"Notre business modèle repose sur nos moyens en propre"
Journal de l’Automobile. Quelle analyse faites-vous de l’exercice 2010 ?
Pierre Enderlé. Les flux sont restés équivalents à ceux de 2009 mais nous avons observé une grosse différence concernant le temps de séjour des véhicules sur nos centres qui a considérablement baissé, conséquence de la politique d’optimisation et de flux tendu des constructeurs. Dès lors, nos parcs sont loin d’être pleins actuellement.
JA. Comment se porte aujourd’hui le marché du transport et de la logistique automobile ?
PE. Nous pensons que le secteur connaîtra une pénurie de moyens en 2011. Avec la crise, un certain nombre d’acteurs ont réduit leurs moyens, en ayant recours assez fortement à la sous-traitance routière, en particulier avec des conducteurs internationaux. Cette tendance devrait se réduire de manière importante en 2011. Et je pense que STVA est bien positionnée parce que nous saurons faire face aux volumes en période de pointe grâce à nos moyens en propre. Car notre business modèle repose précisément sur nos moyens en propre très importants, que ce soit en wagons, en camions ou au travers de nos centres. La sous-traitance a représenté une faible part de nos activités, de l’ordre de 25 %. Nous sommes en capacité, au moment des pointes, de servir nos clients constructeurs et leur réseau de distribution.
JA. Dans quelle mesure la crise a impacté votre secteur d’activité ?
PE. La crise nous a impactés puisque nous avons subi un recul brutal des volumes. Nous avons pu limiter notre part de sous-traitante. Nous avons dû réduire également le potentiel de notre flotte routière ainsi que des temps de conduite, de façon la plus équitable possible. Nous avons été conduits à garer un certain nombre de wagons et à faire du chômage technique.
JA. Votre activité est très liée aux volumes de ventes VN ainsi qu’aux cadences de production. Avez-vous subi une baisse d’activité en sortie d’usines ?
PE. Non, car les usines alimentent l’ensemble des marchés européens ainsi que les marchés à l’export. Par exemple, en 2010, les usines allemandes, en termes de production, ont crû de 45 % alors que les immatriculations dans le pays ont baissé de 25 % par rapport à 2009, suite à l’arrêt de la prime. Dès lors, l’Allemagne a beaucoup dirigé ces flux à l’export, qui partaient des ports, et peu importé l’an passé. Nous sommes impliqués dans l’évacuation de ces flux et avons surtout subi de très gros déséquilibres, tant ferroviaires que routiers, qui nous ont pénalisés fortement dans notre profitabilité.
JA. Beaucoup de sites de production ont ouvert dans l’Est de l’Europe, permettant l’émergence de transporteurs “low-cost”. Cela a-t-il impacté STVA ?
PE. Nous avons été touchés par cette concurrence “low-cost” qui a beaucoup pesé sur les prix. Cependant, avec le redémarrage du marché russe, ces acteurs se tournent davantage vers l’Est que vers les pays de l’Ouest. De plus, grâce à nos moyens ferroviaires, nous avons pu, dans un certain nombre de cas, absorber des évacuations d’usine que ces sociétés ne savent pas faire.
JA. Que représente le groupe STVA à l’échelle européenne ?
PE. STVA n’est pas le plus gros dans chacun de ses métiers, à savoir le rail, la route et les centres de logistique, mais nous sommes probablement le plus important logisticien multimarques à compter ces trois activités principales. Nous sommes aussi celui qui est le plus avancé en termes de développement durable et probablement l’un des groupes qui comptent le plus grand nombre de centres. Nous sommes donc un acteur majeur en Europe.
JA. Concernant le développement durable, comment parvenez-vous à concilier les objectifs de gains de temps, d’argent tout en améliorant vos performances environnementales ?
PE. Par la structure même de notre offre multimodale. D’une part, nous optimisons les schémas en utilisant le plus possible les canaux ferroviaires pour nous rapprocher des lieux de consommation, complétés ensuite par la distribution capillaire. En termes de capacité, un train équivaut à 25 camions. Une voiture transportée sur un train émet 30 g de CO2 par km contre 100 g de CO2 sur un camion. Ainsi, en moyenne, le train émet 72 % de moins de CO2 que l’ensemble des camions pour transporter le même nombre de véhicules.
D’autre part, nos camions sont équipés de solutions électroniques embarquées qui nous permettent d’optimiser les tournées locales et régionales pour économiser les kilomètres à vide. Nous avons mis en place un suivi de la consommation, nous faisons partie des six premiers signataires de la charte d’engagements de réduction des émissions de CO2 avec le ministère. Nous proposons également des formations à la conduite économique, nous bridons les camions, nous renouvelons notre flotte à raison de 10 % par an. Nous sommes le premier logisticien automobile certifié ISO 14001. Ce développement durable va de pair avec l’équation coût/service que nous offrons à nos clients et avec notre profitabilité.
JA. Quelles sont les prochaines étapes de votre déploiement européen ?
PE. Nous sommes présents en Pologne et nous nous implantons en Roumanie. Il s’agit de lieux de production importants mais également de zone avec un réel potentiel d’immatriculations de voitures, à terme. Nous avons des ambitions en Turquie, où notre groupe SNCF-Géodis est déjà implanté. Nous suivons également de près l’évolution du marché russe.
JA. Un développement à l’international fait-il partie de vos ambitions futures ?
PE. A l’heure actuelle, non. Car notre positionnement repose sur le fer, la route et les centres dans une offre de A jusqu’à Z. Un tel positionnement prouve toute sa pertinence à l’échelle de l’Europe continentale. La seule petite exception à cette règle est notre activité au sein de l’usine Renault de Tanger, où nous sommes le producteur logistique en sortie d’usine.
JA. Quels sont les acteurs et les secteurs d’activité qui représentent le plus gros potentiel pour STVA ?
PE. L’équilibre de notre portefeuille clients est en ligne avec la part de marché de chacun des constructeurs en Europe. Mais nous avons encore des objectifs de développement commercial avec des clients que nous n’avions pas historiquement en raison, par exemple, de notre implantation récente en Allemagne.
L’an passé, nous avons remporté l’appel d’offres de Renault VO sur l’Ile-de-France pour la gestion des retours de loueurs que nous concentrons sur la plate-forme d’Avrigny (60) et dont nous assurons le remarketing pour une part. Nous allons d’ailleurs ouvrir prochainement, sur ce même site, un outil dédié à la carrosserie et à la peinture. Nous disposons déjà dans nos 20 centres français d’installations de carrosserie/peinture qui affichent un potentiel de traitement d’une dizaine de voitures par jour. Ce projet est une évolution, à l’échelle industrielle, de ce que nous sommes capables de faire dans la plupart de ces centres et devrait traiter jusqu’à 50 VO au quotidien. Nous allons essayer de compenser la baisse attendue du marché VN par une hausse de nos prestations VO et nous voulons le faire au travers de nos centres et de nos actifs pour être là, encore une fois, en capacité pour absorber les pointes. Enfin, début 2011, nous venons de remporter l’appel d’offres pour l’ensemble des loueurs du groupe VW France.
JA. Quelle sera la stratégie de STVA en 2011 ?
PE. La stratégie est d’être très à l’écoute des constructeurs et des distributeurs. Nous avons d’ailleurs une double stratégie commerciale de grands comptes, pour la France et l’Europe, et une autre organisation commerciale de proximité avec les réseaux de distribution, avec qui nous avons encore une marge de progression. Il est aussi de notre ressort de trouver de nouvelles optimisations entre les loueurs et les constructeurs.
JA. Quelles sont vos ambitions pour cette année ?
PE. Nos objectifs sont de plusieurs ordres. Tout d’abord, continuer dans la voie du développement durable en travaillant toujours plus sur les “fondamentaux”, à savoir l’optimisation des schémas pour réduire les émissions et les audits sécurité sur les centres. Ensuite, accompagner nos clients constructeurs dans leur développement de nouveaux modèles et de nouvelles usines. Enfin, faire jouer l’effet de levier de notre site de remarketing VO à Avrigny, qui devrait démarrer en avril.
JA. Quels vont être, selon vous, les enjeux qui vont entourer votre profession ces prochaines années ?
PE. Je crois que le coût du transport va augmenter fortement à cause du prix du Gasoil et la difficulté de recruter des conducteurs, car il s’agit d’un métier difficile. Ces deux problématiques risquent de bouleverser la pertinence de certains schémas logistiques. Il y a aura aussi de plus en plus de réglementations concernant la route et la distribution dans les grands centres urbains. A Varsovie, nous faisons les livraisons avec des porte-cinq qui sont moins encombrants que des porte-huit. Il est possible que nous assistions sur le moyen et long terme à des mutations logistiques importantes.
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Curriculum vitae
Nom : Enderlé
Prénom : Pierre
Age : 56 ans
Diplômé de l’Ecole Centrale de Paris, le parcours de Pierre Enderlé a débuté chez Citroën, en 1978, au bureau d’études de Vélizy. Il entre ensuite au service de la filiale transport et service SATI du constructeur de matériel ferroviaire ANF. Il poursuit chez Calberson, puis Heppner et DHL Solutions France, dont il prend la direction générale, de 2001 à 2006. Une responsabilité qu’il a ensuite assurée pendant quatre ans au sein de STVA, avant d’être nommé Président du Directoire en mars 2010. Par ailleurs, Pierre Enderlé est président de l’Ecole Supérieure des Transports.
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