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L’IT peut coûter moins

Publié le 28 octobre 2014

Par Gredy Raffin
9 min de lecture
La question de l’impact de l’informatique sur le résultat des concessionnaires n’est pas aisée à résoudre. Certains distributeurs ont considéré le problème avec un retour positif. Partage d’expérience.
Bruno Duval, président de Citypassenger.

Bureau ovale, chaise noire et sur les murs des décorations à l’effigie de sa marque fétiche. Les questions fusent, il joue de la souris, et comme il ne trouve pas ce qu’il cherche, alors il décroche le téléphone et joint une collaboratrice. Il en vient à parler de comptabilité analytique et énumère des partenaires, s’agace gentiment, puis raccroche. Il n’a pas pu avoir une information claire et précise. Oui, connaître les coûts de son informatique d’un simple claquement de doigts relève pratiquement de l’impossible pour un concessionnaire, aussi expérimenté et performant soit-il. Pourtant, en ces temps de disette, la problématique n’a jamais été autant d’actualité. Elle fait les choux gras des consultants en tout genre, ceux qui ont le regard assez expert pour débusquer tous les pièges lors de l’audit.

Selon un rapport transmit par la marque à son réseau, l’informatique coûterait en moyenne 0,14 % du chiffre d’affaires des concessions Citroën en France. Une part assez stable dans le temps puisque, depuis 2010, la moyenne oscille entre 0,13 et 0,14 %. En 2012, l’amplitude des valeurs allait même de 0,11 à 0,22 %. Cette évolution s’explique par les effets conjugués de la baisse du chiffre d’affaires et de l’accumulation de fonctionnalités.

Il est aussi un autre facteur, le manque de visibilité. Il y a plus de trois ans, Aymeric Gerin a repris les rênes de la concession Renault SDAO aux Ullis (91). Sa première tâche a été de définir un plan sur deux ans qui débutait avec la mise à plat de tous les postes de dépense, soit ce qui pouvait grever le résultat de son affaire, avec une seule approche : en ai-je besoin ? Si oui, en quelle quantité et quels sont les prix du marché ? A commencé alors une période de remise en question et de renégociation de chacun des contrats. “Internet est nécessaire, mais nous pouvons maîtriser les quantités, explique-t-il. Nous avons donc choisi un partenaire qui nous a accompagnés.” Une fois n’est pas coutume dans le réseau Renault, on retrouve de fait Citypassenger, spécialiste de la mise en place des réseaux de communication. “Les opérateurs de télécommunication vendent souvent des solutions surdimensionnées par rapport aux besoins de la concession, avertit Bruno Duval, le président de Citypassenger. Il faut redoubler de vigilance quant à la bande passante.” En effet, il n’est pas rare que ses équipes techniques découvrent qu’une concession est équipée d’une bande passante de 4 Méga ou plus, là où 2 Méga couvriraient largement les besoins, même en cas de montée en charge. Au sein de SDAO, par exemple, Citypassenger a recommandé de remplacer le réseau MPLS, anciennement préconisé par les constructeurs, par deux lignes ADSL sécurisées, soit une technologie fiable à moindres frais. Le résultat ne s’est pas fait attendre pour Aymeric Gerin, dont la facture annuelle a été divisée par trois, à moins de 1 000 euros. Toujours riche d’anecdotes, Bruno Duval raconte avoir découvert trois lignes Internet inutilisées chez un groupe de premier plan du réseau Ford, pour un montant de plusieurs milliers d’euros par mois.

La multiplicité des lignes

Cela résulte bien souvent de la politique du constructeur qui, à chaque démarrage d’un nouveau module fonctionnel, recommande – non officiellement – la souscription d’un contrat Internet dédié. Une hérésie. “Peu à peu, les responsables marketing, à l’origine de ce problème, prennent conscience de leur erreur. Ils savent qu’il s’agit d’un frein à l’adoption des outils qu’ils déploient”, observent certains experts.

“L’audit de l’IT est relativement facile, ce sont les outils associés qui sont plus compliqués à calculer”, juge José Menon, figure du réseau Citroën. Entre les différentes interfaces, les outils de diagnostics et maintenant les tablettes, les lignes s’empilent et les sorties d’argent par la même occasion. Osant la comparaison avec une fiche de salaire, il appelle à plus de clarté et, de fait, à un regroupement de la facturation. A qui appartiendrait-il de faire ce travail de simplification ? On pense immédiatement aux éditeurs de DMS, seuls capables de considérer chacun des tiers partenaires et leurs modèles économiques respectifs.

Effort d’ingénierie

Les éditeurs, justement, œuvrent à réduire les coûts d’acquisition et de détention de leurs outils DMS. “Les investissements IT sont subits, admet Herta Gavotto, chef de marché automobile de Fiducial. Nous devons continuer à faire un effort en ayant des conceptions pertinentes de nos offres”, suggère-t-elle, prenant en exemple la composition modulaire de son catalogue de produits et services. Un schéma devenu un standard, dans un modèle de facturation sur mesure et à la consommation. Si le métier d’éditeur a évolué vers celui de fournisseur de services multiples, il n’en reste pas moins un fond d’ingénierie car, avant de parler de remise sur le prix facial, c’est dans ce domaine qu’il y a un travail à accomplir pour être le plus compétitif.

Selon une étude menée par Solware Group auprès de quelques-uns de ses clients, le coût de l’IT se compose à 50 % du DMS et du matériel. Les outils du constructeur représentent environ 25 %, les interfaces tierces pèsent pour 20 % et le poste télécommunication complète l’addition, à hauteur de 5 % environ. Pour Gérald Ferraro, le président du groupe, le premier levier à activer pour diminuer les coûts est celui du modèle d’acquisition. Depuis dix ans qu’elle existe, la technologie de l’hébergement en ASP, par exemple, a démontré qu’elle s’affichait 15 à 20 % moins coûteuse que la formule classique d’achat de licence, d’autant plus que l’assistance est moins chère de 10 %. Un format qui séduit de plus en plus, si tant est que la taille critique soit au rendez-vous. “Avec Midrange, nous avons comparé le schéma du serveur local et celui de l’hébergement, et avons conclu que la première solution était financièrement la plus adaptée à notre volume d’activité”, confie José Menon, qui a donc investi dans un serveur à 5 000 euros environ. Il l’a installé dans une de ses affaires, associé à un réseau VPN pour y accéder depuis n’importe quelle autre concession du groupe.

Mais grâce aux webservices et au perfectionnement du matériel, de nouveaux projets sont imaginés, nourris par l’extrapolation. Ainsi, il serait possible, à terme, de remplacer le parc informatique du front office – vente et après-vente – par un lot de tablettes (de celles qui ont un clavier amovible). Une simple hypothèse qui n’est pas à exclure, selon certains éditeurs. “Elles ont un meilleur ROI que les PC fixes puisqu’elles aident à augmenter le montant du panier moyen”, explique, Herta Gavotto, de Fiducial. Bien entendu, les services de comptabilité resteraient équipés du matériel classique, plus adapté. Une telle avancée ne peut être réalisée à court terme pour de multiples raisons, et en premier lieu parce que l’ensemble des prestataires, notamment spécialistes du chiffrage, n’ont pas encore sorti d’interfaces spécifiques au format des tablettes. En second lieu, par manque de maturité des équipes en concession.

A propos du matériel, il est une autre problématique, soulevée par Solware. Le modèle économique prévoit que le matériel appartient au partenaire financeur. Dans 80 % des cas, au terme du contrat, moyennant l’équivalent d’un loyer, le concessionnaire en prend possession. C’est ici que le bât blesse. L’éditeur voudrait mener une action de sensibilisation afin d’expliquer que le matériel peut être valorisé de sorte à servir de réserve de pièces détachées et baisse les frais de maintenance.

La formation, la fausse ­économie

Insatisfait de son précédent éditeur, dont il ne percevait pas la valeur ajoutée, José Menon, ancien membre de la commission informatique du groupement des concessionnaires Citroën, a migré récemment l’ensemble de sa structure sous ICar Systems. Preuve à l’appui, cela lui a été facturé environ 45 000 euros. “Il est tentant alors de sacrifier la formation, mais c’est une fausse économie”, prévient-il ses confrères. Le poste représente tout de même plus de 60 % de la note. Dire que la formation aux outils est indispensable serait une lapalissade. Toujours est-il que le montant est dissuasif. A l’instar de Novia Systems, la réflexion est au cœur de la stratégie des éditeurs. Le groupe parisien a creusé la piste des mini-modules ciblés, dispensés par téléphone, tandis que chez Solware Auto, par exemple, le catalogue a été révisé en profondeur. La partie théorique s’est vue raccourcie pour dégager du temps par ailleurs, notamment pour des sessions sur site (690 euros/jour), puis en groupe (385 euros/jour) et en classe virtuelle (de 90 à 180 euros/session). Une mutualisation qui présente quelques défauts, notamment le manque de proximité et d’individualisation.

Comme pour les lignes téléphoniques, la maîtrise du TCO de l’IT passe par une sous-utilisation du service souscrit. Les DMS ne dépassent pas la barre des 30 % d’exploitation du potentiel.

Dans un écosystème toujours plus complexe à apprécier, il devient alors urgent de s’entourer de compétences pour mener les bons arbitrages. Mises bout à bout, les économies de temps et d’argent que permet de réaliser un directeur des services informatiques amortissent, bien souvent, son impact sur la masse salariale.

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QUESTIONS À… Olivier Guigou, directeur de eMutance.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Comment doit-on aborder son projet IT ?
OLIVIER GUIGOU.
En matière de projet IT, il faut avoir une constance dans l’action et s’y tenir. La feuille de route doit programmer la mise en place et la montée en puissance des outils, selon un calendrier. La plupart des projets échouent car les phases de déploiements et de conduite du changement sont mal opérées.

JA. Dans quels écueils ne faut-il pas tomber ?
OG.
Changer de DMS ou d’outils est une difficulté qui pose de nombreux problèmes aux collaborateurs. Il faut prendre le temps d’accompagner, aider les équipes à s’imprégner et ne pas bousculer les événements. Les formations ne doivent pas débuter trop tôt avant le déploiement. Elles doivent être raccourcies, mais plus nombreuses et aller dans le sens du perfectionnement de l’individu.

JA. Qu’est-ce qui prime ?
OG.
L’outil et les modes opératoires sont indissociables. L’outil est au service d’une méthode de travail qui elle-même évolue en fonction des moyens disponibles. Qu’il soit en temps plein ou partiel, un responsable du parc informatique est essentiel dans un groupe de distribution, car il est le garant de la bonne réalisation et du suivi du projet. Ce qu’il permet de générer comme économies amortit son recrutement.

 

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