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“Notre service entre sur le terrain du marketing”

Publié le 23 juillet 2015

Par Gredy Raffin
7 min de lecture
En s’installant sur les Champs-Elysées, à Paris, John Paul avait pris le monde du service à contre-pied. Devenue partenaire des constructeurs, la société a de nombreux projets pour accompagner les révolutions automobiles. Lever de voile.
David Amsellem, président-fondateur de John Paul.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Quelle est la recette de votre succès croissant ?

DAVID AMSELLEM. Il y a un secret : dès le lancement en 2007, nous avons conçu notre propre technologie pour épouser les codes très spécifiques de notre métier. Celle-ci a été réalisée en écoutant des concierges pour comprendre leur démarche intellectuelle, car ils ont, d’une part, une capacité d’écoute et des techniques de profilage innées et d’autre part, un carnet d’adresses, permettant ainsi de produire des recommandations ciblées pour nos membres.

JA. Quelle a été votre méthodologie ?

DA. En tant que PME, nous n’aurions pas été pris au sérieux avec un outil purement développé en open source. Nous avons donc choisi une approche par briques : un cœur reposant sur un logiciel de marché robuste, Selligent, et des briques technologiques “smart” développées en open source autour du noyau central.

JA. Devient-on Premium par le service ou celui-ci découle-t-il du positionnement ?

DA. Le Premium ne s’improvise pas, il est inscrit dans l’ADN d’une entreprise ou ne l’est pas. L’effet de mode qui pousse toutes les marques du monde à se questionner sur leur Premiumisation est un corollaire d’une tendance de marché constatée ces dernières années.
La crise a forcé les sociétés à mener une réflexion sur leurs marges, notamment sur la marge contributive : “Quel type de client me rapporte quoi ?” Elles ont identifié que les clients Premium, certes moins nombreux, rapportent plus. Elles ont ensuite noté que la sensibilité à la crise des clients Premium était inférieure à celle des clients de masse. Enfin, elles ont pris conscience de l’élasticité du portefeuille du client Premium. L’évolution des mentalités a été la même dans le secteur automobile. Une fois tous les véhicules équipés des mêmes options, il ne reste au segment Premium que la différenciation par l’approche de la relation client et du service.
Aujourd’hui on assiste à une profonde évolution du secteur automobile, tant dans les marques généralistes que dans les marques Premium : les premières proposent de plus en plus de services autour du véhicule et les secondes rivalisent d’ingéniosité pour offrir l’expérience de marque la plus mémorable. Nous sommes devenus experts dans la mise en œuvre de ces stratégies.

JA. Que représente la part de l’auto dans votre activité ?

DA. A ce jour, nous réalisons 20 % de nos 30 millions d’euros de CA dans le secteur automobile. Il vient en seconde position, derrière le secteur de la bancassurance. Nous opérons la conciergerie Lexus depuis 2009, le Club DS Privilège depuis 2011 et le programme Diapason de la DIAC (Renault Nissan) depuis le début de l’année.

JA. Cela fait-il l’objet d’une option à la souscription du financement ?

DA. Notre service accompagne l’achat du véhicule : il n’est pas en option, mais offert au client final qui achète un véhicule neuf ou choisit son financement avec la DIAC.

JA. Comment l’automobile va-t-elle évoluer chez vous ?

DA. John Paul est devenu le leader en Europe de la relation client Premium : nous disposons d’un réel savoir-faire dans le service et l’animation. Par ailleurs, nous avons acquis une véritable expertise du secteur automobile et avons développé des dispositifs de relation client très précis et vraiment adaptés au parcours-client. Demain, les opportunités offertes par la voiture connectée et la technologie embarquée représentent de réels gisements de croissance pour John Paul, dans la mesure où de nouveaux services vont émerger, de nouveaux modes de consommation vont apparaître et où les clients finaux seront de plus en plus en demande de service et d’instantanéité.

JA. Que voulez-vous dire ?

DA. Quand il y a un boîtier embarqué de type BTA, nous offrons des services basés sur l’échange d’informations avec le véhicule, en “push” ou en “pull” : ce sera par exemple la possibilité de recommander le meilleur restaurant à proximité du véhicule ou bien de proposer de manière proactive la prise de rendez-vous pour la prochaine révision nécessaire. Nous opérons déjà ce type de service et avons plusieurs projets révolutionnaires dans les cartons…

JA. Ce que fait GM avec OnStar depuis vingt ans…

DA. Sur le programme OnStar, l’ingénierie prédomine. Ce n’est que de la technologie, pas d’humain donc une expérience client “froide”. Nous avons un positionnement à la jonction entre la technologie et l’humain. Nous sommes focalisés sur l’émotion client. Nous sommes convaincus de la valeur de cette double compétence “humain et technologie”. Le client Premium aime trouver ses informations de factures ou des réponses rapides sur internet, mais pour une demande complexe, il exigera une relation humaine. A défaut, aucune relation durable avec la marque n’est possible.

JA. Votre outil est-il adapté aux spécificités de l’automobile ?

DA. Nous avons développé un CRM spécifique au secteur automobile : cela inclut la capacité d’interconnexion avec les CRM des constructeurs et des concessions, la gestion de données spécifiques (notamment en connexion avec les systèmes embarqués) et l’intégration de flux spécifiques comme la météo, le trafic, etc. Au-delà de ces aspects, nous avons développé une cellule Marketing d’experts du secteur automobile qui est en charge de l’optimisation du parcours-client et de l’animation des programmes de chaque marque. Nous finalisons d’ailleurs un projet plus avancé avec des marques européennes, dont le pilote, en cours, devrait aboutir à une commercialisation en 2016. Le dispositif conjugue boîtier communicant et bouton d’appel.

JA. Vos solutions imposent-elles une taille critique minimum ?

DA. Il faut une marque à forte exposition ou un budget annuel minimum de 300 000 euros, par contrat : notre solution n’est pas adaptée au niveau d’une concession, mais fait du sens à partir d’un réseau régional.

JA. Quid dans ce cas des start-up qui sont les garantes de l’innovation, mais ne peuvent répondre à ces critères ?

DA. Nous faisons justement de l’accompagnement pour les projets qui nous semblent créer du sens dans l’univers du service. Il y a néanmoins un prérequis : une carte SIM et une puce intégrées en OEM. A ce titre, nous sommes en pleine réflexion et allons jusqu’à imaginer d’internaliser le développement du boîtier, si nécessaire. Mais, au risque de me répéter, l’humain est indispensable pour garantir l’expérience client Premium.

JA. Avez-vous d’autres innovations dans les cartons ?

DA. Nous avons lancé cette année Edgar, le petit frère de John Paul, qui est le premier concierge mondial virtuel, avec lequel vous pouvez converser en langage naturel pour lui demander des recommandations autour du véhicule. L’intérêt du modèle est évident dans le secteur automobile : possibilité d’intégration de service en conduite tout en disposant d’une solution capable de gérer d’énormes volumes grâce à l’automatisation de la majeure partie des conversations.

JA. Jugez-vous le mot “conciergerie” galvaudé ?

DA. Comme dans chaque secteur en essor, le mot et l’usage se démocratisent et sont parfois galvaudés quand ils sont mal employés. Cependant, les clients ne pardonnent pas ce genre d’abus et les sanctions pour les marques sont immédiates.

JA. Eu égard à ces projets, comment vous positionnez-vous vis-à-vis des marques sur le long terme ?

DA. Notre modèle d’affaires reste le B-to-B-to-C, en marque blanche : nous créons de la valeur pour le client final et pour la marque. Nous resterons partenaires des marques et n’essayerons pas de les prendre de vitesse par la mise en place d’infrastructures.

JA. Elles vous font parfois concurrence cependant, n’est-ce pas ?

DA. Certaines d’entre elles consentent à des investissements massifs pour maîtriser les opérations. Elles se sont néanmoins heurtées aux barrières naturelles du Premium. Il n’y a pas un seul cas de grande société qui ait réussi ce projet, même en se portant acquéreur d’une conciergerie.

JA. Votre métier ne change-t-il pas néanmoins ?

DA. Le métier de concierge a changé. Il n’est plus question de simplement trouver et de réserver, car même avec Google vous pouvez le faire. Il faut être capable de recommander, de garantir l’accès, d’offrir des privilèges exclusifs…

JA. Qu’en est-il de l’exportation de John Paul ?

DA. L’internalisation du groupe a commencé en 2011. Nous avons investi l’Europe, l’Asie, avec la Chine, Singapour et Hong Kong, et le Moyen-Orient. Nous allons ouvrir quatre nouveaux bureaux, en 2015, en Espagne, Italie, Pologne et Turquie, avant de nous tourner vers les Amériques, à partir de l’an prochain.

JA. Comment vous adaptez-vous aux spécificités locales des différents marchés ?

DA. Nous pensons “glocal” : nous nous demandons systématiquement quelle part nous pouvons exporter (la french touch) et quelle part doit être adaptée localement.

 

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