Une étude de l'Ademe confirme l'intérêt du rétrofit électrique
Elle aura mis du temps à être publiée, mais l'étude de l'Ademe sur les perspectives de développement du rétrofit électrique est désormais disponible. Un rapport dans lequel la pratique qui consiste à extraire le moteur thermique d'une voiture d'occasion pour en installer un autre électrique, est jugée pertinente par les experts de l'agence française de l'environnement et de l'énergie.
Un an après la parution au Journal officiel, les acteurs du rétrofit attendaient avec une certaine impatience le résultat de cette étude qui vient confirmer l'intérêt de créer une filière. Chiffres à l'appui, l'Ademe rapporte notamment que la conversion de citadines permettrait de réduire de 66 % leurs émissions de CO2 par rapport au scénario de conservation du véhicule diesel, et de 47 % par rapport au scénario d'achat d'un véhicule électrique neuf. Les analystes expliquant que le processus de fabrication d'un moteur électrique reste émetteur de carbone.
Arnaud Pigounides, coprésident de l'association AIRe (Acteurs de l'Industrie du Rétrofit électrique), s'est félicité de cette étude qui selon lui va au-delà des prévisions en termes d'impact sur l'environnement. "Si nous sommes en mesure de réduire les émissions de CO2 de moitié voire de deux-tiers, nous ne devons pas nous priver de cette pratique, a-t-il défendu auprès du Journal de l'Automobile. Ce rapport est une bonne nouvelle car il nous élève au rang d'alternative". Il ne se berce pas d'illusions pour autant. L'objectif d'interdiction de vente des véhicules avec carburants fossiles à horizon 2040 limite les perspectives sur le long terme, comme le rappelle l'agence dans son bilan d'étude. "Nous devons jouer la carte du business ponctuel", atteste le porte-parole de l'AIRe.
Compétitif sur les véhicules plus imposants
A plus court terme, d'autres menaces pèsent sur la filière, souligne l'agence. "Face à un secteur du véhicule électrique neuf bien structuré et un marché de l'occasion qui se consolide, le modèle économique de la filière du rétrofit reste incertain", souligne l'Ademe. Le retrofit d'une citadine coûte presque aussi cher, en coût complet au kilomètre, que l'achat d'un véhicule électrique neuf. Il est estimé par les analystes que le rétrofit avec une batterie de 20 kWh a un coût de revient de 12 350 euros par kit de conversion (production et installation comprises), soit un prix de vente au client de 21 000 euros TTC. Il faut compter 15 000 euros pour un kit avec une batterie de 30 kWh, soit 24 000 euros prix de vente public. En comparaison, à ce jour une Volkswagen e-Up (37 kWh) est annoncée à 23 500 euros et une Dacia Spring (26 kWh) à 19 000 euros.
Pour le député LREM de la Sarthe, Damien Pichereau, "il faut intégrer le retrofit au plan de relance automobile". Et ce dernier de poursuivre : "il y a des aides pour les particuliers, il faut maintenant soutenir les entreprises pour passer au stade de l'homologation, qui coûte très cher". Dans son rapport, l'Ademe invite l'industrie à se tourner davantage vers les véhicules les plus imposants. Concernant la conversion des autobus, par exemple, l'impact serait de -87 % d'émission de CO2 par rapport au scénario de conservation du véhicule diesel et -37 % par rapport au scénario d'achat d'un véhicule électrique neuf. L'étude parvenant ainsi à la conclusion que "la pertinence économique du retrofit est meilleure pour les véhicules lourds, notamment les autobus, que pour les citadines". Avec sa batterie de 350 kWh, un Businova neuf coûte 500 000 euros HT. A l'inverse une conversion de bus en électrique (300 kWh) se monnaie à hauteur de 225 000 euros.
Les scénarios de montée en volumes
Dans l'entre-deux, il y a les fourgons. Et pour l'Ademe, le fourgon "spécial" apparaît comme une cible plus pertinente que les véhicules utilitaires légers standards, qui ont un usage intensif et une durée de vie courte. Un discours qui rejoint la position de Carwatt, société membre de l'AIRe, qui estime de longue date que la valeur d'un véhicule converti doit résider dans son équipement opérationnel et non dans sa chaîne de traction. Les véhicules avec nacelle ou les VUL d'artisans avec des aménagement intérieurs sont des exemples tout désignés. Le coût de la transformation sera amorti par une activité peu contraignante pour la motorisation. L'Ademe évalue le prix d'un véhicule en rétrofit à 38 000 euros (30 kWh) et 44 000 euros (45 kWh), contre 55 000 euros environ pour un Renault Master neuf (33 kWh), hors transformation d'usage.
Quel est le volume d'affaires potentiel ? L'Ademe a établi deux scenarios, l'un restreint et l'autre dynamique. A ce jeu, elle estime entre 1 300 et 1 700 le nombre de véhicules particuliers transformés à fin 2023. Au cumul des années, les professionnels auront probablement converti 148 200 à 510 600 VP à fin 2028. Dans les rangs des VUL, la courbe débute à 300, voire 400 unités, en 2023. Le cumul devrait être de 32 000 à 109 000 unités en 2028 et de 69 000 à 267 000 unités en 2030. Quant aux autobus, les scénarios tablent sur 50 à 70 dès 2023, pour totaliser 5 600 à 18 300 en 2028 et enfin 12 100 à 44 600 en 2030.
Face à ces perspectives, Damien Pichereau exhorte à "intégrer le retrofit dans les objectifs des commandes des administrations territoriales". "Dans la loi, au lieu de favoriser uniquement l'achat de véhicules propres, on pourrait ajouter la conversion". Une dynamique qui aura pour autre bénéfice de générer des milliers d'emplois sur tout le territoire. Une chance à saisir face aux risques de destruction encore récemment pointés par Ola Källenius, le patron de Mercedes-Benz.
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