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L’irrésistible séduction du smart repair

Publié le 22 juin 2021

Par Jean-Baptiste Kapela
12 min de lecture
La pratique ne date pas d’hier et pourtant l’intérêt du marché des véhicules d’occasion pour le smart repair ne cesse de croître. Alliant gain de temps et d’argent, la carrosserie rapide a encore de beaux jours devant elle.
X’tre­me Color a été fondé en 2007 à Ville­franche‑sur‑Saône (69) par Jerry Large et Christophe Gou­tay.

 

Spot repair, rapid repair, carrosserie rapide… la terminologie diffère, mais converge vers le même concept : réaliser de la carrosserie sur de pe­tites surfaces, sans démontage, afin d’améliorer essentiellement l’es­thétique d’un véhicule. "Les An­glais appellent cette façon de faire : le smart repair pour small to medium area repair technics. Je trouve que ce terme est parfait et difficilement traductible en français", explique Alexandre Sabet d’Acre, fondateur et directeur général de Dentmaster, pionnier dans la réparation rapide en France. Mais depuis quelques années, le smart repair a muté et il est devenu une méthode incon­tournable qui apporte de nom­breux avantages.

 

Le marché du VO en quête de rentabilité

 

Les spécialistes du VO ont fait du smart repair leur chou gras. Le marché connaît une forte pro­gression, le remarketing a le vent en poupe et les volumes ne font que croître. Les multiples bénéfices de la réparation rapide semblent coller à merveille aux besoins d’un concessionnaire.

 

"Une journée de stockage coûte entre 15 et 20 euros. Un véhicule qui reste sans bouger pendant 21 jours, parce qu’il attend son passage en carrosse­rie, c’est 420 euros de frais de stoc­kage. Dans le secteur de l’occasion, un distributeur est obsédé par le nombre de jours et le smart repair permet de baisser considérablement la rotation des stocks", explique Gilles Aubry, consultant auprès de concession­naires et fondateur de la société Nova MS. Il s’enthousiasme : "Il y a quelques jours, j’étais chez l’un de mes clients et juste en intégrant le smart repair, on espère gagner plus de 100 000 euros de rentabilité sur un an. Le smart repair est une révolution pour l’occasion."

 

Pour les distributeurs, le concept semble si rentable qu’il est possible de se demander pourquoi le sec­teur ne se l’est pas approprié plus tôt. "Le smart repair se développe, mais il est vrai que, dans le pas­sé, on s’y intéressait un peu moins. En fin de compte, avec un bon de­gré de professionnalisation, on cu­mule les avantages de gain de temps, de rotation et de FREVO (frais de remise en état), détaille Alain Martinat, consultant indépendant et fondateur de Capcar Consulting, tout en précisant, si le marché VO en appelle de plus en plus à cette technique, c’est principalement par un souci économique. Avant, on changeait régulièrement tout un élément de carrosserie, alors que ce n’était pas toujours nécessaire." Le smart repair évolue et la tech­nique s’affine. Sous‑traitance ou industrialisation du processus, les choix s’offrent aux professionnels. "Le smart repair peut être deux, trois voire quatre fois moins coûteux qu’un carrossier classique", avance Gilles Aubry.

 

Une pratique en mouvement

 

Le smart repair a toujours repo­sé sur la mobilité de ses acteurs. Plus flexibles, les spécialistes dans ce domaine se sont orientés vers des unités itinérantes, à l’instar de Dent­master, acteur majeur de la pratique. La société propose deux types de services mobiles Dent Wizard, le dé­bosselage sans peinture et le dégrê­lage, et Carmeleon, repensé en 2011 pour les interventions de smart repair et de carrosserie express. "En 1997, le concept Carmeleon s’appelait Flying Color en Europe. C’était du smart repair hors débos­selage, car cette technique nécessitait une méthode vraiment particulière. Avec le temps, nous avons fait évoluer le service Carmeleon qui a commencé à faire de la peinture avec les évolu­tions majeures dans les teintes et les vernis, qui ont des temps de séchage plus courts", précise Alexandre Sa­bet d’Acre. En 2020, Dentmaster a effectué 67 000 interventions, hors plate­formes de reconditionnement et grêle, en baisse à cause de la crise sanitaire.

 

Cependant, en temps nor­mal, l’entreprise traite une moyenne de 120 000 véhicules par an, que ce soit via Dent Wizard ou Carmeleon. Au total, ce sont 62 camionnettes qui circulent en France. Conçus comme des ateliers de carrosserie ambulants, ces véhicules disposent d’une aire de préparation gonflable qui évite les particules de poussière, d’un collec­teur d’air ou encore d’un spectro­photomètre pour les teintes. Tout un panel d’outils qui permet aux tech­niciens de retrouver des conditions très similaires à celles des carrosse­ries classiques. Et le succès est au ren­dez‑vous, puisque la demande de ce genre de services ne fait que croître, avec comme clientèle principale, les concessionnaires et spécialistes VO.

 

Preuve de cette réussite, les sociétés spécialisées dans le smart repair re­cherchent activement de nouveaux techniciens. « Nous sommes en per­pétuel recrutement. Si nous pouvions ajouter 25 ou 30 camionnettes de plus sur la route, nous le ferions. La difficulté, c’est de trouver des tech­niciens. Pour absorber le volume total, il nous faudrait 150 à 200 camion­nettes », énumère le directeur général de Dentmaster.

 

Dans un marché en forte croissance, d’autres acteurs se sont frayé un chemin dans le domaine du smart repair. Beaucoup d’anciens salariés de carrosseries classiques ou de ré­seaux de carrosseries express se sont lancés à leur compte et sillonnent les concessions qui se trouvent près de leur localité. Certains, en revanche, ont eu l’ambition de créer leur propre réseau. À l’image de X’tre­me Color, fondé en 2007 à Ville­franche‑sur‑Saône (69), à l’initiative de Jerry Large et Christophe Gou­tay. Avec une centaine de techniciens qui tournent dans une soixantaine de départements et un chiffre d’af­faires de 4,6 millions d’euros en 2019, avant la crise sanitaire, la socié­té des deux Rhodaniens est devenue un acteur important du smart repair. X’treme Color collabore d’ailleurs avec 80 % du top 100 des groupes de distribution.

 

"Nous nous occupons à peu près de 600 véhicules par jour, sur lesquels il peut y avoir un élément comme six à traiter. En moyenne, nos techniciens sont amenés à prendre en charge 10 à 15 éléments sur une journée", présente Jerry Large, cofondateur et cogérant de X’treme Color. Ce dernier précise : "aujourd’hui, nous pouvons faire des réparations en extérieur sans avoir les conditions d’une cabine en carrosserie. Le smart repair est un métier qui a beaucoup évolué. Notre grande ri­chesse, c’est de faire les réparations directement chez le client et l’inter­vention en moins d’une journée."

 

La demande est telle que les conces­sionnaires sont parfois amenés à appeler le même jour deux sociétés de smart repair. Il y a donc assez de place pour tous les acteurs de la carrosserie express et la concurrence semble saine. Selon le cogérant de X’treme Color : "Nous avons des mé­thodes assez différentes, mais chacun garde ses petits secrets de réparation et de camouflage. Ça nous arrive d’être sur le même parc en même temps qu’un concurrent, alors nous nous partageons les véhicules."

 

Les concessions industrialisent le concept

 

Depuis près de trois ans, la pra­tique se généralise. Les groupes de distribution conçoivent de plus en plus leurs propres usines de re­conditionnement. À l’image du groupe Emil Frey France avec son Centre de rénovation des véhicules d’occasion (CRVO), inauguré au mois d’août 2020 à Ingrandes (86). Avec une capacité de traitement de 30 000 unités par an, c’est le plus important centre de recondition­nement d’Europe. Ou encore celui du groupe Bodemer à Bruz (35), dont la superficie du bâtiment est de 66 000 m2, en capacité de traiter 18 000 véhicules par an.

 

Laurent Peyrat, ex‑directeur com­mercial VN-VO du groupe breton en 2020 devenu consultant, explique cet engouement pour les centres de re­conditionnement : "L’objectif réside dans la maîtrise de toute la chaîne lo­gistique pour la remise en état du VO. Cela permet de digitaliser complète­ment en interne ce processus et surtout de garder de la compétence en interne. Mais pour faire cela, il y a une notion de volume critique. Il faut avoir de gros volumes, ce qui est le cas des groupes Emil Frey ou Bodemer qui écoulent des dizaines de milliers de véhicules d’oc­casion par an. Si on est un distribu­teur qui possède trois concessions, qui vend entre 600 et 700 VO par an, ça n’a pas de sens."  Selon lui, un centre de reconditionnement représente un investissement moyen compris entre 500 000 et 3 millions d’euros.

 

Alain Martinat partage également cet avis : "En fonction de la taille de l’en­tité dans laquelle vous êtes, il y a plu­sieurs solutions : soit vous avez du per­sonnel qui sait faire, soit vous envoyez quelqu’un en formation, soit vous sous-traitez. Sur des volumes ponc­tuels, avec un petit peu d’importance, en général, c’est plutôt sous‑traité. En revanche, lorsque l’on a de grosses uni­tés de remise en état comme celle du groupe Emil Frey, il vaut mieux avoir du personnel qui maîtrise le smart re­pair. Le coût d’un salarié qui travaille en interne sera inférieur à celui d’un externe, même si certains ont des tarifs extrêmement raisonnables."

 

Conception et gestion des centres de reconditionnement

 

Certaines sociétés ont cerné très ra­pidement l’intérêt accru de l’occa­sion pour l’industrialisation du re­marketing VO et le smart repair. Yann Brazeau a longtemps travaillé pour PSA, puis pour le groupe Ara­misauto. Avec son frère, Jean-Fran­çois Brazeau, il a fondé la société Stimcar. Un premier centre de re­conditionnement est alors inauguré à Nantes (44). Progressi­vement, d’autres sites ont ouvert comme à Bordeaux (33), Toulouse (31) ou Rennes (35) très récemment et bien d’autres sont en préparation comme à Montpellier (34), Paris (75), Lille (59) ou encore Lyon (69).

 

"Il y a des besoins forts sur cette dimension de reconditionnement. Nous nous dé­ployons sur le territoire et nous propo­sons nos services à tous les professionnels qui le souhaitent", explique Yann Brazeau. Moins imposants que les usines de reconditionnement des concessionnaires, les centres Stimcar ont une superficie d’environ 1 000 à 1 200 m2. Entre 6 000 et 8 000 véhi­cules sont traités par an dans le site nantais. Presque tous font l’objet de smart repair. Le cofondateur de Stim­car précise que : "90 % des véhicules qui passent par nos usines y font appel."

 

Stimcar n’est pas la seule entreprise à proposer la conception de centres de reconditionnement. Une autre société s’est penchée sur cette ten­dance : Sineo. Elle avait innové en offrant un nettoyage des véhicules sans eau. Faisant de la préparation esthétique son cœur de métier, elle lance sa première usine de recondi­tionnement en 2016. Une idée qui a germé dès 2015 avec comme client PSA. Concernant les équipes tech­niques de l’entreprise, "elles ont dû apprendre des métiers non historiques de Sineo, comme la mécanique, la car­rosserie ou encore la préparation es­thétique. À l’époque, ce qui était confi­dentiel, c’était le labo photo, car ce n’était pas forcément répandu dans la profession", affirme Hervé Casquet, dirigeant de Sineo. Depuis le début d’année, la société a développé deux centres de reconditionnement, un à Toulouse (31), inauguré en février, et un à Bordeaux (33), qui devrait bien­tôt être opérationnel. En septembre, deux autres usines seront ouvertes, à Lyon (69) et Marseille (13), et d’ici la fin d’année, un site devrait voir le jour au Mans (72).

 

Ces centres de reconditionne­ment fleurissent un peu partout et semblent être une réelle tendance. "En matière de rapidité, les distribu­teurs gagnent énormément de temps. Avant, les délais pouvaient être de 30 à 35 jours d’immobilisation du véhi­cule, alors qu’en usine, ça ne prend que cinq à six jours. En termes pécuniaires, ils nous avouent une économie de 15 à 30 % selon les modèles sur leurs coûts de reconditionnement", précise Hervé Casquet. Au sein de Sineo, 20 à 30 % des véhicules nécessitent une inter­vention plus longue en carrosserie et le smart repair concerne un sur deux. "L’usine de reconditionnement a permis d’industrialiser les volumes et d’optimiser les choses", renchérit le dirigeant de Sineo.

 

Le smart repair, une poule aux oeufs d’or ?

 

Gain de temps et gain d’argent, c’est la promesse souvent tenue du smart repair sur le marché de l’occasion. Le concept séduit énormément de concessionnaires engagés dans une activité de VO. Ces derniers peuvent gagner en rentabilité, sous condi­tion : "Ce qu’il faut faire, c’est bien cibler la nature de l’opération et dé­terminer au départ si le véhicule est éligible au smart repair", précise Alain Martinat. Mais la carrosserie rapide ne pourra pas se substituer à une carrosserie classique, il faut que ce soit un service complémen­taire.

 

"Les concessionnaires nous dis­cernent bien et ils connaissent nos li­mites. Ils ne nous proposeront jamais de faire un latéral ou un capot", explique le cofondateur de X’treme Color. Le secteur de l’occasion s’est bien approprié le concept et n’a pas fini de faire parler de lui. "Vu comment on en parle aujourd’hui, le smart repair risque de se développer encore plus. Si les gens commencent à mieux connaître les méthodes, ils pourront en faire la demande auprès de leur garage. Je pense qu’il y a une vraie carte à jouer", précise le direc­teur général de Dentmaster.

 

Une pénurie de techniciens

 

Le secteur manque cruellement de techniciens. Que l’on soit un réseau d’unités mobiles de smart repair ou un centre de recondi­tionnement, personne n’est épargné. Hervé Casquet, dirigeant de Sineo, le concède : "Le plus difficile est d’intégrer les compétences sur certaines activités qui deviennent de plus en plus rares, comme sur la carrosserie, un domaine en forte tension."

 

En général, ces sociétés font appel à des techniciens ayant déjà eu une expérience en peinture ou en carrosserie. Mais le manque de profils sur le mar­ché pousse les entreprises à s’adapter. "Recruter du personnel qui ne vient pas du monde de l’automobile, on le faisait avant. Mais à l’époque, on faisait de la petite réparation, surtout des pare‑chocs. Aujourd’hui, on utilise des produits de peinture, du vernis, avec une méthode. Il y a aussi de la carrosserie, jusqu’à deux heures de tô­lerie et de redressage. Il y a quand même un besoin d’expérience. Une personne qui vient d’ailleurs prendrait plus de temps à être formée… mais on y réfléchit", explique Alexandre Sabet d’Acre.

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