Entretien avec Armelle de Clermont Tonnerre, responsable du marketing événementiel de Kia Motors
...de l'Automobile. Comment devient-on responsable du marketing d'un constructeur automobile ?
Armelle de Clermont Tonnerre. Mon parcours est assez atypique, car je n'ai pas du tout de formation liée à la communication et l'événementiel. En 1979, après mon bac, je suis entrée en prépa HEC, mais cela n'a rien donné. Je me suis alors tournée vers les langues, pour la sensation de liberté qu'elles procurent. J'ai intégré une formation de traductrice-interprète Anglais et Allemand, entre 1980 et 1984. Et c'est justement grâce à ma maîtrise de l'Allemand que j'ai débuté ma carrière professionnelle chez Mercedes en 1985.
JA. Travailler dans l'automobile n'était donc pas un choix délibéré de votre part ?
A de CT. C'est un hasard total. A l'époque, Peter Kostka, chez Mercedes, voulait absolument quelqu'un parlant allemand pour son équipe de communication. Je suis devenue assistante de l'attachée de presse, puis je suis entrée chez Chrysler, où je suis restée six années. Ce n'est qu'en 1996 que j'ai rejoint Honda.
JA. Allemands, américains, japonais : trois nationalités pour trois mentalités différentes ?
A de CT. Oui, c'était particulier, mais surtout très intéressant chez les Japonais. J'ai mis quelques mois, à obtenir leur confiance en tant que femme. J'ai pris le poste de responsable publicité et
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promotions, la direction du marketing pour les lancements des modèles CR-V et HR-V. Mais en 1999, Mitsubishi m'a embauchée comme directrice de la communication, en charge de la pub, la promotion et les relations presse.
JA. Vous avez eu, jusque-là, un parcours très riche, qu'est-ce qui vous motive ?
A de CT. Je suis une femme de challenges. J'aime me surpasser pour créer quelque chose. C'est beaucoup plus motivant que de faire vivre quelque chose qui existe déjà. Quand j'ai quitté Mitsubishi, j'ai rejoint Matra, en 2002. Ce fut à la fois fabuleux et extrêmement difficile car nous savions, à ce moment, que la fin était inéluctable. J'ai appris à encaisser les coups, à savoir communiquer le positif d'une situation de crise... Et tout s'est arrêté, au bout d'un an.
JA. Vous faites alors votre entrée chez Kia, où vous êtes aujourd'hui...
A de CT. Après une courte période chez Europcar, j'ai intégré Kia, qui créait sa filiale en France. Ils m'ont d'abord proposé un CDD et, comme le Mondial 2004 approchait à grands pas, je me suis occupée de préparer le Salon, puis le sponsoring du Trophée Andros. Cela fait maintenant 3 ans, et mes attributions vont bien au-delà de la promotion de la marque. Je retrouve ici les 3 moteurs de ma vie professionnelle : les défis, la création et le fait de se dire que la marque n'en est encore qu'aux étincelles avant l'explosion.
JA. Quels sont, dans votre métier, les avantages d'être une femme ?
A de CT. Le milieu de l'auto en général était encore très masculin il y a quelques années, mais cela a beaucoup évolué. Je pense que les femmes, apportent beaucoup dans une entreprise, par une vision plus pragmatique des choses. Elles ont également un côté modérateur. Les réunions où des femmes siègent sont toujours plus calmes, il y a toujours plus de retenue de la part des hommes.
JA. Kia est-elle une entreprise mixte ou plutôt masculine ?
A de CT. Nous sommes aujourd'hui une soixantaine dans la structure. Maintenant, la mixité est bien présente, sans que la parité soit totale. L'école de formation est dirigée par une femme et il en va de même pour l'administration du réseau et la logistique.
JA. Trouvez-vous facile de travailler avec des hommes ? Et avec des femmes ?
A de CT. Je crois que le respect des hommes envers les femmes passe par la fonction qu'elles occupent. Dans la communication par exemple, une femme est reconnue et sa légitimité n'est, en général, pas contestée. A l'inverse, si l'on fait venir une femme aux ventes, à l'après-vente, ou même au produit, c'est-à-dire aux commandes de sujets historiquement et typiquement masculins, là, elle a plus de mal a s'imposer, et doit faire ses preuves pour être crédible. Chez Honda, par exemple, je n'ai jamais été remise en cause en tant que Responsable publicité et promotions. En revanche, en tant que responsable marketing, on m'a fait confiance par défaut.
JA. Quel est votre pire souvenir de travail ?
A de CT. C'est sûrement d'avoir eu à virer des gens. Et c'est peut-être aussi là qu'une femme est plus sensible qu'un homme : elle anticipe davantage les dégâts qu'une perte d'emploi peut provoquer. Et puis il y a aussi le gâchis de l'Avantime...
JA. Quel regard portez-vous sur l'évolution de la femme dans l'entreprise ?
A de CT. Voir Florence Parisot à la tête du Medef suffit à prouver que les mentalités changent. Pour moi, cela montre que l'accession d'une femme à un poste important n'est plus un sujet tabou, et son exemple profite sûrement à toutes les femmes dans le monde du travail. On lui reconnaît désormais certaines vertus ou valeurs.
JA. Et sur la candidature de Ségolène Royal ?
A de CT. Sur le fond je trouve cela très bien. On ne devrait même pas être étonnés qu'une femme se présente à la Présidence de la République. En Allemagne, lorsque Angela Merkel a été élue, personne n'a trouvé cela bizarre. En France, nous avons encore besoin de disserter sur sa condition de femme, en plus de ses convictions. Mais il ne faudrait pas qu'une femme soit élue juste parce qu'elle est une femme.
Propos recueillis
par Frédéric Richard
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