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Lionel Roques, Franco American Image : "La tenue de salons virtuels serait une erreur stratégique"

Publié le 12 juin 2020

Par Gredy Raffin
5 min de lecture
Grand spécialiste de l'événementiel automobile, Lionel Roques revient sur les réalités d'un secteur sinistré. Il ne manque pas pour autant de pistes pour relancer l'activité, notamment en créant de nouvelles passerelles.
Lionel Roques, PDG de la société Franco American Image.

 

 

JA. Quel est l'état du marché de l'événementiel automobile en France ?

Lionel Roques. Le marché est actuellement mort. Il ne le restera pas pendant la prochaine décennie, mais pour l'heure nous n'avons aucune visibilité. L'événementiel automobile cumulant les crises de l'industrie en elle-même et celle de l'automobile. Une période difficile qui permet cependant de se poser quelques questions et de faire des observations. Les entreprises du monde d'avant ont été méprisées pour ce qu'elles apportent ou la manière dont elles délivrent les produits et services. Force est de constater qu'elles ont été à la hauteur de l'enjeu durant les trois mois passés. La grande distribution a nourri une population sans rupture et le secteur automobile a su répondre aux urgences des métiers critiques, par exemple.

 

JA. La relation des français avec l'automobile se résume à "je t'aime, moi non plus". Est-il toujours pertinent de miser sur cette industrie qui est exposée à des critiques régulières ?

LR. L'automobile est un objet fantastique. Les parisiens les plus critiques ont été heureux d'en disposer pour s'échapper à la campagne, dès l'annonce du confinement. Il faut se montrer fier de travailler pour cette industrie et arrêter de parler du "monde d'après" et de ses révolutions. Je pense que la pollution des géants du digital est bien plus nocive que celle de l'automobile, dont les efforts pour être toujours plus propre sont quotidiens.

 

JA. Aujourd'hui débute l'opération Journée Portes Ouvertes, est-ce un signe de reprise alors qu'on aurait pu tout bloquer ?

LR. C'est un signe très positif. Le premier que je vois depuis très longtemps. Je pense que les gens seront au rendez-vous car les Français aiment la voiture. Il faudra poursuivre ensuite sur cette lancée et mettre en œuvre des événements adaptés à la situation, certainement en allant à la rencontre des gens sous forme de tournée à travers le pays. Nous pourrons recréer de la proximité, alors que les salons vont être annulés, et donc permettre aux consommateurs de découvrir des voitures.

 

JA. On dit souvent que la crise a été un accélérateur de phénomènes déjà engagés. Les salons automobiles en sont un exemple, car les absences étaient de plus en plus nombreuses. Que peut-on imaginer pour relancer la machine ?

LR. Ils devenaient de moins en moins intéressants pour les exposants car le retour sur investissement s'est compliqué avec le temps. A partir de là, certains ont envisagé la tenue de salons virtuels. A mon sens, ce serait une erreur stratégique qui porterait préjudice à l'automobile et il vaudrait mieux réfléchir à une idée de salon itinérant. Il n'y a pas de solution toute faite, mais une d'entre elle chemine dans mon esprit. Nous allons y travailler avec mes équipes et la proposer aux constructeurs pour lesquels nous opérons. Il s'agit de mettre en relation, les secteurs de l'automobile, de la restauration et de l'événementiel pour encourager les gens à sortir de chez eux.

 

JA. Plus concrètement à quoi pensez-vous ?

LR. Je commence à avoir des idées précises et il apparaît qu'un format alliant ces trois secteurs peut être réalisé. Je ne parle pas des quelques villes où la voiture n'est pas indispensable, mais de la France, celle où l'automobile détient une part modale importante. Là, nous pourrions engager les restaurateurs dans un projet de petits salons réalisés avec un seul ou très peu de constructeurs. En fonction du style de véhicule, du niveau de gamme, on contacterait des enseignes différentes. Je vois qu'au sortir du confinement, on essaye de nous vendre une société digitalisée, nous devons résister et conserver un modèle de rencontres physiques, qui est dans l'ADN de notre pays.

 

JA. En termes de mise en place, le réseau y prendrait-il part ?

LR. Tout doit être souhaité par un constructeur volontaire, mais rien ne se fera sans le relai local des concessionnaires, évidemment. L'enjeu est un retour à la proximité. Impossible donc se passer du réseau ou d'agir sans sa conviction profonde.

 

JA. L'été sera une saison favorable à ce type de nouveaux formats, quel calendrier vous fixez-vous ?

LR. Le pays n'a pas encore redémarré. Les gens ont des rythmes de vie et des priorités trop variés. Laissons donc les Français passer de bonnes vacances et projetons-nous à la rentrée de septembre.

 

JA. Outre le commerce automobile, que peut-on envisager pour la réparation indépendante ?

LR. Il va aussi falloir animer les points de ventes. L'événementiel va devoir se déplacer. Cela va demander une organisation spécifique, car il est plus facile de rassembler 700 centres en lieu unique que de boucler une tournée. Le modèle de fonctionnement avec les restaurateurs devra apporter cette légèreté opérationnelle, comme un standard à dupliquer à sa guise.

 

JA. A combien estimez-vous l'impact de la crise en fin d'année 2020 ?

LR. C'est en train de se jouer. Quand l'événementiel va repartir, il y aura une inertie et nous ne pensons pas que les projets aboutiront avant le début 2021. Nous avions, à titre d'exemple, un rendez-vous avec Point S en juin 2020 et les conditions floues nous amènent déjà à regarder le calendrier de juin 2021. Nous savons que l'année sera terrible.

 

JA. En tant que filière, quelles sont vos revendications ?

LR. Il y a un sujet qui a été rapidement enterré par le gouvernement et qui pourtant me paraît crucial : celui du crédit impôt communication. A mon sens, il s'agit de l'unique moyen de relancer le marché, mais une voix s'est élevée pour affirmer, à tort, que cela ne profiterait qu'aux quelques entreprises qui ont profité de la crise. Bruno Le Maire (ministre de l'Economie, ndlr) appelle les Français à consommer, or nous savons qu'un euro investi en communication génère autour de 8 euros de dépense. Je suis convaincu que nous devons donc militer pour débloquer rapidement la situation. Le risque étant que des mesures soient prises trop tard.

 

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