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Une réforme d’ampleur est en marche

Publié le 15 janvier 2010

Par Armindo Dias
9 min de lecture
Les députés examinent actuellement un projet de loi réformant le crédit à la consommation, un texte rendu nécessaire par la transposition en droit français d'une directive européenne de 2008. La réforme n'est pas encore...
Les députés examinent actuellement un projet de loi réformant le crédit à la consommation, un texte rendu nécessaire par la transposition en droit français d'une directive européenne de 2008. La réforme n'est pas encore...
...entrée en vigueur mais ses grandes lignes sont déjà connues. Elles ne devraient pas être sans incidences auprès de l'ensemble des acteurs du financement. Le crédit sur le point de vente est aussi concerné par le texte.

Attention danger ? Si la réforme en cours sur le crédit à la consommation n'inquiète pas outre mesure les sociétés de financement, elle ne les rassure pas toutes pour autant. "Nous considérons que cela est prématuré voire même périlleux de nous exprimer sur le sujet, nous a ainsi fait savoir une financière. Le projet de loi n'en est qu'à sa première lecture et il n'est pas encore passé en séance publique à l'Assemblée nationale. Aussi, nous risquerions d'alerter à mauvais escient les réseaux de distribution." Les grandes lignes du projet sont pourtant connues, la réforme devant normalement entrer en vigueur à la mi-2010. Le nouveau texte devrait notamment instaurer de nouvelles règles en matière de publicité : les publicités sur les crédits devraient inclure des mentions obligatoires telles que : "un crédit vous engage et doit être remboursé" ou "vérifier vos capacités de remboursement avant de vous engager". Le délai de rétractation sur les crédits devrait lui passer de sept à quatorze jours, un point bien évidemment susceptible d'entraîner une hausse des annulations de dossiers de financement dans un premier temps, que les demandes de crédits soient effectuées sur les lieux de vente ou sur Internet. "Nous devrions par ailleurs assister à la mise en place de contraintes pré-contractuelles", indique Virginie Constant, consultante au sein du cabinet de conseil et de veille concurrentielle Sémaphore Conseil. Et sur le terrain, ces contraintes devraient se traduire par des obligations supplémentaires pour toutes les sociétés de financement.

Vérifier systématiquement la solvabilité des emprunteurs

Les prêteurs pourraient être obligés de fournir un minimum d'informations produits aux clients et de vérifier systématiquement la solvabilité des emprunteurs. En outre, ils pourraient être amenés à exploiter de façon beaucoup plus récurrente le Fichier des Incidents de Remboursements des Crédits aux Particuliers (FICP). "Les députés pourraient les obliger à le consulter avant l'octroi de tout nouveau crédit", poursuit Virginie Constant. Bref, il s'agirait là d'un véritable bond en avant : actuellement, ce fichier est rafraîchi à un rythme mensuel et sa consultation n'est pas obligatoire au moment d'accorder un prêt. Les mesures envisagées par la réforme ne s'arrêtent pourtant pas là, l'objectif final du gouvernement étant de favoriser le "bon crédit" et de lutter contre le surendettement des ménages. "Nous devrions aussi assister à une modification des taux d'usure", relève Virginie Constant. Les taux d'usure sont ni plus ni moins que les taux plafonds autorisés par la loi en matière de crédit. "Ils ne devraient plus dépendre des types de prêts mais des montants empruntés", précise la consultante de Sémaphore Conseil. Le crédit revolving ou crédit renouvelable est ici clairement visé. Pour preuve : la commission accordée aux vendeurs serait aussi réformée afin qu'il ne soit pas plus intéressant de proposer ce type de crédit. Est-ce à dire que les professionnels du crédit automobile ne seront pas impactés par la réforme en cours ? Pas sûr.

Un développement possible du e-learning

En effet, ils devront eux aussi procéder à quelques adaptations. "La nouvelle réglementation devrait notamment les inciter à investir dans la formation, estime Virginie Constant. Et cela pourrait se traduire par un développement important du e-learning." La nouvelle réglementation ne devrait en revanche pas trop "chambouler" leur niveau de production, cette dernière étant uniquement susceptible de connaître un petit passage à vide avec la modification du délai de rétractation. "Les crédits automobiles sont déjà très bien encadrés, souligne la consultante de Sémaphore Conseil. Ils font déjà tous l'objet de demandes de documents justificatifs du type fiches de salaires. En outre, les réseaux et les concessionnaires automobiles s'appuient déjà sur des spécialistes du financement, les fameux F & I." Résultat : les grands bénéficiaires de la réforme pourraient bien être au final les professionnels du financement automobile sur les lieux de vente. Ils ne devraient en tout cas pas être les plus défavorisés. En effet, quasiment tous ne proposent que des prêts affectés, à savoir les types de prêts que souhaite "booster" le projet de loi en cours. "Les taux d'usure des prêts affectés devraient être inférieurs à ceux des prêts personnels", confirme d'ailleurs Virginie Constant. Une chose est sûre : tous les professionnels du financement automobile sans exception craignent la mise en place d'un fichier positif dans l'Hexagone (un fichier positif est un fichier regroupant tous les crédits souscrits par un emprunteur). Si un tel dispositif était mis en place en France, ils pourraient non seulement être amenés à revoir leurs scorings mais aussi être amenés à refuser des dossiers qu'ils acceptent aujourd'hui et qui ne font l'objet d'aucuns impayés. Mais le plus important n'est pas là.

L'efficacité du fichier positif reste à prouver

Les professionnels estiment d'abord et avant tout que l'efficacité du fichier positif en matière de lutte contre le surendettement reste à prouver. A l'instar d'autres acteurs ou représentants du monde de la finance, qui estiment que le surendettement est moins lié au crédit qu'aux accidents de la vie (chômage, divorce, santé). La Fédération Bancaire Française a par exemple souligné récemment que le nombre de dossiers de surendettement avait augmenté de 70 % en Belgique depuis la mise en place d'un fichier positif : elle a attribué cette hausse au fait que le fichier positif "favorise généralement le développement d'offres agressives de crédit". Certains établissements exploiteraient le fichier non seulement pour vérifier la solvabilité d'un particulier sollicitant un crédit, mais aussi pour identifier des clients potentiels. La France fait en tout cas partie de l'un des rares pays à ne pas avoir encore adopté un tel dispositif sur le Vieux Continent : les deux seuls pays à ne pas avoir mis en place de fichiers positifs en Europe occidentale sont la France et le Danemark d'après une étude menée récemment par Sémaphore Conseil (voir le tableau en cliquant à droite sur "plus de photos/d'infos"). Ladite étude a constaté, entre autres, que "dans bon nombre de pays, et notamment dans ceux dans lesquels la notion de protection des données personnelles revêt une grande importance, les fichiers les plus représentatifs sont le plus souvent des fichiers positifs."

Un outil de prévention supplémentaire

Ces fichiers sont, par ailleurs, soit contrôlés par l'Etat, soit gérés par des pools d'établissements de crédit ayant au fil des ans fédéré l'écrasante majorité de la communauté bancaire autour d'eux et édicté des codes de bonne conduite très stricts (c'est notamment le cas en Allemagne, en Hollande et en Roumanie). Et dans ce cas, les fichiers reposent sur le principe de réciprocité (consultation des données proportionnelle à la contribution). "Les deux facteurs clefs pour qu'un fichier positif soit accepté par l'ensemble de la société sont certainement les délais de mise à jour des fichiers et l'obligation préalable de leur consultation au moment de l'octroi des crédits", estime Sémaphore Conseil. La Belgique, dernier pays à avoir mis en place un fichier positif, a ainsi opté pour une obligation de consultation préalable et pour un délai de mise à jour particulièrement court. "Nous avons constaté que ce n'est pas parce qu'il y a un fichier positif que les créances douteuses baissent, et qu'a contrario, on ne pouvait affirmer que l'existence ou l'instauration d'un fichier positif ne permettait pas déjà de limiter la hausse des impayés", indique Virginie Constant. Sémaphore Conseil estime finalement qu'un fichier positif pourrait représenter un outil de prévention supplémentaire pour les captives et les sociétés de crédit indépendantes en France. Ces entités vont pourtant devoir patienter. "Le législateur s'est donné un délai de réflexion de dix-huit mois pour créer ou non un tel fichier", conclut Virginie Constant.

QUESTIONS À

Pierre Blanc, associé au sein du cabinet Athling Management.

Journal de l'Automobile. Quels sont les principaux éléments appelés à évoluer avec la réforme en cours sur le crédit à la consommation ?
Pierre Blanc. Il convient d'abord de signaler que rien n'est encore finalisé. En effet, si la réforme a été adoptée par le Sénat, elle doit encore passer devant l'Assemblée nationale, voire faire un aller-retour supplémentaire au Sénat. Ceci étant dit, certains points seront forcément appliqués : la réforme a été lancée afin de transposer en droit français une directive européenne datant de 2008. Sont notamment concernés le délai de rétractation et le plafond de protection sur le crédit à la consommation. Le délai de rétractation doit ainsi passer de 7 à 14 jours et le plafond de protection de 21 500 euros à 75 000 euros. D'autres évolutions majeures sont néanmoins programmées. Les autorités françaises ont en effet décidé d'aller plus loin afin de favoriser le crédit responsable et lutter contre le surendettement des ménages. Résultat : la réforme devrait aussi inclure des chapitres sur la publicité, les cartes privatives, les taux d'usure et les durées d'amortissement. Au final, nous devrions assister à la mise en place d'une législation qui entraînera à la fois une réduction des durées de remboursement et une baisse des écarts de taux entre les prêts personnels, les crédits affectés et les crédits renouvelables.

JA. Et quel en sera l'impact auprès des professionnels ?
PB. D'abord, son impact sera plus ou moins important selon le positionnement et l'offre de chaque professionnel. Ceci dit, elle aura un impact certain. En effet, tous les acteurs du crédit sont concernés par cette réforme, qu'il s'agisse d'établissements bancaires, de captives de constructeurs automobiles ou de sociétés de crédit indépendantes. Toutes les financières devraient ainsi avoir à investir dans la formation de leurs vendeurs ou commerciaux. Elles devraient en tout cas y avoir intérêt : des amendements sont susceptibles de toucher les modalités de commissionnement des forces de vente. Des études de solvabilité plus poussées, préalables à tout octroi de crédit, pourraient en outre être instaurées. La réforme est donc tout sauf mineure. Pour preuve : elle pourrait aussi donner lieu à une redistribution des cartes sur le marché du crédit. De nouveaux organismes pourraient se lancer dans le crédit à la consommation et nous pourrions assister à des rapprochements entre acteurs.

JA. La création d'un fichier positif accélérerait-elle les choses ?
PB. Nous n'en sommes pas encore là. Le Sénat vient seulement de demander à ce qu'une étude soit réalisée sur l'opportunité ou non de mettre en place un tel fichier dans l'Hexagone. Les conclusions ne seront donc pas rendues avant plusieurs mois. Aussi, la profession va continuer à s'appuyer sur le Fichier des Incidents de Remboursements des Crédits aux Particuliers ou FICP. Et lui aussi va être touché par une réforme. Les professionnels du crédit devront sans doute l'alimenter de façon hebdomadaire et non plus mensuelle d'ici à la fin 2010. C'est sûr. La réforme en cours est d'ampleur.

Photo : Virginie Constant, consultante chez Sémaphore Conseil.

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