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Benoit Tiers, président d’Audi France

Publié le 17 septembre 2010

Par Alexandre Guillet
15 min de lecture
"Un grand plan qualité réseau sera lancé dès 2011 "Naturellement comblé par cette nouvelle consécration, Benoit Tiers préfère toutefois évoquer les nombreux...
...projets en cours visant à encore améliorer les performances de la marque et du réseau. Volontiers discret autant qu'inflexible et déterminé, son viatique est simple : au-delà de la qualité du produit, le client doit être le centre focal de toutes les relations.

Journal de l'Automobile. Quels commentaires vous inspire ce second succès consécutif au GPMA TNS Sofres ?
Benoit Tiers. Nous sommes naturellement ravis car cela vient récompenser les produits, mais aussi le travail de la marque et du réseau. C'est un accomplissement dans la mesure où la distinction émane de nos clients. Je pense en outre qu'on ne peut pas parvenir à ce résultat sans détermination, vision et stratégie.

JA. La marque Audi est aussi distinguée dans la catégorie "Qualité du produit". Au-delà du travail sur le maintien d'une très bonne qualité, qui n'a jamais été remise en cause, quels programmes déclinez-vous, notamment dans le réseau, pour continuer à progresser dans ce domaine ?
BT. En termes de produits, c'est l'un des fondements de la marque, qui traverse toute son histoire. C'est dans les gènes de la marque, au même titre que l'innovation technologique. Quels que soient le modèle et son positionnement dans la gamme, nous ne faisons jamais de compromis dans ce domaine. L'A1 en est un parfait exemple. Cette qualité initiale du produit doit ensuite se retrouver dans tous les cycles de contact avec le client : vente, livraison du véhicule, après-vente. Nous travaillons actuellement beaucoup sur ce sujet et vous savez que nous sommes en phase de restructuration de notre réseau, ce qui se traduit par de nouveaux sites et de nouveaux standards. C'est d'autant plus important dans le Premium car vous traitez des clients qui ont dépensé en moyenne 40 000 e pour leur véhicule. En outre, la concurrence est de plus en plus féroce et au-delà du produit, la qualité des services est déterminante pour faire la différence. Le client doit disposer d'un traitement personnalisé.

JA. Qu'entendez-vous exactement par "traitement personnalisé", notion dont la géométrie peut être variable ?
BT. Au niveau de la relation client, cela passe avant tout par une qualité d'écoute irréprochable. Mais cette notion s'applique aussi au véhicule car il s'agit d'une demande des clients. D'où l'offre de personnalisation assez profonde que nous proposons sur l'A1. Nous travaillons donc sur ces deux niveaux, sachant que cela implique une meilleure connaissance de nos clients et donc une gestion plus fine et détaillée de nos bases de données. On ne peut pas se limiter à l'état civil du client, il faut savoir ce qui compose sa vie.

JA. Cette démarche se traduira-t-elle au niveau des standards pour le réseau ?
BT. Je crois qu'il faut un peu démystifier cette notion de standards. Bien entendu, un groupe industriel regorge de standards car c'est nécessaire. Mais l'essentiel est ailleurs pour une marque. Il réside dans la qualité comportementale de ses professionnels pour répondre le plus exactement possible aux demandes des clients. Au-delà du produit, la part la plus importante de la satisfaction clients passe par la relation humaine. Surtout quand vous n'êtes pas une marque de masse.

JA. Le design, y compris le style intérieur dorénavant, est régulièrement présenté comme le 1er critère d'achat d'un VN : lui accordez-vous une telle importance ?
BT. C'est indubitable et de manière encore plus marquée dans le haut de gamme. Le design cristallise la première perception, celle qui va conditionner le client dans la durée. Audi travaille beaucoup sur le design et si nous ne donnons pas dans la rupture spectaculaire, nous assumons le choix d'une continuité évolutive, mais aussi des partis pris. Je pense aux feux à leds ou à la calandre single frame par exemple. L'A7 en sera encore une nouvelle illustration. Pour le style intérieur, nous accordons un soin particulier aux matériaux naturellement, mais aussi de plus en plus aux technologies et aux interfaces. Il s'agit d'intégrer et de prolonger avec une grande simplicité l'environnement du quotidien, ce qui commence naturellement avec le téléphone mobile. Aujourd'hui, l'automobile n'est plus un autre monde, une bulle. Avec le MMI, nous avons marqué les esprits sur l'A8, mais nous restons fidèles à notre stratégie top-down et vous retrouvez d'ores et déjà cette avancée sur l'A1. Cependant, tout en cherchant à toujours anticiper, nous ne faisons pas de surenchère car l'essentiel est de prendre en compte la véritable demande du client et nous évoluons de surcroît sur des segments où les acheteurs n'ont pas vingt ans. Il faut donc avancer pas à pas et surtout, surtout, faciliter l'intuitif et la simplicité d'utilisation.

JA. Dans un contexte de tension sur le pouvoir d'achat, les coûts d'utilisation tendent à prendre de l'importance : en tant que marque Premium, ressentez-vous aussi un peu ce phénomène ?
BT. Avec la crise, Audi a constaté de manière ponctuelle une évolution du mix, légèrement vers le bas, c'est vrai. Mais depuis le début de l'année, les choses sont totalement rentrées dans l'ordre. Par exemple, alors que d'aucuns prédisaient la fin des gros 4x4 en Europe, nous avons vu les ventes de Q7 repartir à la hausse de manière spectaculaire. En fait, si downsizing il y a, on peut dire qu'il est concerté, fruit d'une volonté commune des clients, des constructeurs et des autorités politiques de réduire les émissions. C'est une priorité sociale et citoyenne pour Audi. De surcroît, avec les avancées technologiques que nous proposons, cela ne nuit en rien au plaisir de conduire.

JA. Omniprésent dans les discours, notamment corporate et médiatiques, l'argument environnemental semble encore peu prégnant auprès du client. D'ailleurs, les spécialistes de TNS ne lui accordent toujours pas de dimension spécifique. Partagez-vous ce jugement ?
BT. Du fait des discours gouvernementaux et médiatiques, on voit s'opérer une réelle prise de conscience chez les clients. En revanche, cela n'a pas encore d'impact déterminant dans la hiérarchie des critères d'achat et je ne vois pas les choses évoluer à court terme. En France, au-delà du malus, très peu de clients posent des questions sur les émissions. Les choses sont différentes au Japon ou sur la côte ouest des Etats-Unis. Toutefois, cette problématique est capitale pour les groupes industriels. Et la prise de conscience n'est pas si récente que certains veulent le faire croire. Par exemple, chez Audi, l'A2 témoignait de cet effort et n'émettait en son temps que 81 g de CO2. Et vu nos efforts et nos investissements, à un moment ou à un autre, la technologie nous permettra d'arriver à des niveaux d'émissions insignifiants. C'est le sens de l'histoire.
   
JA. Aux yeux de votre prédécesseur, les principaux axes d'amélioration de la marque en France se situaient au niveau de la satisfaction lors de l'achat et du service après-vente : partagez-vous ce diagnostic et quel sera votre plan d'action en la matière ?
BT. La stratégie est claire. Tout d'abord, nous avons un plan "produits" fourni dans les mois qui viennent : A1, A7 sportback, puis la nouvelle A6 et le Q3. En parallèle, nous travaillons avec le réseau pour lancer un grand plan qualité dès 2011. Ce plan recouvre ce que nous évoquions en préambule. Il fera l'objet d'un projet d'entreprise Audi en France. J'insiste sur le fait que nous souhaitons discuter davantage avec le réseau que par le passé et que ce projet se construit via un dialogue avec le nouveau conseil des concessionnaires.

JA. Jusqu'où peut-on aller dans la personnalisation car à un moment donné, certains services et certaines prestations ont tout de même un coût important, n'est-ce pas ?
BT. Il convient de distinguer les basiques, qu'il faut améliorer en permanence, des services additionnels. Ces derniers doivent être disponibles et maîtrisés en cas de demande du client. Mais ils ne sont pas forcément gratuits et il ne faut pas penser que le client est réfractaire à payer certaines prestations. Le service jockey est un exemple parmi d'autres.

JA. Maintenez-vous votre calendrier de redimensionnement du réseau, pourtant synonyme  d'investissements importants pour les distributeurs, dans un cycle économique difficile ?
BT. Je crois que notre situation est un peu atypique dans le paysage actuel. Nous restructurons le réseau, mais nos partenaires distributeurs bénéficient d'un trend commercial et financier très favorable. En prises de commande, nous sommes à + 22 % depuis le début de l'année sur un marché Premium en baisse de 2 % ! Nous aurions presque des problèmes de riches, à savoir des problèmes de livraison. En outre, nos distributeurs sont déterminés à suivre notre stratégie et sous l'effet de la crise, les investissements à consentir sont moindres, notamment parce que le m2 est nettement moins cher.

JA. Comment définiriez-vous le juste équilibre à trouver entre représentation physique et exploitation du potentiel du numérique ?
BT. La présence physique demeure déterminante. A plusieurs niveaux, marque-réseau ou réseau-clients. Nous faisons un métier de relations, où l'individu compte beaucoup. Mais les outils digitaux sont aussi très utiles. Ainsi, nous avons développé des outils de reporting très performants avec le réseau, en lien avec le conseil des concessionnaires. Mais fondamentalement, ces supports sont dédiés à l'information, mais pour le dialogue, la négociation et l'échange stratégique, rien ne remplace la dimension physique. C'est un peu pareil pour les clients. Certes, ils se renseignent précisément sur Internet, mais ils ont besoin du contact physique avec le produit, et humain avec le vendeur. En fait, la complexité d'aujourd'hui est de savoir jongler avec plusieurs points de contact : physique, téléphone, e-mail. C'est aussi le client qui décide. De notre côté, il nous importe de verrouiller les différents process, tout en respectant la liberté du client et du distributeur.

JA. Le lancement de l'A1 représente l'élément névralgique de votre fin d'année : détaillez-nous votre mode de préparation ?
BT. L'engouement du réseau et des clients pour ce modèle se révèle fantastique ! Des lancements vont se dérouler dans tout le réseau au cours des jours et semaines à venir. Un signe ne trompe pas : nous avions prévu 6 000 A1 en production pour la France pour 2010 et il y en a déjà 3 000 qui sont réservées. Par ailleurs, le lancement en Allemagne a très bien fonctionné et cela amène donc notre maison-mère à revoir dès maintenant à la hausse le plan de production ! Ce lancement se poursuivra ensuite avec l'impulsion donnée par l'arrivée de nouvelles motorisations.

JA. Avec ce nouveau modèle et le succès du pré-lancement, l'objectif de 14 000 unités en année pleine semble plutôt prudent, n'est-ce pas ?
BT. Prudent ? Si vous comparez l'objectif sur les 12 premiers mois de l'A1 avec le résultat qu'a eu son principal concurrent lors de son lancement, nous visons tout bonnement deux fois plus ! Donc, je pense que nous sommes tout de même ambitieux, mais j'espère que vous avez raison !

JA. Selon vous, quels modèles seront ses concurrents les plus sérieux ?
BT. Nous sommes sur une cible principalement citadine et "tendance". Le véhicule se veut donc trendy, avec un look sympathique et générant de l'affection. C'est aussi un modèle très ludique, même si l'A1 reste très sérieuse sous l'angle de la fabrication. Contrairement à ce que pensent certains, l'A1 n'est pas un modèle féminin et le mix sera d'ailleurs très partagé en genre. Pour répondre plus précisément à votre question, on peut citer la Mini et la DS3.

JA. A l'heure du downsizing et du pouvoir d'achat sous contrainte, comment comptez-vous vous prémunir contre la concurrence intramarque et intragroupe ?
BT. C'est l'univers des marques qui nous prémunit contre ce risque. Audi représente un univers Premium et on constate sur d'autres modèles où la question pourrait se poser que la cannibalisation est vraiment négligeable. L'A1 a sa légitimité par rapport à l'évolution de notre environnement, à savoir une forte urbanisation de la clientèle, une congestion problématique dans les villes, etc. Donc la demande des clients s'oriente majoritairement vers des véhicules plus petits et plus pratiques, mais toujours ludiques et liés au plaisir. En fait, les gens dépensent aujourd'hui plus dans l'automobile que par le passé. Par ailleurs, la cannibalisation entre A1 et A3 est rendue peu probable par le zoning prix des deux modèles.

JA. Vous arrivez sur un segment où la guerre des prix peut parfois s'exprimer, quelles stratégies adopterez-vous si vous deviez être confrontés à cet écueil ?
BT. Nous ne rentrerons jamais dans cette stratégie. Par rapport au positionnement et à l'image de la marque, ce n'est tout simplement pas possible. Mais ce n'est en aucun cas un problème. D'autant que c'est aussi cela qui nous permet de présenter des valeurs résiduelles très solides et performantes. Donc, nous ne rentrerons pas dans le jeu de la guerre de prix et nous ne l'avons d'ailleurs jamais fait sur d'autres segments, sans que cela soit préjudiciable à nos résultats.

JA. Comment avez-vous préparé le réseau à des reprises d'une nouvelle nature, afin que ce problème classique soit d'emblée verrouillé ?
BT. Nous ne sommes pas novices en la matière et nous connaissons l'importance de cette problématique. Nous l'avons donc travaillée en amont. Le label "Audi Occasion : plus" a été retouché, avec l'implémentation d'un nouvel outil dédié au cas de l'A1, et nous lançons d'ailleurs une nouvelle charte graphique pour le label.

JA. Dans la mesure où vous allez toucher une clientèle vraisemblablement plus jeune et humble, entre guillemets, quels types d'animations programmez-vous sur les réseaux sociaux par exemple, afin d'avoir le pendant à vos animations VIP bien rodées sur le haut de gamme ?
BT. L'A1 intéresse aussi beaucoup de clients VIP ! Elle est pleinement intégrée dans la gamme Audi, en toute cohérence. Certes, elle amènera de nouveaux clients, dont certains qui ne pouvaient pas forcément s'offrir une Audi avant. Mais ce n'est pas un véritable problème et de surcroît, nous avons le capital-expérience de l'A3 qui soulevait la même interrogation. C'était même la première compacte du segment Premium. Concernant les réseaux sociaux, nous intégrons ce nouveau trend, mais je ne pense pas que ce soit encore déterminant. Cependant, il faut les investir et créer une proximité clients par ce biais-là aussi.

JA. Au chapitre des énergies alternatives en France, quels sont vos prochains jalons ?
BT. L'électrique est le futur grand pas de notre stratégie dans ce domaine. Nous avons présenté e-tron et à nouveau, nous resterons fidèles à une méthode top-down. Nous proposerons dans un premier temps un véhicule sportif car nous sommes persuadés que l'automobile doit rester un plaisir, un plaisir responsable, mais un plaisir. Nous voulons donc démontrer qu'on peut se faire plaisir en conduisant un véhicule électrique et pour cela, il n'y a rien de mieux qu'une sportive. C'est d'autant plus important que lorsque vous écoutez les clients sur le terrain, cette technologie leur apparaît un peu rebutante. Ils craignent d'avoir à conduire une voiture de golf. Or, le plaisir électrique existe bel et bien, mais il faut le faire comprendre. Ensuite, nous déclinerons l'électrique sur d'autres produits. De toutes les façons, une mutation technologique aussi importante ne se fera pas en deux ans et il est donc indiqué de prendre du temps.

Curriculum vitae

Nom : Tiers
Prénom : Benoit
Né en 1970 dans le nord, Benoit Tiers passe une partie de son enfance au Niger. De retour en France, il accumule les diplômes (IPAG, DESS à l'Université de Lille puis Master à l'Université de Glasgow) et décroche un premier poste à Taïwan. En 1994, il intègre Jato Dynamics Ltd en tant que consultant marketing, avant de rejoindre Honda en 1997 comme chargé de développement réseau. C'est en 1999 que débute sa collaboration avec Audi et dès 2003, il prend les rênes de la direction commerciale de la marque en France. En 2007, il devient directeur général d'Audi India. Il y crée la filiale, le réseau de distribution et participe à la mise en place de l'usine  d'assemblage. Le plan de développement d'Audi en Inde sera atteint avec un an d'avance sur la feuille de route initiale. De retour en France, Benoit Tiers est promu le 1er juin 2010 à la direction d'Audi dans l'Hexagone.

ZOOM

Portrait chinois de Benoit Tiers

Si vous étiez un pays ?
L'Inde. C'est une civilisation qui a plusieurs milliers d'années, extrêmement riche et qui se trouve vraiment à mi-chemin entre l'Asie et l'Europe. Au-delà de la pauvreté qu'on ne saurait passer sous silence, le pays est très dynamique, avec une volonté d'entreprendre, d'essayer, quitte à se casser la figure, vraiment marquante. Pourtant, j'ai vécu et travaillé dans plusieurs pays sur différents continents, mais l'Inde m'a profondément marqué.

Si vous étiez un mets ?

Une mousse au chocolat ! Pour être très honnête, j'ai une grande passion pour le chocolat.

Si vous étiez une force, une qualité ?

La persévérance.

Si vous étiez un point faible, un défaut ?

Il y en a beaucoup ! Plus sérieusement, disons aussi la persévérance.

Si vous étiez un élément naturel ?

L'eau. Je suis très marin, j'aime beaucoup la mer.

Si vous étiez un péché capital ?

J'ai déjà donné un indice ! La gourmandise !

Si vous étiez une invention célèbre ?

M'inspirant d'une récente lecture, je dirais que le moteur de l'invention humaine, c'est la paresse. On invente pour se simplifier la vie. Alors pourquoi pas la roue par exemple.

Si vous étiez une autre marque (pas forcément automobile) ?

Chanel. Car c'est une immense marque d'une petite entreprise. Et elle a un tel pouvoir d'étonnement sur la mode.

Si vous étiez une marque disparue de l'histoire automobile ?

Alpine. Peut-être parce que je suis français. Ah, pourquoi Renault n'a pas relancé Alpine au moment du Spider !

Si vous étiez un objet de design ?

Une Audi A5. C'est vraiment une voiture magnifique. Chapeau monsieur De Silva !

Si vous étiez une personnalité historique ?

Gandhi. En Inde, j'ai vraiment pris conscience de son importance.

Si vous étiez un modèle de la gamme Audi ?

L'Audi R8.

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