Les “porte-huit” bientôt interdits à Paris ?
Voilà des mois, des années même, que l'Arlésienne occupe les discussions des concessionnaires et des loueurs parisiens. L'interdiction aux porte-huit de circuler dans la capitale. Et, malgré les débats que cela occasionne encore au sein même du Conseil de Paris, l'heure fatidique semble bien pointer à l'horizon.
Depuis 2002, la ville de Paris a en effet engagé une concertation marchandise avec les professionnels du transport, les commerçants, les organisations professionnelles et les institutions autour de cette question logistique. Une réflexion qui s'est concrétisée par la signature d'une charte de bonnes pratiques en 2006, dans laquelle les acteurs concernés s'engageaient à limiter les nuisances sonores et environnementales, puis à réduire les perturbations liées au trafic des véhicules de livraisons. L'une des six dérogations accolées à cette charte concernait le transport de véhicules. Celle-ci était jusqu'à présent reconduite chaque année. Mais lors de l'ultime reconduction, en novembre dernier, la mairie de Paris a annoncé sa volonté "d'y mettre un terme définitif au 1er janvier 2011". Comme préalable à ce nouveau report, la mairie a même émis des conditions. Il s'agissait, pour les professionnels concernés, de commencer les expérimentations dès cette année.
"Une disposition ubuesque"
"Nous ne sommes pas d'accords avec ce projet de la mairie. C'est une disposition farfelue et contre-productive", nous confie un membre de l'opposition. En cause ? Les parades que vont devoir trouver les professionnels.
Alors que le groupe de réflexion formé autour des divisions régionales de la FNTR* et de la TLF** songe aux modes ferroviaires et fluviales - des contacts ont été pris en ce sens avec la SNCF et le port autonome de Paris - l'alternative la plus rapide à mettre en place semble être l'utilisation des porte-cinq. Un logisticien a d'ailleurs proposé l'utilisation d'un porte-cinq équipé d'une carburation au GNV. Aucune décision n'a été prise. Du reste, les porte-cinq pourraient eux aussi restés aux portes de Paris, au motif que ces véhicules occupent eux aussi une surface au sol trop importante lors de leurs livraisons. Reste la solution des porte-quatre. "Ce qui signifie qu'il faudra deux camions au lieu d'un pour livrer le même nombre de véhicules. Soit deux fois plus de gènes et de pollution. C'est ubuesque", détaille un distributeur parisien.
Actuellement, on estime que 1 065 camions porte-huit sont nécessaires chaque semaine pour assurer la livraison de voitures neuves, de location, ou hors d'usage dans Paris intra-muros. Ce qui correspond au traitement de 335 000 voitures chaque année. La substitution de ces porte-huit par de porteurs plus petits impliquerait, selon le groupe de travail, une augmentation des flottes de camions en circulation de 60 %, une majoration des coûts d'acheminement de 35 à 50 % et des émissions de CO2 de 30 %.
Des surcoûts, oui, mais pour qui ?
Pour parer à cette problématique qui semble poser plus de difficultés aux agences de location qu'aux concessions, on s'oriente vers un panel de solutions et non vers une alternative unique. Et quelles que soient ces parades logistiques, cela nécessitera des investissements conséquents. Côté transporteur, avant même la fin de ces expériences, on confie d'ailleurs volontiers que "la faisabilité tant technique qu'économique et l'intérêt environnemental des dispositifs testés restent encore à valider".
"C'est effectivement un beau casse-tête en perspective, mais cela ne change finalement pas grand-chose pour nous puisque nous payons les véhicules livrés. Ce sont donc les constructeurs qui vont devoir payer. Reste à savoir s'ils répercuteront le surcoût", confie un autre concessionnaire parisien. "Nous sommes en phase de réflexion", assurent de concert les constructeurs. Tous attendent, en effet, les conclusions de la réunion qui devait se tenir le 1er juillet entre la mairie et le groupe de travail FNTR-TLF quant à l'avancée des expérimentations (celle-ci n'avait pas encore eu lieu à l'heure ou nous bouclions ce numéro).
Nombreuses sont également les marques à se reposer sur les prestataires eux-mêmes. "Nous n'avons pas la main sur le dossier", nous explique la responsable logistique et approvisionnement d'un constructeur. "Nous nous en remettons aux solutions que nous proposera notre logisticien", poursuit-elle.
On vend à Paris, on livre en petite couronne ?
Afin de satisfaire les loueurs, le groupe de réflexion pense notamment à mettre sur pied des zones de stockage à côté des gares. Pour les distributeurs, deux autres alternatives semblent également faire leur chemin. La première : la livraison des points de vente durant la nuit. On savait les distributeurs parisiens enclins à offrir une amplitude horaire plus importante à leurs clients, ils accueilleront peut-être les prestataires durant la nuit. Toutefois, cela reste fortement hypothétique puisque cela implique que la mairie accorde aux professionnels une levée de l'interdiction hors journée. Une autre solution tient alors davantage la corde. En l'occurrence, expédier les aires de livraisons de l'autre côté du périphérique. Une aubaine pour les constructeurs, puisque moins de sites à livrer, donc moins de coûts. En revanche, un beau mic-mac en perspective si le concessionnaire parisien n'est pas exploitant du site de livraison. A six mois de l'échéance, nul n'a encore arrêté son futur mode de livraison. "Trop tôt", nous assure-t-on.
En outre, un nouvel élément pourrait venir perturber ce qui paraît pour l'heure cousu de fil blanc : la politique. "On ne peut pas laisser passer une interdiction comme celle-là", annonce en effet un membre de l'opposition. "Sur le principe, la préfecture a son mot à dire. Nous ferons en sorte qu'elle le fasse savoir".
FOCUSLes loueurs mènent bataille au CNPA Cette évolution dans la législation des transports régissant la circulation parisienne a forcé le Conseil national des professions de l'automobile à réagir. Aussi, si les branches "distributeurs" et "loueurs" de l'organisation travaillent main dans la main sur le sujet, ce sont les loueurs qui ont pris le problème à bras-le-corps. Les problèmes d'approvisionnement et de régulation des flux entre agences préoccupent en effet les diverses enseignes. Ce qui ne semble pas inquiéter les constructeurs, mais qui montre également comment les concessionnaires se reposent sur les marques qu'ils représentent pour trouver la parade. |
*FNTR : Fédération nationale des transports routiers
**TLF : Transport et logistique de France
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