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“Notre secteur est allé trop loin…”

Publié le 26 juin 2009

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
"Vous connaissez la différence entre un banquier et un oiseau ? L'oiseau s'arrête parfois de voler !". Dénonçant les dérives du secteur bancaire, l'éminent Thierry Laborde, administrateur directeur général de BNP Paribas Personal...
"Vous connaissez la différence entre un banquier et un oiseau ? L'oiseau s'arrête parfois de voler !". Dénonçant les dérives du secteur bancaire, l'éminent Thierry Laborde, administrateur directeur général de BNP Paribas Personal...
...Finance, prône un retour aux fondamentaux et un recentrage sur le client. Volontiers didactique, il explique ainsi le lancement par Cetelem d'un service d'informations gratuit sur le crédit.

JA : Cetelem lance un service gratuit d'informations sur le crédit : quelles sont les motivations de ce lancement atypique ?
Thierry Laborde : D'une manière générale, le crédit est mal perçu et mal compris par les clients, ce qui fait beaucoup et nuit à l'image des banques. Notre rôle est aussi d'inverser cette tendance et de retrouver une véritable qualité d'écoute vis-à-vis de nos clients. D'où ce service didactique, transparent et gratuit qui dépasse largement la traditionnelle communication sur les taux, qui a ses limites. En fait, notre secteur est allé trop loin, c'est incontestable. Sous l'effet d'obligation de résultats très élevée, 20 à 25 %, des erreurs ont été commises et des fondamentaux bafoués. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus d'obligation de résultats désormais, mais c'est plus raisonnable, de l'ordre de 15 %. Et nous devons impérativement retrouver la confiance des clients, ce qui passe par la proximité.

JA : Concernant les banques, on a cependant du mal à croire à la fin de la cupidité, n'est-ce pas ?
TL : La cupidité existera toujours, certes… Mais le retour aux fondamentaux amorcé actuellement en réduira la portée et la capacité de nuisance. Par fondamentaux, j'entends notamment trois vertus cardinales : ne pas se mettre en risque de liquidités, de taux et de change. Par ailleurs, il faut aussi exploiter les systèmes d'informations sophistiqués et créateurs de valeur à notre disposition et optimiser la qualité de la gestion RH de l'entreprise. Ce sont aussi des actifs clés. Avec la crise, le business-modèle va forcément évoluer. Sinon, il faut accepter d'être durablement moins profitable et c'est justement inacceptable dans une économie libérale.

JA : Quelle est l'ampleur de la baisse du marché du crédit à la consommation ?
TL : La baisse de ce marché est clairement de l'ordre de 15 %.

JA : Quels sont les acteurs qui souffrent le plus ?
TL : Les acteurs spécialisés souffrent beaucoup… Dans l'automobile à proprement parler, les captives sont ainsi très exposées, d'autant que l'accès aux techniques de titrisation est moins vaste et simple qu'auparavant.

JA : Revenons un instant sur les idées reçues liées au crédit, vous avez récemment remis un document sur le sujet aux sénateurs : quel est son contenu et quel est l'objectif de cette démarche ?
TL : Ce fascicule recense les principales idées reçues qui nuisent à l'image et à la compréhension du crédit. Un seul exemple : le surendettement et l'idée qu'il est très fort en France. C'est faux ! L'endettement des ménages est assez bas en France et les français ont un comportement différent d'autres homologues européens, en privilégiant l'épargne par rapport au crédit, ce qui est somme toute raisonnable. Nous avons remis ce document aux sénateurs car il est de notre ressort de faire du lobbying. Dans une société libérale, l'initiative des acteurs privés est une bonne chose.

JA : Ne pensez-vous pas que les Pouvoirs Publics vous ont déjà suffisamment aidé ?
TL : En France, l'Etat a déjà fait beaucoup pour les banques, c'est indéniable. Il convient de souligner la précocité de la réaction et le choix d'une réponse par prêts bien adaptée à la situation.

JA : Vous parlez régulièrement d'endettement sain, n'est-ce pas un peu cynique par les temps qui courent ?
TL : Absolument pas. Par exemple, il faut savoir que chez nous, 98 % des crédits sont honorés. Certes, nous refusons des dossiers, environ 1 sur 3 en 2008 et cela risque de se durcir cette année, mais dans le fond, on peut bien parler d'endettement sain car c'est aussi ce qui fait tourner l'économie, ne l'oublions pas.

JA : Le coût du risque augmente fortement, n'est-ce pas ?
TL : Il a augmenté significativement et continue de le faire. Si on doit tabler sur une baisse, ce ne sera pas avant mi 2010. De toutes les façons, le chômage a un impact direct sur le coût du risque…

JA : Croyez-vous toujours à l'avenir de la distribution sur le lieu de vente ?
TL : Oui, d'autant plus que je viens de la banque de réseau. Mais d'une manière générale, c'est le principe du multi-canal qui va se développer.

JA : La gestion de la sortie de la prime à la casse vous inquiète-t-elle ?
TL : Il s'agira de trouver le bon timing et de ne pas tout arrêter de manière abrupte. Tout est dans les mains de Bercy, c'est clairement un cas de finance publique.

JA : Quels conseils donneriez-vous aux distributeurs automobiles ?
TL : Je n'ai pas de conseils à donner, mais disons que comme tout le monde, ils doivent se rapprocher du client et progresser dans la connaissance des clients, via les outils de CRM notamment. Par exemple, par rapport à notre activité, on sait bien qu'à l'heure actuelle, l'opportunité de contact au moment de la fin du crédit est très mal exploitée…

JA : Dans ce contexte de crise profonde, qu'est-ce qui vous inquiète le plus pour la France ?
TL : C'est indubitablement l'état des finances publiques. La dette de l'Etat. Mais aussi certains brouillages dans l'arbitrage des priorités. Un exemple : il faut investir beaucoup plus dans l'Education Nationale, à tous les niveaux. On ne le fait pas assez, on prend du retard, alors que c'est là que se joue une partie de l'avenir.

Propos recueillis par Alexandre Guillet dans le cadre du Face à la Presse d'Auto K7, en compagnie de Pierre Mercier (Auto K7), Jean-Rémy Macchia (free-lance) et Cyrille Pluyette (Le Figaro).

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