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Présidentielle 2022 - Fabien Roussel (PCF) : "L’automobile de demain sera moins lourde, moins polluante et électrique"

Publié le 21 mars 2022

Par Jean-Baptiste Kapela
12 min de lecture
[Abonnés] Le candidat du Parti communiste (PCF) à l'élection présidentielle, Fabien Roussel, a répondu aux questions du Journal de l'Automobile afin de mieux connaître la place de la mobilité dans son programme. Au menu : permis gratuit et nationalisation des autoroutes.
Fabien Roussel, candidat Parti communiste français à l'élection présidentielle. (Photo tirée de l'affiche de campagne du candidat)

Journal de l'Automobile : Quelle place accordez-vous à la voiture dans votre programme ? Et plus largement, à la mobilité ?

Fabien Roussel : Chaque français consacre plus d’une heure par jour pour se déplacer. Par ailleurs, le secteur des transports est l’un des principaux émetteurs de CO2 et de polluants de l’air. Par conséquent, le sujet de la mobilité occupe une place de première importance dans mes propositions. J'ai d’ailleurs récemment dénoncé le véritable scandale des ZFE et leurs répercussions sur la mobilité des classes populaires. Je suis favorable à une décarbonation complète de la mobilité à l’horizon 2050.

 

"L’automobile de demain sera moins lourde, moins polluante et électrique"

 

Il est donc nécessaire de développer autant que possible les mobilités moins polluantes, en transports publics et en vélo en premier lieu. Mais l’automobile restera indispensable pour une grande partie de la population, en particulier dans les zones rurales et périurbaines. L’automobile de demain sera moins lourde, moins polluante et électrique. Mais elle sera pour beaucoup un élément incontournable pour le droit à la mobilité, essentiel. Je suis par exemple favorable à la gratuité du permis de conduire pour les moins de 25 ans, pour justement favoriser l’accès de tous à la mobilité.

 

J.A. : D'ici à 2035, l'Union européenne souhaite abolir la vente de moteurs thermiques. Est-ce un objectif réalisable selon vous ? Quelles sont les alternatives potentielles qui pourraient permettre de diminuer l'usage du thermique en dehors de l'électrification ?

F.R. : Je suis favorable à la décarbonation la plus rapide possible de la mobilité, donc à la sortie du thermique dans le calendrier le plus rapide possible. Il faut encourager tous les véhicules fonctionnant avec des énergies décarbonées (électricité, gaz vert, hydrogène, etc.)

 

J.A. : Selon vous, un avenir sans voiture est-il possible ?

F.R. : Non, la voiture restera le mode le plus pertinent dans certaines situations et elle restera nécessaire pour garantir le droit à la mobilité de toutes et tous. Elle restera indispensable pour se déplacer pour une grande partie de la population dans les zones rurales et périurbaines.

 

J.A. : Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de l'électrique ? Considérez-vous que ce soit l'avenir de l'automobile et d'un monde décarboné ?

F.R. : Dans certains cas, l’hydrogène peut s’avérer pertinent mais plutôt pour des modes collectifs comme des flottes de taxis ou des bus. Le gaz vert peut aussi avoir sa pertinence et son usage doit être développé. Mais en l’état actuel des connaissances, l’électrique est l’alternative la plus crédible en matière d’automobile. Il faut donc se mettre au diapason en augmentant nos capacités de production électrique décarbonée : dans le photovoltaïque, l’éolien maritime et terrestre mais aussi dans le nucléaire pour pouvoir atteindre une production électrique suffisante. Sans énergie nucléaire, nous ne pourrons assurer ce droit à la mobilité.

 

J.A. : Connaissez-vous le rétrofit, qui consiste à électrifier un véhicule thermique ? Lui accorderez-vous une place dans votre programme ?

F.R. : Je suis favorable au retrofit, qui est un bon moyen d’accélérer l’électrification du parc automobile. Des aides publiques au retrofit doivent être mises en place pour aider les automobilistes à s’équiper.

 

J.A. : Les véhicules hybrides auront-ils encore une place dans un avenir décarboné ?

F.R. : Je pense que l’avenir, à moyen terme, est plus au véhicule électrique.

 

J.A. : Le bonus écologique va être raboté au mois de juillet, en parallèle l'étau se resserre pour les propriétaires de véhicules thermiques, quelles sont les aides que vous pourriez apporter aux automobilistes et entreprises pour effectuer leur transition vers l'électrique ? Quelles perspectives pour la Prime à la Conversion ?

F.R. : L’achat d’un véhicule neuf est hors de portée de la plupart de français. D’ailleurs, la plupart achètent leur voiture d’occasion (80 % des ventes de voitures en 2021) et une majorité des voitures neuves sont vendues à des entreprises pour des usages professionnels. Les aides actuelles aux particuliers sont clairement insuffisantes, le reste à charge reste trop important pour acheter un véhicule neuf récent ou électrique. C’est pourquoi nous proposons d’augmenter la prime à la conversion à 10 000 euros pour les plus modestes et d’ouvrir la possibilité d’acheter des voiture d’occasion classées Critair 1 et 2. Cette augmentation est indispensable pour aider les 10 millions d’automobilistes qui risquent d’être empêchés de se déplacer dans les ZFE. Le bonus écologique doit quant à lui s’adresser aux véhicules les plus légers qui sont les moins polluants.

 

J.A. : Vous, président de la République, que proposez-vous pour décarboner l'automobile ?

F.R. : La voiture de demain doit être légère et sobre sur le plan des consommations énergétiques. Il faut alourdir le malus automobile au poids. Les voitures neuves sont de plus en plus lourdes, c’est mauvais du point de vue écologique et économique car elles consomment plus de carburant et coûtent plus cher aux automobilistes. Le seuil au poids du malus automobile doit être abaissé et son montant doit augmenter pour décourager l’achat des voitures trop lourdes tout en laissant la possibilité de dérogation pour les familles nombreuses. Il faut par ailleurs accompagner l’évolution vers le véhicule électrique. Cela passe par des investissements importants dans des bornes de recharge, et un soutien à la filière automobile et aux ménages pour accompagner leur évolution vers l’électrique.

 

J.A. : Quelles sont les options proposées pour la relocalisation de certains outils industriels ?

F.R. : Il faut d’abord empêcher toute nouvelle délocalisation d’activités de la filière. Ainsi, les fonderies françaises connaissent une sensible baisse des commandes des deux grands donneurs d’ordre français, Renault et Stellantis. Ces deux groupes font le choix de recourir à des productions hors territoire national, alors que nous disposons de nombreuses fonderies capables d’accompagner la transition hybride et électrique de l’automobile, en maîtrisant notamment les fabrications de pièce en aluminium.

 

"L'Etat doit jouer pleinement son rôle au sein de l’actionnariat pour réorienter les choix de production sur le territoire national pour fabriquer les véhicules destinés au marché domestique et européen"

 

Les deux groupes bénéficient de fonds publics et l’État est actionnaire directement (Renault) ou via la BPI (Stellantis). Ce dernier doit donc jouer pleinement son rôle au sein de l’actionnariat pour réorienter les choix de production sur le territoire national pour fabriquer les véhicules destinés au marché domestique et européen. Il doit également, en conditionnant toutes ses aides financières, imposer le choix de la sous-traitance française dès lors que les véhicules sont montés en France ou en Europe. C’est essentiel pour des enjeux en matière d’emploi, de revitalisation des territoires, et bien évidemment pour en finir avec les gâchis écologiques liés aux délocalisations d’activités.

 

J.A. : Quelles actions mettrez-vous en place pour répondre à la transformation des PME et ETI des services de l'automobile face à l'impact de la digitalisation et de l'électrification : transformation des stations-service, des métiers de la réparation automobile, etc. ?

F.R. : La digitalisation et l’électrification sont souvent prétexte à des abandons. En matière de distribution de carburants, la disparition des stations indépendantes date de bien avant la digitalisation. Comme pour la distribution en général, l’intervention publique doit d’abord soutenir les TPE et ETI, face aux raffineurs et aux grands distributeurs. S’agissant des évolutions technologiques de l’automobile, la priorité doit être portée sur la formation des jeunes et sur la formation tout au long de la vie professionnelle. Par ailleurs, l’attractivité des métiers des services de l’automobile doit être renforcée, par une augmentation des salaires, souvent trop bas et par une revalorisation des formations initiales auprès des jeunes. Nous aurons besoin de ces métiers encore longtemps, avec des qualifications de plus en plus élevées.

 

J.A. : Le gouvernement a lancé un plan de développement de l'hydrogène décarboné. Comptez-vous poursuivre cette ambition ? 

F.R. : L’hydrogène est une des voies prometteuses pour la conversion écologique de l’automobile. Elle impose une production électrique croissante pour sa production. Il faut donc développer toutes les énergies renouvelables (éolien, solaire, hydraulique), mais aussi et surtout garantir une production électrique pilotable en quantité bien supérieure dans les 30 années à venir. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la nécessité, y compris pour la solution hydrogène, d’un investissement massif dans la filière nucléaire avec la construction de 6 nouveaux EPR au minimum.

 

J.A. : L'accès au permis de conduire est un passeport pour l'emploi, notamment pour les jeunes, quelles actions proposez-vous sur ce sujet ?

F.R. : Les jeunes doivent être mobile pour pouvoir étudier, pour pouvoir travailler, pour pouvoir vivre pleinement leur vie. C’est pourquoi je propose la gratuité du permis de conduire pour les moins de 25 ans et la gratuité des transports en commun pour toutes et tous.

 

J.A. : Progressivement, certaines ZFE banniront les véhicules diesels, puis essence de leur agglomération d'ici à 2025, en accord avec la loi climat. Est-ce une bonne chose selon vous ? Comment allez-vous soutenir les métropoles qui les mettent en place ? Tant en termes de contrôle que d'alternatives ? Et que proposez-vous pour que les citoyens puissent poursuivre leur mobilité sans accrocs ?

F.R. : Il est indispensable d’améliorer la qualité de l’air. Je suis favorable aux ZFE, mais il est indispensable que les automobilistes puissent bénéficier d’aides suffisantes, soit une prime à la conversion de 10 000 euros pouvant être utilisée pour acheter des véhicules Crit’Air 1 ou 2 essence. Sans des aides suffisantes ce dispositif est inapplicable. Il faut également faire évoluer la législation sur les émissions de particules fines émises au freinage qui représentent maintenant 40% des émissions de particules fines des voitures neuves. Je propose que l’installation de systèmes d’aspiration des particules de freinage soit obligatoire pour toutes les voitures neuves vendues en France. Par ailleurs la future norme Euro 7 de l’Union Européenne doit aussi imposer l’installation de tels systèmes.

 

"Je suis favorable aux ZFE, mais il est indispensable que les automobilistes puissent bénéficier d’aides suffisantes, soit une prime à la conversion de 10 000 euros pour des Crit'Air 1 ou 2"

 

Par ailleurs pour réduire la circulation automobile en ville sans empêcher les gens de se déplacer, il faut développer les alternatives. Je propose de mettre en place la gratuité des transports en commun et d’investir 50 milliards d’euros sur 15 ans pour créer de nouvelles infrastructures de transport public dans toutes les grandes villes et les métropoles. Comme pour la région parisienne avec le métro Grand Paris Express, il faut engager la construction du Grand Marseille Express, du Grand Bordeaux Express, du Grand Toulouse Express ainsi que des réseaux de tramways et de bus à haut niveau de service pour les villes plus petites. Il faut aussi investir de façon très importante pour développer un réseau cyclable (100 000 kilomètres à l’échelle du pays), le vélo pouvant prendre une part beaucoup plus importante des déplacements en ville.

 

J.A. : Certains candidats souhaitent limiter la vitesse sur les autoroutes. Êtes-vous en accord avec cette proposition ? Si non, pourquoi ? 

F.R. : La limitation de vitesse à 130 km/h semble répondre aux exigences de sécurité routière. En revanche, avec l’explosion des tarifs autoroutiers, beaucoup d’usagers peuvent se détourner vers le réseau secondaire, moins sûr. C’est pourquoi nous proposons que l’État reprenne possession des autoroutes par nationalisation ou par le non renouvellement des concessions et baisse rapidement et massivement les tarifs autoroutiers.

 

J.A. : Les entreprises ont une place importante sur le marché de l'automobile. Que pourrait faire l'Etat pour soutenir leurs efforts dans l'électrification de leurs flottes ?

F.R. : Comme pour toutes les aides publiques aux entreprises, nous proposons qu’elles soient strictement conditionnées à des objectifs sociaux et écologiques. De la même manière que nous proposons de moduler les cotisations sociales en fonction des stratégies des entreprises en matière d’emploi et de salaires, nous proposons qu’elles soient accompagnées, s’agissant des TPE et PME pour l’investissement dans des modes de production plus vertueux pour l’écologie. Les grands groupes qui distribuent d’importants dividendes ne peuvent en revanche pas prétendre à des aides publiques avant d’avoir investi dans l’électrification de leur flotte automobile et d’avoir soutenu tous les modes de transports alternatifs.

 

J.A. : Les politiques en faveur de l'usage sont en progression : mesures en faveur du covoiturage, de l'autopartage, location, etc. Quelle politique comptez-vous mener ? Souhaitez-vous renforcer le Forfait Mobilité Durable ? Comment faire passer ces nouvelles mobilités (covoiturage, VAE, ...) à l'échelle territoriale, alors qu'elles sont surtout cantonnées aujourd'hui aux métropoles ?

F.R. : Je veux aller au-delà du forfait mobilité durable en instaurant la gratuité des transports en commun. Pour développer les alternatives à l’auto-solisme à toutes les échelles, il faut investir dans les infrastructures : créer un réseau de 100 000 kilomètres de pistes cyclables en consacrant 500 millions d’euros par an pour aider les collectivités, et à terme 1 milliard d’euros par an. Il faut cibler prioritairement les voies d’accès aux gares, créer des parcs de stationnement sécurisés et faciliter l’accueil des vélos dans les trains en obligeant la SNCF et les industriels à prévoir des espaces de stockage dédié dans les futurs trains.

 

J.A. : Un important tissu de start-up de la mobilité existe en France et innove pour transformer les mobilités. Quelle politique mènerez-vous pour soutenir ces innovations et pour faire naître des licornes françaises ? 

F.R. : Je suis favorable au développement d’innovations et je soutiendrai les entreprises qui les portent en cohérence avec ma priorité à la réindustralisation du pays.

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