Leasing social : ça patauge sur le parcours client
Depuis le 15 novembre 2023, la question taraude les professionnels de l'automobile. Pourquoi le décret donnant le top départ au leasing, pourtant promis par le gouvernement, n'est toujours pas publié ? Certes, les voitures éligibles ne sont pas nombreuses.
Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a clairement cité la Renault Twingo électrique, la Fiat 500 électrique ainsi que la future Citroën ë-C3, lors de la journée de la filière automobile le 24 octobre 2023. Quelques professionnels évoquent même la possibilité d'intégration de la Megane électrique qui pourrait apparaître avec un loyer à 145 euros par mois.
Le nombre de dossiers envisagés n'est pas non plus très élevé avec une évaluation à 20 000 dossiers. L'État travaille sur l'hypothèse d'une subvention maximale de 13 000 euros dont le montant du futur bonus, qui n'a pas encore été dévoilé, basé sur le score environnemental.
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Actuellement de 7 000 euros, celui-ci pourrait passer à 8 000 euros. Seuls les ménages à revenus modestes (les cinq premiers déciles des foyers imposés, dont le revenu ne dépasse pas les 14 000 euros, soit environ 50 % des Français), pourront en bénéficier.
Sur le papier, tout semble donc décidé. Y compris le type de financement puisque le leasing social pourra être accordé par le biais d'une location avec option d'achat ou d'une location longue durée.
Qui va faire l'avance de ce bonus ?
Les choses se compliquent dans l'exécution de ce contrat de leasing social. Car les deux types de financement, LOA et LLD, impliquent deux catégories d'acteurs dans la signature du contrat. D'une part, les distributeurs automobiles qui, dans la grande majorité des cas, sont à l'origine du contrat de financement, mais aussi les loueurs longue durée qui sont les spécialistes aujourd'hui de la LLD.
Chacune des deux parties devront donc faire l'avance de l'octroi du bonus pour le compte du client avant de se faire rembourser par le gouvernement. Si le concessionnaire fait déjà l’avance du bonus dans le cadre des locations, il lui sera plus complexe d'appliquer le leasing social. En effet, les loueurs et les sociétés de financement s’engagent par convention avec l’État, ce qui n'est pas le cas des concessionnaires pour ce dispositif.
Les distributeurs automobiles et loueurs longue durée interrogés par nos soins attendent d'en savoir un peu plus sur le fonctionnement de cette avance de bonus et surtout sur la sécurisation du parcours client. "Nous sommes habitués à réaliser une avance du bonus automobile pour le compte de clients. Sur le principe, pourquoi ne pas continuer ainsi. Mais à condition que le parcours lié au remboursement ensuite par l'ASP, l'Agence de services et de paiement, soit simple", nous indique ce professionnel.
Les loueurs longue durée semblent se ranger à cet avis. "Si le parcours du client est fluide, nous n'y voyons pas d'objections mais celui-ci doit être très sécurisé car nous devrons collecter des données très personnelles", avance un acteur du secteur.
L’État, toujours mauvais payeur
Les deux parties pointent du doigt notamment le fonctionnement des avances faites sur l'attribution du bonus. Un groupe de distribution de taille moyenne affiche, en permanence, une avance de trésorerie d'environ deux millions d'euros, en attente de remboursement. Un calcul sommaire fait état d'un budget de 250 millions d'euros avancés par les concessionnaires sur l'ensemble du territoire.
"C'est de l'argent que nous prêtons gratuitement à l’État et que nous ne sommes pas toujours certain de récupérer dans l'intégralité. Si par hasard, une erreur s'est glissée dans un dossier, l'ASP ne rembourse pas", râle ce concessionnaire.
Et les erreurs sont légions. Le bonus n'est accordé que si le véhicule est neuf et si l'automobiliste garde le véhicule pendant trois ans (depuis le 1er janvier 2023). Dans le cas du leasing social, il faudra en plus ajouter les avis d'imposition...
Sans parler des accidents de la vie qui peuvent subvenir pendant les trois années de détention de la voiture. Par exemple, le décès d'un automobiliste durant cette période entraîne de fait une mutation de carte grise. Une cession qui sera imputée au distributeur avec la sanction immédiate du non-remboursement.
"L'ASP réalise de plus en plus de contrôles et croise les fichiers des immatriculations entre les voitures neuves et d'occasion. Si l'agence se rend compte qu'un véhicule neuf ayant obtenu un bonus est revendu en occasion dans ce délai, le bonus n'est pas remboursé", explique un autre professionnel. "Un concessionnaire ne peut pas subir la perte du bonus si le bénéficiaire perd son emploi, décède ou voit son véhicule détruit."
Les loueurs longue durée ne sont pas mieux lotis. Actuellement, ils font l'avance du bonus pour leurs clients professionnels et transmettent en flux, chaque demande de remboursement à l'ASP.
Mais dès le 1er janvier 2024, ce traitement sera remplacé par des demandes unitaires, au même titre que les concessionnaires. "Toute la facilité dans notre process va disparaître. Ce sera un véritable parcours du combattant. La facilité et la sécurisation du process de traitement doivent être assurées", ajoute un loueur.
Sans compter les lourdeurs habituelles de l'ASP. La plateforme de dépôt des dossiers n'est généralement pas accessible sur les premiers mois de l'année. Le temps de la mise à jour des conditions du bonus qui changent chaque année.
Et souvent, dès le début de l'automne, l'agence indique clairement que le budget alloué au versement du bonus est utilisé et qu'il faudra attendre l'année suivante pour obtenir les remboursements... Quand l’État exige des constructeurs des délais de paiement rapides pour les fournisseurs, la demande ne s'applique visiblement pas à lui-même.
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