Tenir les Paris de l’Automobile
Dans quelques jours, le Mondial de l’Automobile et Equip’Auto ouvriront leurs portes. Ces deux événements incontournables se tiendront pour la première fois dans une même unité de temps et de lieu au cours d’une Paris Automotive Week. Cette organisation est une décision courageuse de la PFA et de la Fiev, et beaucoup sont ceux qui auraient probablement renoncé face à une remise en question du modèle des salons partout dans le monde.
Ce mouvement impacte directement l’automobile, dont les modes de représentation se transforment. Hier très auto-centrée, la mobilité prend le pas sur le seul produit, effaçant de ce fait les frontières entre les différents écosystèmes industriels, serviciels, technologiques ou financiers. De nouvelles formes de communication sont recherchées, à la fois plus globales et inclusives, dans un contexte de profondes ruptures économiques et sociétales.
Changer ce qu’il faut, garder ce qui vaut, c’est bien la gageure de ces salons. Un pari capital pour tous les acteurs de l’industrie et des services, comme pour la France qui est une terre automobile très ancienne.
Incarner un récit convaincant auprès des autorités, des professionnels et du grand public relève d’un exercice d’autant plus difficile que le Mondial et Equip’Auto se situent dans un contexte d’extrêmes tensions et d’absolues incertitudes. Nous, les Français, sommes prompts à la critique. Ce n’est plus l’heure. Il faut s’extraire d’un climat mauvais de démission et de distanciation sociale. Il est temps de relever la tête, d’affronter avec lucidité la menace d’une récession, et de nous projeter avec détermination sur le long terme.
Précédées d’un grand forum international, "Revolution is on ! " est à l’affiche de cette 89ème édition du Mondial, et la "Réinvention" à celle d’Equip’Auto. Tournons-nous, en effet, vers l’avenir plutôt que de céder au défaitisme ou à la radicalité d’une conjoncture qui conduit à nous mettre en mode off.
Car l’enjeu nous concerne tous. Il dépasse très largement le cadre de la Porte de Versailles dont on aurait tort de mesurer le succès au seul nombre de visiteurs ou à la taille des stands. Sobriété oblige à tous les niveaux, ces éditions seront sans doute moins excessives que les précédentes. Tant mieux. Dans un univers automobile qui a totalement changé, et dont le paysage, les produits et les services seront radicalement différents d’ici à peine quelques années, il faut être ramassé et offensif en se positionnant avec ambition sur la ligne d’un nouveau départ.
C’est un pari particulièrement audacieux. Il faut le tenir, coûte que coûte.
Il s’agit de démontrer notre aptitude à maîtriser toutes les dimensions d’une transformation à grande allure, conformément à l’accord sur le climat signé, précisément, à Paris. Il s’agit de la place de la France et de l’Europe dans un nouvel ordre mondial dominé par les algorithmes et les batteries. Il s’agit d’illustrer notre dynamisme industriel et entrepreneurial, la diversité de nos talents, la résilience de nos actifs et l’attractivité du site France. Il s’agit d’apporter de l’émotion, de la lisibilité et de la pédagogie aux visiteurs, tant les accélérations technologiques et les choix énergétiques intéressent, questionnent, perturbent voire déstabilisent le grand public. Et on ne peut que le comprendre !
Il s’agit donc d’incarner tout cela et finalement d’assumer une métamorphose forcément nuancée d’une part de lumière, d’ombre, et de paradoxes. Transcender cette transition, dont on ne saurait ignorer la gravité potentielle des conséquences sur le Pays et le continent européen, convertir les cœurs et les énergies aux opportunités de rebond, voilà le grand défi ! Ce défi du siècle est culturel avant d’être industriel et économique. Secouons-nous, plutôt que de commenter les déficits abyssaux de la balance commerciale automobile et le décrochage stupéfiant de la part française dans la production mondiale : moins de 2 % contre trois fois plus il y a seulement 15 ans ! Ce constat alarmant est une responsabilité collective, et le pari est de renverser la vapeur même s’il relève pour l’instant d’un acte de foi.
Le Mondial et Equip’Auto - 500 millions d’euros de retombées économiques attendues - ne se résument pas à des accessoires marketing. Lieux de communion extrêmement populaires, gardons-nous de déprécier leur vraie valeur au moment où l’élan commun tend à s’épuiser.
Ces salons transmettent un signal dont on ne peut négliger la force du symbole à l’égard de leurs publics. Il serait tout sauf anodin de laisser filer demain la présentation des plus récentes innovations à Shanghai, Las Vegas, Munich, Dubaï ou Doha. Il faut rester enracinés sur le terrain, comme l’ont d’ailleurs fait avec succès Equip’Auto on tour en 2021 et d’autres salons régionaux de référence. Le public nous attend !
Paris doit donc tenir son rang et conjurer le risque d’un inacceptable déclin en proposant une vision de la mobilité du futur à la française. C’est exigeant, complexe et urgent !
De l’usine au garage, il faut en effet tout réinventer… Comme hier. Au tournant des années 1900, un trajet Paris-Marseille prend alors neuf jours. C’est l’époque où la distance est synonyme d’obstacle et où la France compte moins de 10 000 voitures, dont un tiers à l’énergie électrique ( !), et un millier de camions. C’est aussi le temps des visionnaires. Ils ont une conviction : l’automobile va rapidement se démocratiser et son invention sera l’une des plus importantes du siècle. Quel pari gagnant !
Nous sommes en 1898, et le Jardin des Tuileries reçoit à l'initiative de l'Automobile Club de France la première Exposition Internationale d'Automobiles du monde. On connaît la suite. La longévité et le niveau de la fréquentation de cette exposition (un million de visiteurs dès 1954 !) ne doivent rien au hasard : le Mondial de l’Automobile, rebaptisé comme tel en 1988, est un roman national qui se confond avec ce que cette filière a fait brillamment surgir dans notre civilisation.
L’automobile, intimement corrélée à la liberté, représente la conquête constante de nouvelles frontières. Plus loin, plus vite, plus facilement, tout a changé dans notre relation à l’espace, au temps, au travail, à la culture ou aux loisirs sans oublier un aménagement territorial et une stratégie résidentielle entièrement structurés autour de nos routes, du commerce, des services et des infrastructures. C’est aussi la mythologie d’une réinvention permanente, d’une nature littéralement extraordinaire avec ses épopées et ses inestimables progrès collectifs.
Objets d'une authentique ferveur, l'automobile et ses "cathédrales" restent aujourd’hui un concentré de valeurs positives qui inspirent notre génie national et notre inventivité technologique. Le niveau d’investissements et le volume de brevets déposés sont éloquents : premier moteur de l’innovation en France en 2022, la filière représente un tiers des dépenses en R&D au sein de l’Union Européenne, zone qui investit le plus au monde dans la recherche-développement automobile !
Au-delà de l’omniprésence des sites internet liés à la mobilité, il suffit de fouler les allées des expositions et des rallyes implantés dans nos régions pour ressentir un engouement toujours vibrant. Même si les mots clefs qui définissent aujourd’hui l’auto-mobile disent plutôt la rationalité et l’exigence à l’égard des sujets environnementaux et sanitaires, son aspiration conserve une profonde résonance.
Dans le monde entier, pour toutes les générations, l’automobile est un aimant. Plus encore qu’un actif stratégique essentiel, plus encore qu’un passeport économique et social indispensable à la vie quotidienne, l’automobile est (et doit rester) un sujet de fierté, de statut, d’insertion et de chance pour des millions de Français et d’Européens, d’ingénieurs, d’ouvriers, de cadres, d’entrepreneurs, sans oublier notre jeunesse. C’est aussi et surtout à elle qu’il faut parler ! La filière, qui accélère comme aucune autre, aura un besoin très étendu de nouvelles compétences hautement qualifiées d’ici 2030. C’est l’objet de ces salons : mobiliser cette génération en quête de sens, très consciente des enjeux climatiques et environnementaux, est tout juste essentiel.
L’automobile en France, c’est un million d’emplois directs, auxquels s’ajoute un autre million d’emplois induits parmi lesquels la banque ou l’assurance… Nulle surprise à voir ces acteurs se rapprocher des actifs qu’ils financent, dans un secteur qui apportera de nouvelles sources de profits considérables. Nulle surprise non plus à voir, pour la première fois dans les allées du Mondial, des groupes de distribution, Autosphère, Cosmobilis et Distinxion, au moment où des offres plurielles et intégrées se déploient à l’initiative d’entreprises indépendantes. De nouvelles marques, en somme, qui stimuleront le marché au profit du consommateur, comme le font d’autres grandes enseignes de services bien souvent en avance de phase sur l’industrie. Le commerce est sans aucun doute l’accélérateur le plus performant.
Ce sont d’excellents signaux, que vient conforter la présentation de constructeurs made in France encore inconnus du grand public. Des entreprises de l’économie circulaire, du recyclage, du rétrofit et du reconditionnement seront également nombreuses, sans oublier la singulière effervescence autour de startups qui irriguent la filière depuis quelques années. C’est un nouveau souffle !
Autant de brise-glaces, de leviers, de métiers en émergence illustrant la vitalité d’un secteur que Mobilians, avec beaucoup d’autres, n’a de cesse d’encourager et de fédérer pour faciliter la diffusion de l’innovation, la transformation des compétences et la maîtrise des futures chaînes de valeur.
Nous avons tous besoin de cet état d’esprit pour porter le regard plus loin. Depuis l’irruption du Covid-19, le contexte n’est guère favorable, entre pandémie industrielle, conflit ukrainien, crise de l’énergie et inflation. Autant d’inconnues qui complexifient une équation que les meilleurs experts ont toutes les peines à équilibrer. La filière, on le sait, n’a d’autre option que de réussir une révolution copernicienne dont l’amplitude, l’intensité et la vitesse sont sans précédent. Au cours de cette décennie, elles vont accélérer le déplacement des centres de gravité et pas seulement vers l’Asie. Les stratégies s’adaptent à une nouvelle donne, en grande partie décidée par l’Union Européenne. Les salons peuvent en être parfois les victimes collatérales mais ils sont avant tout le miroir fidèle de ces grands mouvements.
Le Mondial et Equip’Auto seront le reflet de ce que l’agenda fit for 55 annonce et emporte déjà. Ils diront plus et mieux que toute autre communication, l’impact de la réglementation, l’état des forces en présence et le cap à suivre. "La voiture électrique, on y va plein pot", comme le disent à l’unisson les deux patrons de Renault et de Stellantis. Du volontarisme, et du pot… il en faudra aussi pour aligner des planètes en collision. C’est un électrochoc sur tous les plans. Sur un point de bascule, le marché se cherche : si les immatriculations de véhicules neufs 100 % électriques viennent pour la première fois de dépasser en France celles du diesel, le report sur le véhicule d’occasion de plus de 15 ans reste massif. Ce constat pointe les difficultés à tracer une trajectoire soutenable, y compris pour les finances publiques. Comme hier, la démocratisation de l’accès à une mobilité propre sera la clef.
Du thermique à l’hydrogène, ces éditions 2022 seront nécessairement « hybrides » dans leurs représentations et leurs expressions. Elles consacrent un changement sémantique et une nouvelle grammaire économique : on y parlera davantage de data que d’automobile, de service que de produit, de partage plus que de propriété. On y étudiera plus l’impact environnemental que la performance moteur, les temps de recharge plus que la vitesse sur route. Il est même possible que la présence de certains médias et influenceurs soit davantage remarquée que celle des constructeurs ! Mais la dimension universelle d’un salon dépend aussi de sa capacité à fédérer bien au-delà de la filière elle-même, dans un univers de tech et de réseaux, pas seulement sociaux, en constante expansion.
On y constatera forcément aussi l’affirmation de la volonté de puissance des marques asiatiques, au moment où l’on ne rappellera jamais assez l’impératif de reconquête de souveraineté et de restauration d’une industrie française et européenne solidement implantée… Pour autant, le salon de Paris serait-il encore le Mondial sans la présence d’une région-continent qui s’est imposée comme l’usine du monde ? Pourra-t-il demain le rester sans le retour du plus grand nombre de marques ? Bien entendu, tout ceci implique une remise en perspective à plusieurs niveaux. Quoi qu’il en soit, le Mondial et Equip’Auto, chacun à sa manière, négocient un virage et doivent marquer le point de départ d’une renaissance.
À l’heure où des courants de pensées cherchent à tout déconstruire lorsque ce n’est pas à tout effacer, retenons que peu d’industries auront à ce point marqué d’une empreinte aussi profonde notre Pays, à la fois État constructeur et Nation automobile. Les liens y sont très intimes. Or, en confondant militance et compétence, "l’autophobie" est du wokisme déguisé à contre-sens de l’histoire alors que nos concitoyens plébiscitent l’automobile dans toutes les enquêtes d’opinion. Plus qu’un paradoxe, c’est un piège tendu par une minorité, et une partie de nos élites semble hélas y avoir succombé.
Ces idéologies de l’annulation font pourtant le lit du déclassement et n’aspirent qu’à contraindre la liberté de mouvement. Elles radicalisent l’opposition entre les modes de transports, là où il faut au contraire les combiner intelligemment, c’est-à-dire sans dogmatisme. Elles créent non seulement un risque de déstabilisation sociale, mais encore se fondent-elles sur une erreur de perspective. Or, seul un solide bon sens permettra de relever des défis contemporains d’une complexité inégalée.
Tenir le Mondial à Paris, c’est montrer au monde que nous sommes combatifs. Tenir celui d’Equip’Auto, c’est montrer qu’un formidable gisement d’énergies réside dans nos territoires avec une après-vente et des services réinventés par des équipementiers, des acteurs commerciaux et des artisans innovants, agiles et responsables en termes de décarbonation, de technologies et d’emplois.
À la croisée des chemins, la France résiste encore et toujours grâce à l’état d’esprit de ses pionniers et de ses entrepreneurs. À l’heure d’un grand bouleversement des hiérarchies, rien n’est acquis, rien n’est impossible. À nos politiques d’être à la hauteur, car jurer sur le cœur qu’ils aiment l’automobile ne suffit plus. À nos capitaines d’industries de tenir un cap conforme aux intérêts de la Nation, en respectant véritablement tous leurs partenaires investisseurs qui ne désertent pas nos régions. À la filière de se reprendre elle-même en mains, en se réinscrivant dans un débat public de manière très active.
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Si la France veut rester dans la course, elle doit mobiliser ses forces vives de manière inédite autour d’un vrai projet fédérateur. Le Mondial et Equip’Auto font partie de cette stratégie car toute la filière, de l’amont à l’aval, est au service de l’avenir. Demandons-lui comment réussir cette impérative transition, et donnons-lui les moyens de tenir tous les paris du futur. C’est maintenant !
À défaut, ce sera se résoudre à la gestion d’un déclin fracassant autant qu’irréversible. Et ce sera renoncer à devenir la nation des mobilités du XXIème siècle.
En 2022, le temps appartient toujours aux visionnaires, à toutes celles et ceux qui veulent rendre possible l’impossible. C’est une très bonne nouvelle. La réussite de la filière automobile peut devenir l’une des plus éclatantes des prochaines décennies, et elle tractera dans ce cas les progrès de nombreux autres secteurs économiques dans les domaines écologique et technologique.
C’est donc une chance pour Paris de prendre date. Faisons rayonner notre filière et ses métiers car ils sont au premier rang des solutions pour faire avancer la France. Réenchantons un secteur dont la magie agira puissamment et pour longtemps dans l’imaginaire mondial.
Fier d’être partenaire à la fois du Mondial et d’Equip’Auto, MOBILIANS donne rendez-vous aux passionnés de toutes les générations. « La mobilité dans le bon sens » sera le fil conducteur de nos stands, car nous pensons que le succès dépend de choses simples : une direction claire, du réalisme et de la confiance.
Nous sommes très heureux d’être parmi tous les exposants qui ont fait le choix de jouer collectif.
Nous y serons avec optimisme et volonté, celle de représenter la modernité d’une filière au diapason de ce qui la fait vivre et progresser : ses clients !
Merci aux directeurs du Mondial et d’Equip’Auto, Serge Gachot, Aurélie Jouve, à leurs équipes, ainsi qu’à leurs présidents respectifs de la PFA et de la FIEV, Luc Chatel et Claude Cham.
par Xavier Horent
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