Vente à perte de carburant : une mesure tuée dans l'œuf ?
Alors que le plan du gouvernement semblait s'étoffer petit à petit, - on avait appris en début de semaine que ce dernier octroierait une compensation aux stations indépendantes durant les six mois où seraient mis en œuvre cette mesure de vente à perte -, il est victime d'un double camouflet en moins de 24 heures.
En effet, "la grande distribution ne revendra pas à perte le carburant mais continuera néanmoins à appliquer sa politique de prix coûtant", ont annoncé les principaux dirigeants de ce secteur au ministre de l'Économie, Bruno Le Maire.
TotalEnergies refuse
Ce refus fait suite à celui de Patrick Pouyanné, patron de TotalEnergies, qui a martelé, lors de l'émission Le Quotidien sur TMC, que son groupe "ne descendra pas plus bas que 1,99 €/litre, ce qui est déjà un effort important."
De son côte, la Fédération nationale de l'automobile (FNA) a aussi fait savoir par la voix de son président, Robert Bassols, que toute compensation serait refusée. "Toutes mesures de compensation, tous pseudos équilibres annoncés dès ce lundi par une partie des représentants du secteur nous choquent", est-il possible de lire dans un communiqué paru en fin d'après-midi.
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Pour Aliou Sow, secrétaire général de la FNA, "les retours du terrain sont cinglants. La plupart refusent ce système de compensation car ce serait accepter la vente à perte, une initiative prise sans concertation et sans aucun sens économique".
L'autorisation de vente à perte aurait de toute façon rencontré des obstacles
Si, sur le fond, la politique du gouvernement est contestable pour l'ensemble des acteurs concernés, elle l'est également sur la forme. Pour Grégoire Toulouse, avocat en droit commercial et responsable du pôle Franchise & Réseaux du bureau de Paris, associé du cabinet Taylor Wessing, il était évident que des difficultés allaient s'apposer à cette mesure. "Le principe de la revente à perte est interdit par une loi adoptée il y a 60 ans. Elle avait été justement conçue pour protéger les petits commerces contre la grande distribution. Et aujourd’hui, avec la proposition du gouvernement, on est exactement dans ce cas de figure."
Néanmoins, il ne remet pas en cause la légalité d'une telle mesure. "Il existe des exceptions pour la revente à perte comme la période de solde", rappelle-t-il.
De son côté, Evelyne Friedel, avocate associée et à la tête du département droit commercial et de la concurrence dans le même cabinet stipule qu'"une modification législative de la loi de 1963 aurait pris trop de temps par rapport aux dates fixées par le gouvernement. Il aurait donc fallu le passage d'un décret mentionnant une levée de l'interdiction".
Des problèmes juridiques
Elle ajoute que si les grandes surfaces avaient accepté de revendre à perte à la suite d'une simple tolérance stipulée auprès de la DGCCRF par le gouvernement, cela aurait ouvert la voie à des poursuites car aucune loi n'aurait abrogé cette interdiction.
Grégoire Toulouse évoque également le fait que "ponctuellement, il aurait été envisageable de vendre à perte mais que de manière durable, cela aurait déséquilibré le marché". Des propos qui font échos à ceux des patrons des grandes chaînes de distribution réunis ce mercredi 20 septembre 2023 lors d'une audition à l'Assemblée nationale. "Nous n'avons aucun intérêt à tuer le petit pompiste," a exprimé Thierry Cotillard, patron du groupe Les Mousquetaires dont fait partie Intermarché.
Une facture énergétique trop lourde
Pour Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, "il ne faut pas trop ouvrir cette boîte de Pandore, au risque de fragiliser à la fois l'équilibre des filières et l'équité territoriale entre les consommateurs". Avec un tel refus des principaux distributeurs de carburants en France, quelles sont les marges de manœuvre du gouvernement ?
En tout cas, il semble urgent d'agir. Selon le dernier baromètre Cofidis, les Français jugent qu'ils leur manquent 588 euros en moyenne pour finir le mois sans se soucier de leurs dépenses, celles liées à l'énergie étant parmi les plus importantes.
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