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Entretien Guillaume Rosenwald, directeur délégué à la direction assurances dommages de la Macif : "Nos négociations sur les taux horaires sont le résultat de la pertinence de nos statistiques"

Publié le 24 février 2006

Par Alexandre Guillet
9 min de lecture
Leader français sur le marché de l'assurance automobile et archétype de "la mutuelle à la française", la Macif gère un nombre important de sinistres. Et se penche donc attentivement sur la maîtrise des coûts de réparation. Où il est alors question de taux horaires, de prix des pièces...
Leader français sur le marché de l'assurance automobile et archétype de "la mutuelle à la française", la Macif gère un nombre important de sinistres. Et se penche donc attentivement sur la maîtrise des coûts de réparation. Où il est alors question de taux horaires, de prix des pièces...

...ou de prise en charge des services. Visite de ce terrain miné avec Guillaume Rosenwald.


Journal de l'Automobile. Par rapport à la problématique du contrôle du coût moyen de sinistre, quel est, à vos yeux, le système de gestion de sinistres idéal vers lequel il faut tendre ?
Guillaume Rosenwald. Je ne pense pas qu'il existe de système idéal, de solution universelle. Chaque assureur, chaque mutuelle, doit tenir compte de sa taille et de son histoire avant d'affirmer un positionnement donné. A la Macif, nous pouvons notamment nous appuyer sur une implantation régionale très forte et sur un tissu relationnel de longue date, principalement avec les experts. Cette pérennité n'est pas étrangère au fait que nous parvenions à contrôler les coûts moyens de réparation et par extension, à contenir, voire à baisser, le coût de cotisation des sociétaires. Bref, nous parvenons à gérer ce paramètre et nous n'avons donc aucune raison de nous diriger vers un système de plate-forme nationale. La donne est bien entendu différente pour des acteurs comme les bancassureurs ou les spécialistes de la vente directe.


JA. Quel regard portez-vous sur l'émergence de plates-formes de management d'accident de type Nobilas par exemple ? Le concept pourrait-il vous séduire ?
GR. Non, pas à la Macif. D'une part parce que cela créerait un hiatus dans le contrat éthique que nous nouons avec nos sociétaires, salariés et partenaires. Et d'autre part, pour des raisons de logique stratégique. Je m'explique : à long terme, cela peut détruire notre métier. Et nous n'avons aucun intérêt à sous-traiter notre métier et notre valeur ajoutée.


JA. Aujourd'hui, vous vendez des contrats d'assurance et gérez des sinistres, pouvez-vous aller plus loin au niveau des achats de pièces ou de l'intégration des réparateurs par exemple ?
GR. Ce sont des sujets que nous étudions régulièrement au sein de la Macif… Mais d'une manière générale, je pense que chacun doit rester à sa place et faire son propre métier. Donc il n'est pas question d'intégrer les réparateurs. D'ailleurs, les expériences qui ont été tentées dans ce domaine n'ont pas toujours été très heureuses… Par ailleurs, si on prend la question des pièces, il va de soi qu'au vu de notre taille, nous pourrions intervenir au niveau des achats et de leur organisation. Mais nous ne voulons pas imposer tel ou tel système aux réparateurs. Ce n'est pas dans la culture des rapports que nous entretenons les uns avec les autres. Le réparateur agréé reste le maître à bord en matière de technique et c'est aussi de son ressort de gérer sa marge sur les pièces.


JA. Dans une optique similaire, le principe des carrosseries blanches, dédiées à la centralisation du traitement des gros chocs, vous semble-t-il pertinent ?
GR. Pour le coup, ce n'est vraiment plus dans le cadre de notre métier ! Et puis, le problème n'est




CURRICULUM VITAE

Guillaume Rosenwald


Issu de la promo X-1988, il fait ses débuts chez GMF Assurances, avant de rejoindre le groupe GAN. En 1994, il est promu responsable assurance automobile chez GAN Assurance France. En 1998, il rejoint la Fédération Française des Sociétés d'Assurance. Il intègre la Macif en 2005 et reste président du SRA.

pas si simple. En effet, à la Macif, notre réseau est très contrasté avec d'un côté des succursales et des grosses concessions et de l'autre, des petites entreprises indépendantes. Nous devons en tenir compte. D'autant que si nous souhaitons nous appuyer davantage sur des structures de taille intermédiaire, nous voulons conserver les MRA. En somme, ce principe ne nous paraît pas adéquat et je n'évoque même pas les problématiques de réparabilité des gros chocs.


JA. Avant d'entrer dans le volet technique du coût moyen de réparation, ouvrons une parenthèse : sur le sujet économiquement sensible du VEI, parvenez-vous toujours à un bon encaissement des valeurs d'épaves ?
GR. Comme vous le savez, pour le VEI, nous procédons sur la base d'un système duel : réseau national et réseau régional. Donc soit avec une offre directe, soit avec un appel d'offres selon des critères économiques. Et aujourd'hui, nous vendons toujours nos épaves à un prix satisfaisant aux démolisseurs, même avec les nouvelles contraintes liées aux techniques de retraitement.


JA. Quelles sont, de votre point de vue d'apporteur d'affaires, les variables qui font sens pour une bonne maîtrise du coût moyen de réparation ?
GR. Toutes ! Nous ne nous focalisons pas sur des éléments isolés et nous regardons tout. Au plan national comme au plan local. Ce qui nous permet de disposer de statistiques fiables sur chaque réparateur, chaque expert. Par exemple, nous sommes à même de mesurer les écarts entre le prix facturé des pièces et leur prix théorique ou entre les heures facturées et les heures théoriques. Nos méthodes d'écrêtement rendent notre suivi très fiable, même pour des entreprises qui n'effectuent qu'un nombre réduit de missions pour notre compte. Bref, nous avons vraiment un bon outil pour maîtriser le coût moyen de sinistres. A une époque, comme d'autres, nous avons peut-être trop négocié sur les heures… Mais aujourd'hui, nous allons vers un équilibre plus subtil. Et sur cette base, nous pourrons mieux travailler avec les réparateurs.


JA. Puisque vous évoquez les taux horaires, que répondez-vous aux réparateurs qui vous accusent d'être des "étrangleurs" ?
GR. Comme je le disais à l'instant, nous avons peut-être trop joué sur ce levier à une période, mais dans l'absolu, nous n'avons pas exagéré. Mais dans certains cas, des réparateurs ont accepté des taux horaires en dessous de leur prix de revient pour mieux se rattraper sur les pièces. D'où un transfert des charges un peu incongru : plus ils travaillaient, moins ils gagnaient… D'où, pour d'autres raisons aussi, une certaine opacité sur les marges réelles sur les pièces… Opacité qui a nui à certains, profité à d'autres… Bref, nous ne pouvons pas être qualifiés d'étrangleurs ! Je sais que nous sommes perçus comme les plus durs, mais je pense que cela est lié au fait que nous sommes l'apporteur d'affaires le plus important de l'Hexagone. Mais nos négociations sur les taux horaires sont le résultat de la pertinence et de la précision de nos statistiques et dans ce cadre, nous prenons en compte la bonne information.


JA. L'enjeu des négociations sur les taux horaires soulève indirectement la question du développement des services et de leur prise en charge financière : est-ce au réparateur d'assumer intégralement ce que l'on appelle parfois les "nouveaux services", comme le véhicule de remplacement par exemple ?
GR. Nous estimons que c'est au réparateur d'en assumer la charge. Et le véhicule de remplacement est effectivement un bon exemple. Ensuite, c'est aussi au réparateur de l'intégrer dans sa gestion et donc, dans la remise qu'il négocie avec nous. En somme, contrairement à d'autres apporteurs d'affaires, nous ne sommes pas favorables à la facturation séparée.


JA. Autre composante importante du coût de la réparation : les pièces de rechange et notamment les pièces de carrosserie. Attendez-vous beaucoup de l'éventuelle libéralisation du marché de la pièce de carrosserie ?
GR. Non, pas forcément. Déjà, il ne se passe pas grand-chose actuellement sur ce dossier… En outre, si vous prenez l'exemple du marché italien, marché libéralisé, vous constatez un différentiel prix de l'ordre de 15 %. Ce n'est pas négligeable, mais cela perdurera-t-il vraiment ? Les constructeurs ne vont-ils pas alors baisser le prix de certaines pièces de carrosserie pour en augmenter d'autres ? En tout état de cause, si le marché s'ouvre, nous resterons prudents. Nous resterons focalisés sur le respect de trois éléments clés : la qualité, le développement des fonctions de sécurité des pièces, comme le choc piéton par exemple, et enfin, la dimension sociale de la pièce. Nous ne voulons pas de pièces produites dans des pays lointains dans des conditions de




FOCUS

Chiffres clés


  •  Nombre de véhicules en portefeuille : 5 450 000

  • Part de l'assurance auto dans CA du groupe : environ 45 %

  • Nombre de sinistres gérés : environ 700 000

  • Nombre de vols enregistrés : environ 60 000

  • Coût moyen de sinistre : NC

  • Taux d'orientation vers réparateurs agréés Macif : > 55 %

  • Cotisation 2006 : baisse moyenne de 2,7 % (- 0,5 % mini/- 4,6 % maxi)
  • travail indignes.


    JA. Vous évoquez les fonctions de sécurité des pièces. N'êtes-vous pas inquiets de constater que certains constructeurs profitent de cet argument pour rendre certaines pièces, comme les pare-chocs justement, plus difficiles à réparer et surtout plus chères à changer ?
    GR. Nous sommes vigilants et par l'intermédiaire des travaux de SRA, définition et étude de classes de réparabilité comme les chocs avant et arrière à 15 km/h par exemple, nous pouvons identifier d'éventuels abus. Grâce à cet outil, la profession peut maintenir les constructeurs dans le champ du raisonnable.


    JA. Afin de réduire les coûts, préconisez-vous l'utilisation de pièces "équipementiers" plutôt que "constructeurs" à vos réparateurs agréés ?
    GR. Comme je le disais tout à l'heure, nous ne souhaitons pas faire d'ingérence dans les affaires des réparateurs. En outre, la différence de prix entre ces deux familles de pièces est somme toute réduite, de l'ordre de 5 %. Cependant, nous avons une mission d'information à tenir. En fait, nos réparateurs ont bien entendu le droit d'utiliser des pièces "équipementiers", mais cela doit apparaître clairement.


    JA. D'une manière générale, la pièce et les économies que l'on peut dégager sur ce poste se heurtent aujourd'hui au problème de la traçabilité : ne craignez-vous pas un risque de dérives dans les années qui viennent ?
    GR. Soyons clairs : s'il y a facturation de pièces d'origine pour autre chose, c'est le réparateur qui est responsable. Et c'est son agrément qui est en jeu. Dans une perspective plus large, c'est vrai que les sujets de la traçabilité et du marquage des pièces nous inquiètent. Car nous avons bien entendu quelques moyens de contrôle, mais c'est techniquement insuffisant…


    JA. Toujours au chapitre de la réduction du coût moyen de sinistres, comptez-vous influer sur le marché du bris de glace, un marché majoritairement détenu par Carglass et sur lequel des économies sont assurément réalisables ?
    GR. Ce marché n'est pas encore mature et souffre d'une concurrence insuffisante. La Macif n'a pas pour vocation d'intervenir directement sur ce marché, mais à l'instar d'autres apporteurs d'affaires, nous pouvons jouer un rôle d'aiguillon. D'autant que les coûts de publicité de certains acteurs deviennent insupportables pour nos sociétaires… Bref, nous n'excluons pas d'être contraints à retirer l'agrément à certains centres Carglass.


    JA. Pour conclure, pensez-vous que des modèles simples et low-cost comme la Logan par exemple, peuvent favoriser une baisse du coût moyen de réparation ?
    GR. Peut-être, je ne sais pas… Nous manquons encore de recul pour avoir un jugement fiable. En revanche, nous nous inquiétons de voir ce type de véhicules engendrer des réseaux de vol organisés vers des filières de l'est et nous sommes très vigilants sur d'éventuels dérapages.


    Propos recueillis
    par Alexandre Guillet


    "Retrouvez ce n° en kiosque jusqu'au 27 avril"

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