Francis Bartholomé, Mobilians : "Nous demandons un plan de transformation pour nos entreprises"
Journal de l’Automobile : Quelles sont les motivations qui ont conduit le CNPA à se muer en Mobilians ?
Francis Bartholomé : Cette transformation a pour origine une réflexion en interne sur la manière dont le CNPA souhaitait se projeter dans les années à venir. Nous devons continuer à évoluer, mais nous devons également nous tourner vers le client final, le grand public. Si nous ne pouvons pas toucher l’automobiliste, alors nos messages ne peuvent être diffusés dans leur intégralité. L’idée de changer notre nom vient de là. Puisque nous avions fait évoluer nos métiers vers ceux de la mobilité, notre nouvelle marque devait faire ressortir ce terme sans oublier le passé. Notre choix s’est arrêté sur Mobilians, qui est un nom plus simple à communiquer et qui met également en évidence la notion d’alliance qui nous définit. Nous allons fortement développer notre communication Internet auprès du grand public, notamment sur les réseaux sociaux.
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J.A. : Quels sont vos axes de travail pour l’année qui démarre ?
F.B. : Le maître mot de cette nouvelle année sera la transformation. Avec en premier lieu, la mutation énergétique. Celle‑ci a des conséquences sur la constitution du parc roulant et la capacité du grand public à acheter des véhicules neufs. À ce propos, nous allons monter le ton. Nous sommes dans notre rôle en portant le sujet du réchauffement climatique. Personne ne le nie et c’est une évidence. Mais nous devons être suffisamment raisonnables sur cette question et ne pas vouloir renverser la table trop vite en créant plus de problèmes économiques et sociétaux. Cette trajectoire entraîne une division dans la société sur la capacité des Français à acheter une voiture demain. Le mouvement commence à inquiéter, y compris les hommes politiques. Les opinions évoluent sur la volonté de la Commission européenne d’arrêter les véhicules thermiques. Certains pays n’accéderont jamais à la voiture électrique et il se construira toujours des moteurs thermiques dans le monde. Se dire que la France va fermer des usines alors que la demande en motorisations thermiques en dehors de l’Europe va croître est une grave erreur. Notre pays ne doit pas lâcher les industriels sur ce sujet, ni sur celui des hybrides rechargeables. Nier les énergies alternatives sous prétexte de vouloir montrer l’exemple au reste du monde est la plus grande stupidité qui soit. D’autant que la France ne produit que 0,9 % du CO2 mondial. Arrêtons de nous sacrifier !
J.A. : D’autres dossiers sont en cours à Bruxelles et notamment le contrat d’exemption pour la distribution. Comment vous positionnez‑vous ?
F.B. : Nous allons essayer de prouver, et nous en avons déjà débattu avec le Premier ministre, qu’il est anormal que des chefs d’entreprise qui investissent à la demande des constructeurs se voient être résiliés dans un délai de deux ans et sans justification. Nous avons le sentiment d’être entendus notamment sur un environnement plus protecteur en France, comme il en existe en Allemagne ou dans d’autres pays européens. Il semblerait assez logique d’avoir un cadre en France qui équilibre les relations contractuelles au regard des investissements consentis. Lors de la dernière révision du règlement européen d’exemption, la Commission avait clairement dit que les États membres pouvaient légiférer pour une protection plus importante. Or, la France ne l’a jamais fait. D’autres dossiers sont bien sûr également à l’ordre du jour, notamment sur la taxation du CO2 à la frontière ou encore l’accès aux données. Sur le plan national, Mobilians est à l’origine d’un événement qui va réunir toute la filière, le 14 mars prochain et dont l’objectif est d’auditionner tous les candidats à l’élection présidentielle.
J.A. : Quels seront les impacts du paquet Climat que veut instaurer la Commission européenne sur les métiers des services de l’automobile ?
F.B. : Nous envisageons en premier lieu un très fort impact social et sur plusieurs plans. Le paquet "Fit for 55" risque d’avoir pour conséquence de maintenir le marché à un niveau très bas, car les véhicules électriques affichent un prix élevé. L’année 2021 situe déjà le marché automobile à ‑ 20 % par rapport à l’année 2019. Si la baisse devient structurelle, il est à craindre une perte des effectifs de vendeurs, ainsi qu’une chute de l’après‑vente. D’autre part, l’accélération de la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) - 43 % du parc roulant actuel n’aura plus l’autorisation de circuler dans les villes de plus de 150 000 habitants à compter de 2024 - devrait avoir pour effet une contraction du chiffre d’affaires en matière d’entretien‑réparation automobile. L’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications avance une chute de 7 milliards d’euros (‑ 15 %) entre 2020 et 2035 et des dépenses moyennes par véhicule qui s’affaissent de 19 %. Le tout faisant craindre une perte jusqu’à 70 000 emplois de services dont 25 000 dans la vente et 25 000 dans l’après‑vente automobiles, selon l’étude que nous avons commandée au cabinet Advancy. L’entretien‑réparation et les stations‑service seront durement touchés.
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J.A. : Comment réagit le gouvernement à ces prévisions ?
F.B. : Nous ne sommes pas encore arrivés à nous faire entendre à Bercy sur le sujet des entreprises de services. Trop souvent, quand on pense auto‑ mobile, on pense industrie. La France soutient financièrement des sociétés qui délocalisent et nos entreprises qui produisent de la richesse localement ne sont pas ou peu aidées.
J.A. : Pourtant, vous avez obtenu des fonds pour déployer des bornes de recharge chez les professionnels.
F.B. : C’est vrai, nous nous sommes battus pour la création d’un fonds copiloté par l’Avere et Mobilians, d’un montant de 30 millions d’euros, pour développer les bornes de recharge dans toute la profession : les concessions, les stations‑service… mais il ne répond que très partiellement à l’évolution des entreprises concernées. Pour relever les défis structurels et de transformation des services de l’automobile, nous demandons depuis plusieurs mois un plan de transformation global adapté au tissu de TPE et PME, à l’image de ce qui a été déployé pour l’industrie et les sous‑traitants automobiles
J.A. : En quoi consiste ce plan ?
F.B. : Nous demandons la création d’un fonds de modernisation pour les milliers de PME qui vont devoir investir dans la digitalisation, la transition écologique, le recyclage, pour accompagner les tendances qui les impactent et préserver leur activité. Ce fonds pourrait soutenir plusieurs types de projets, sur la base d’un financement de 100 millions d’euros. À ce titre, la transformation du réseau de stations‑service est essentielle. La désertification, à l’œuvre depuis plusieurs années, risque de s’amplifier face aux mutations des mobilités. La décarbonation du secteur des transports entraînera mécaniquement une diminution des ventes de carburants fossiles. D’ici à 2035, elles pourraient enregistrer une perte de 50 à 80 % de leurs profits. Or, elles auront vocation à être les points de recharge des mobilités électriques et, demain, à hydrogène. De la même manière, la modernisation des carrosseries constitue un enjeu majeur avec le renouvellement des anciennes cabines de peinture, très énergivores. Digitaliser les centres VHU est également indispensable pour assurer une réelle traçabilité et moderniser les process industriels.
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