'y attend le plus. Par exemple, la mobilité est plus essentielle dans le secteur de la production que dans le domaine commercial.
JA. Enfin, pour conclure sur une note personnelle, quelles peuvent être les voies de diversification pour un cabinet comme le vôtre ?
LG. Principalement les métiers connexes au recrutement. La formation, le coaching, même si cela demande de nouvelles compétences. Et il y a un thème qui m'intéresse beaucoup : l'accompagnement des collaborateurs méritants et performants dont l'entreprise est obligée de se séparer. Dans le cas du top-management, tout est prévu et bien organisé, mais pour le middle-management, au-delà des bilans de compétences à négocier, c'est la jachère.
Propos recueillis
par Alexandre Guillet
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