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Entre méfiance, bras de fer et interdépendance ?

Publié le 4 mars 2014

Par Armindo Dias
5 min de lecture
Les relations entre les groupes de distribution et les sociétés de financement sont tout sauf un long fleuve tranquille.
Patrick Bailly, président du CNPA.

Les relations entre les groupes de distribution et les financières ne sont pas franchement au beau fixe. Pour preuve : le CNPA n’a reçu à ce jour qu’une seule réponse au courrier qu’il a envoyé en début d’année à six grandes banques et à leurs financières automobiles pour leur demander si elles cherchaient à se désengager du secteur (il a été envoyé au Crédit Agricole, à la Société Générale, au LCL, à la Banque Populaire, à la BNP et au CIC). “Des adhérents nous avaient fait part de leurs difficultés de plus en plus grandes à obtenir des encours auprès de leurs partenaires bancaires”, explique Patrick Bailly, le président du CNPA. Résultat : certains membres du CNPA – surtout des agents et des MRA – ont désormais des difficultés de trésorerie. Au cours de l’exercice écoulé, plus de distributeurs se sont aussi vu imposer des délais d’attente plus longs et ont dû fournir des garanties plus importantes pour toutes leurs demandes de financement. “Certaines banques ont demandé des prévisionnels à cinq ans !”, souligne Olivier Lamirault, le président de la branche concessionnaire VP du CNPA. Cela ne doit pas surprendre pour autant.

Les établissements bancaires doivent respecter des niveaux de fonds propres et des ratios de liquidités plus contraignants avec Bâle III. Rien d’étonnant, donc, si dans l’accompagnement des projets immobiliers des distributeurs, les banques privilégient aujourd’hui le crédit-bail, une technique de financement qui leur permet de rester propriétaire du bien jusqu’à la levée de l’option d’achat. Il est donc aussi un peu plus difficile pour un dirigeant de groupe de se constituer rapidement un capital immobilier, ce qui a motivé nombre de professionnels du secteur pendant des générations. “Les patrimoines immobiliers de plusieurs groupes sont donc déconnectés de la demande”, relève en outre un connaisseur de la distribution automobile et du monde de la finance.

Des niveaux de fonds propres peu reluisants

Pour ce dernier, l’attitude actuelle des banques à l’égard des distributeurs ne doit pas non plus surprendre dans la mesure où “les niveaux de fonds propres de très nombreuses affaires sont tout sauf reluisants. Ajoutez à cela la faible rentabilité du secteur, et la frilosité des banques à son égard est plutôt compréhensible”, indique cette source proche de la distribution et du milieu bancaire. Surtout qu’elles ne connaissent pas non plus les spécificités du secteur, au sein duquel la rentabilité provient aujourd’hui plus de l’après-vente et des pièces que du VN. Les distributeurs n’en peuvent pas moins continuer à se développer.

Pour cela, ils peuvent ainsi continuer à s’appuyer sur les constructeurs, les captives et les sociétés de financement indépendantes. Toutes ces entités ont une bonne connaissance du milieu de l’automobile et les indépendantes s’attachent (encore) à défendre les niveaux d’encours accordés au secteur auprès de leurs maisons mères… malgré les a priori négatifs de ces dernières. “Nous pouvons aussi considérer que les constructeurs et leurs captives sont aujourd’hui les premiers banquiers des distributeurs via les crédits fournisseurs”, souligne par ailleurs notre contact. Les captives jouent elles aussi un rôle essentiel dans les financements de stocks des distributeurs. De plus, elles participent de façon non négligeable à la fidélisation des clients via le développement de produits locatifs, ces derniers permettant de placer des prestations complémentaires, mais aussi d’éviter que les prospects ne fassent un peu trop de “fixations” sur les taux.

Logiquement, il faut donc s’attendre à une montée en puissance toujours plus importante de la LOA ballon et de la LLD chez les distributeurs, ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose car les produits locatifs facilitent le placement de taux plus élevés, et autorisent donc une rémunération plus importante des réseaux. “Des captives affichent aussi des taux très bas tout en rémunérant très bien leurs réseaux”, nuance toutefois Olivier Lamirault. “Avec le développement d’offres locatives types LOA ballon et LLD, il faudra dans tous les cas être encore meilleur au niveau des VR et du business VO”, souligne notre connaisseur de la distribution et de la finance. Ce dernier considère à ce titre que les distributeurs devraient d’ores et déjà envisager de créer des postes internes de gestionnaires de parcs.

Des échanges d’informations qui posent problème

Il n’est en outre pas inenvisageable que les distributeurs se réapproprient un jour les clients… à la faveur d’une éventuelle enquête de la Cnil sur le respect de la protection des données en matière de dossiers de financement. “Les sociétés de financement n’ont pas à connaître l’évolution de la situation d’un client après la signature d’un contrat, et ce n’est pas franchement le cas aujourd’hui”, poursuit notre expert anonyme. Un gigantesque procès pourrait donc un jour avoir lieu et permettre au final aux distributeurs d’être les seuls “relanceurs” des clients qui arrivent en fin de contrat de financement. “Les distributeurs font actuellement semblant de croire que les clients des captives sont les leurs”, ajoute-t-il.

Pour ce dernier, les sociétés de financement indépendantes rémunèrent beaucoup moins les distributeurs pour l’apport d’un nouveau dossier que pour l’achat d’un nouveau client, ce dernier pouvant être multi-équipé. “Mais les indépendantes ont aussi l’avantage de proposer des produits qui correspondent à la demande, qui affichent des taux très attractifs et qui sont sources de niveaux de rémunération conséquents pour les distributeurs”, précise ce professionnel. Il n’empêche. Si un distributeur travaille avec une financière indépendante, il a également intérêt à avoir comme partenaire sa maison mère. En effet, les rapports entre toutes les parties en jeu ne pourront qu’être facilités dans de telles situations. Et il n’est pas impossible non plus que les rapports entre les établissements financiers et les groupes de distribution s’améliorent en 2014. “Les établissements bancaires ne doivent pas non plus oublier que nous sommes sources de flux d’argent importants et qu’il y a dans notre secteur relativement peu de disparitions d’entreprises rapportées au nombre de sociétés qui y évoluent”, conclut Olivier Lamirault.

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