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Les DSI peuvent-ils piloter la reprise ?

Publié le 15 juin 2015

Par Gredy Raffin
8 min de lecture
Jusqu’à présent leur rôle au sein des concessions est circonscrit à entretenir le parc matériel. Le trait est à peine forcé si l’on en croit les enquêtes. Pourtant, certaines voix s’élèvent pour faire des DSI (directeurs du service informatique) le moteur de l’innovation gagnante.
Jusqu’à présent leur rôle au sein des concessions est circonscrit à entretenir le parc matériel. Le trait est à peine forcé si l’on en croit les enquêtes. Pourtant, certaines voix s’élèvent pour faire des DSI (directeurs du service informatique) le moteur de l’innovation gagnante.

Ils ont fait le déplacement en nombre à l’Automobile Club de France (Paris 8e) le 12 mai dernier. Parmi les convives, se trouvaient notamment des représentants d’entreprises du CAC 40, dont des groupes bancaires. Pour son retour sur scène, ROK a soigné son image. Et ce n’est pas peu dire, puisque l’éditeur dévoilait la nouvelle mouture de sa solution informatique, en très grande partie réécrite par rapport à ce que nous avions découvert en novembre 2010.

L’esprit du produit subsiste néanmoins. Il reste toujours focalisé sur la centralisation des informations afin de faciliter les tâches des collaborateurs. “Notre plate-forme collaborative a essuyé un échec car le marché n’était pas prêt, admet Olivier Bourrouilh, le président de ROK. Nous avons donc décidé d’ajouter des process de travail par poste.” Le nouveau ROK, baptisé “ROK n’Wall”, prend donc tous les paramètres en charge, de la gestion des risques à celle des compétences en passant par les documents de facturation. Cinquante développeurs et 6 millions d’euros ont été nécessaires à la conduite de ce projet d’envergure.

Plus justement, Olivier Bourrouilh, qui s’est entouré de l’expertise de Michaël Tartar, ex-associé de Bearing Point nommé au poste de vice-président Numérique, souhaite apporter un mode opératoire modernisé au sein des entreprises. Si on parle beaucoup de “client-centrisme”, ROK veut ajouter la notion de “collaborateur-centrisme”, soit une vision qui considère chacun des membres de l’équipe comme un individu à part entière dans son métier, ses missions, ses contacts ou encore ses préoccupations. Au cours des dernières années, les réseaux sociaux d’entreprise (RSE) ont tenté de remplir cette mission. Nous en avions fait état en janvier 2013. “Il n’existe aucun exemple de succès, rappelle le président de ROK. Les RSE ne se prêtent pas au process métier et à la gestion des droits. Ils ont un effet annihilant”, juge Olivier Bourrouilh.

Les DSI loin de l’innovation

ROK s’adresse à deux types de cibles : les cabinets de conseil qui feront la promotion du produit et les entreprises matures sur les sujets des réseaux sociaux. Dans l’automobile, les TPE-PME, qui ont des problématiques de multiplicité de DMS, et donc des problématiques de lecture et de partage des informations, y trouveront un intérêt si les constructeurs aident à l’implémentation. “Il devient impératif de créer un espace agnostique où tous les DMS communiquent”, défend-on comme idée.

Surtout, ROK rejoint d’autres éditeurs informatiques. Olivier Bourrouilh s’intéresse à la question de l’effort de digitalisation des entreprises. Non pas au travers du prisme de la relation aux clients, mais entre les employés eux-mêmes. Ce qui profite indirectement au client, en bout de course.

Il y a quelques mois à peine, Deloitte pointait aussi ce fait dans son étude annuelle, CIO Survey. Le cabinet avait sondé 900 directeurs de service informatique (DSI), dans 49 pays. A travers sa synthèse d’analyse, Sébastien Ropartz, associé de Deloitte Conseil, mettait en lumière le rôle des directions de service informatique (DSI) et leur importance. En 2013, “nous nous intéressions à l’efficacité des DSI en tant que partenaires métiers et à leur besoin de renforcer leur leadership pour peser davantage au sein du comité exécutif, rappelle l’expert. Cette année (2014, N.D.L.R.), nous avons étendu notre analyse pour nous intéresser au rôle du DSI en tant que moteur de la croissance à travers l’innovation. Nous explorons en particulier l’idée du DSI vu comme un capital-risqueur, une tendance intéressante que nous avons également développée dans notre rapport Tech Trends 2014”.

Le DSI, moteur de la croissance. Une notion intéressante à envisager dans un contexte de reprise des investissements au sein des entreprises et d’une incontournable “cross-canalisation” des relations aux clients. Toutefois, comme un paradoxe, 55 % des budgets des directions de service informatique sont alloués à la maintenance de l’élémentaire, selon les enquêtes, ne laissant que 45 % de ressources financières à des projets de croissance (22 %) et de changement (23 %) de l’entreprise. Comme un paradoxe aussi, les directions marketing, digitales ou bien “data”, intimement liées aux capacités IT, montent plus vite en puissance au sein des comités exécutifs, d’après le rapport d’analyse de Deloitte.

Epine dorsale

Plus de sept DSI sur dix expliquent que leur priorité est de répondre aux nouveaux besoins métiers de l’entreprise. S’ils se sentent de plus en plus en mesure de remplir cet objectif, ils estiment à 38 % que les responsables métiers auxquels ils s’adressent adoptent une attitude qui empêche de réaliser des investissements IT plus risqués.

On peut y voir une forme de prudence face à une débauche de technologies, souvent éphémères. Si les applications mobiles, les réseaux sociaux et la collecte de mégadonnées entrent dans les mœurs, si la notion de “cloud” est mieux comprise, la réalité augmentée et la gamification ont une notoriété très limitée au sein des sociétés. La France a ses spécificités. Le cabinet Deloitte rapporte qu’à la différence d’autres pays, la réduction des coûts IT et la restructuration du modèle opérationnel restent des priorités pour les DSI français, respectivement en 3e et 4e positions de leurs agendas 2014. Malgré cela, ces derniers restent ouverts aux sujets très innovants et se montrent plus enclins à se lancer dans la gamification et la réalité augmentée. Le numérique prend encore plus d’importance pour les répondants français que pour leurs collègues internationaux, mais le niveau d’adoption des outils d’analyses demeure en retrait.

Dans l’automobile, il y a une considération croissante du métier de directeur de service informatique. Lors d’une prise de parole dans le cadre du Club Team Auto, le 11 mai dernier, le président de Volkswagen Group France, Jacques Rivoal, qualifiait l’informatique d’”épine dorsale”. Le contexte leur est favorable et cette appréciation se transforme en confiance.

“Empêcheurs de tourner en rond”

Cela reste moins évident dans les concessions, où l’informatique est encore en partie sous-traitée à l’extérieur, comme au sein des groupes Cobredia et Pautric, entre autres nombreux exemples. “Nous avons fait ce choix stratégique pour nous affranchir de la technique et ne conserver que le décisionnel. Il n’y a donc pas de direction de service informatique à proprement parler, mais un responsable des achats en charge d’instaurer une logique de plaque”, explique un porte-parole au sein du groupe Pautric. A défaut d’attribuer un budget spécifique à l’innovation, celui-ci mène une politique prononcée d’entretien et d’acquisition des nouveaux outils du marché. “Nous confions l’innovation aux constructeurs et aux éditeurs. Notre rôle de concessionnaire est de donner des pistes de réflexion”, poursuit le responsable.

“Je connais très peu de DSI qui font partie du comité exécutif”, glisse Didier Pouillart, consultant reconnu dans les réseaux de distribution. Ce qui n’empêche pas certains groupes de réviser leurs positions et d’envisager la création d’un poste avec un rôle décisionnel. “Nous y voyons un moyen de nous affranchir en partie des directives du constructeur, confie le porte-parole d’un grand groupe multimarque français. Les nouveaux outils et méthodologies forcent à une réorganisation, et nous arrêterons bientôt notre feuille de route.”

Les DSI, quant à eux, jugent encore mal leur fonction. “Nous sommes perçus comme des empêcheurs de tourner en rond”, observe l’un. “Nous symbolisons un poste coûteux et non fonctionnel”, reprend un autre. Si le premier se satisfait de pouvoir apporter des idées, le second se présente comme plus timoré : “Il y a du mieux, mais nous n’avons pas encore un véritable droit de parole. Or, une grande partie des problèmes découlent du manque de formation des utilisateurs, non des limites techniques des outils.”

La technicité, justement. Entre les outils de d’analyse (BI) – qui ne décollent pas dans les concessions – et la volonté de mettre en place des CRM à l’échelle de groupe, le besoin en compétences devient pressant. A ce jour, les organisations ne sont pas réellement prévues pour favoriser l’évolution. “Les DSI restent des exécutants, ils doivent être considérés en tant qu’intégrateurs”, recommande Olivier Guigou, fondateur du cabinet de conseil eMutance.

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Le mot de Kosi Vuti - directeur IT Management & Digital de Midrange

“Je suis agréablement surpris du gain de maturité de mes interlocuteurs – les présidents et directeurs généraux – au cours des vingt-quatre derniers mois. Ils font nettement la part entre la transition digitale et la transformation digitale, engageant de profondes réflexions sur les modifications de processus et d’organisation à opérer afin de mieux répondre à leur clientèle.

La hausse de la productivité découlant de la digitalisation d’un distributeur pourrait générer du chiffre d’affaires additionnel, à la condition que les managers s’engagent tous dans une stratégie volontariste de refonte de certains processus métiers (VN, VO, APV, PR, etc.).

La résistance au changement, de manière globale, s’oppose à la dynamique. Ce qui n’est pas une spécificité du secteur automobile. J’identifie deux freins : la non-appartenance à la génération C (Connected) et la sous-estimation des efforts (humains, techniques, etc.) pour amortir des changements dont le ticket se facture entre 10 000 et 120 000 euros selon les cas.”
 

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