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Désengagement : passage à l’acte obligatoire ?

Publié le 28 octobre 2011

Par Gredy Raffin
6 min de lecture
Ce n’est pas un gros mot, il n’a rien d’alarmiste. Peu à peu, les constructeurs devraient prendre du recul et rétrocéder la charge des voies de communication à leurs partenaires du réseau. Renault, Citroën et récemment Ford ont montré la marche à suivre, conscients que les professionnels de l’automobile ont des besoins en termes de services qui ont bien évolué.
Ce n’est pas un gros mot, il n’a rien d’alarmiste. Peu à peu, les constructeurs devraient prendre du recul et rétrocéder la charge des voies de communication à leurs partenaires du réseau. Renault, Citroën et récemment Ford ont montré la marche à suivre, conscients que les professionnels de l’automobile ont des besoins en termes de services qui ont bien évolué.

Le mois de juin dernier était une échéance pour le réseau Citroën : le constructeur lâchait les rênes du réseau MPLS. Autrement dit, la marque n’assurait plus la responsabilité des tuyaux de communication avec les points de vente, primaires ou secondaires. Une décision qu’avait prise Renault cinq ans auparavant, et qui s’était traduite par un succès. Cette manœuvre, hautement stratégique, porte souvent le nom de “désengagement”. Quel que soit le constructeur, cela représente avant tout une économie d’échelle substantielle car il se libère ainsi d’une problématique de taille : la gestion du filtrage et de l’interconnexion entre les sites, soit l’essence même du MPLS. Chez Ford, qui vient également d’achever sa mutation, on explique que ce choix est motivé par la volonté “de ne pas empiéter sur le terrain des fournisseurs d’accès Internet dont c’est le métier”.

Jusqu’à présent, un constructeur comme Citroën avait un réseau privé et des applications métier implantées directement chez le concessionnaire, dans des postes dédiés. Après ce revirement, ces mêmes outils de travail sont déportés et centralisés, sinon intégrés dans le DMS. “Le constructeur sécurise l’échange de données, mais la sécurité de la société dépend maintenant du chef d’entreprise”, recadrent les consultants en réseau informatique.

En moins de six mois, Citroën a migré plus d’une centaine de groupes français. Et grand bien leur fasse. “En effet, en s’appropriant le schéma de communication, les distributeurs peuvent employer des technologies plus adaptées à leurs besoins”, apprécie Philippe Bonne, président de Midrange. Pour ce conseiller privilégié des concessionnaires, le problème était là : “Dans un contexte de multimarquisme, les constructeurs ne sont plus en mesure de fournir un service adapté.” Le schéma actuel suffit amplement et peut être sereinement reproduit, mais il faut cependant prendre en considération que le constructeur n’y a plus accès.

Les réseaux, “patrimoine et éléments de performance”

Et là commence le débat du coût pour le distributeur ou réparateur. Si d’aucuns y voient une économie, Bruno Duval, président de City Passenger, n’y croit pas. “Il y a des frais cachés que le constructeur maîtrisait par une mutualisation, des équipes, du matériel et autres, que le réseau de la marque doit maintenant assumer”, prévient-il. Le choix des prestataires se fait seul, ou presque. Cela passe par un accompagnement, d’abord du constructeur, ensuite du groupement de concessionnaires. Ford, qui vient d’achever un vaste chantier de globalisation (voir encadré), exhorte d’ailleurs le groupement à packager une offre tout compris pour les membres du réseau qui n’ont pas les connaissances ou simplement pas le temps de se pencher sur la question. “Le MPLS est un raccordement entre les outils, rappelle-t-on chez Sage, il y a donc nécessité d’opter pour un fournisseur d’accès Internet capable de fournir des tuyaux de communication suffisamment dimensionnés.” Et Stéphane Gourbeyre, directeur R&D de Sage Automobile, d’insister : “Les réseaux locaux et distants font partie du patrimoine et des éléments de performance d’une concession. Il faut donc adopter une bonne politique.”

Cette libéralisation peut faire bouger les choses. Pour gérer le parc et le réseau, une tâche qui incombe trop souvent au directeur administratif et financier, tous les distributeurs n’auront pas les moyens de s’entourer des compétences d’un directeur des services informatiques. Une aubaine pour les prestataires extérieurs.

Le concessionnaire ne sera cependant pas une vache à lait. Il aura les moyens de budgétiser, voire de réduire ses dépenses, notamment en supprimant les frais de ligne analogique (paiement en carte bleue, déploiement du VOIP…).

Il aura par ailleurs l’opportunité de faire évoluer ses outils. “Disposer du WiFi, c’est-à-dire avoir un service Internet omniprésent dans le point de vente pour se connecter à un réseau local, est devenu une formalité”, constate Philippe Bonne. Il n’y a qu’à observer ce qui se passe chez Peugeot où les bornes de connexion sans fil se multiplient, ainsi que chez Honda, Mercedes et Lexus, où les tablettes équipent de plus en plus les collaborateurs. “De nouvelles applications après-vente seront aussi disponibles”, prédit le directeur R&D, qui tient à prévenir : “Elles viendront cependant alourdir la charge de données.” La porte ne s’ouvre pas à toutes les solutions pour autant. “Les constructeurs voient d’un mauvais œil l’évolution fonctionnelle qui fait concurrence à ce qui sort de leurs propres laboratoires”, tempère-t-on chez les experts.

Pas une règle universelle

Du format FTP, les concessions sont passées au XML, en clair aux Web Services, avec un flux permanent. Tout passe par un Internet public et non plus privé. D’où l’immense nécessité de mettre l’accent sur la sécurité des données clients ou même fiscales. “Ce n’est pas un problème d’échanger par ce canal, il faut simplement être cohérent dans la méthode”, rassure Bruno Duval, spécialiste en sécurité. La tendance porte sur l’utilisation d’une clé de sécurité et de certificats avec une authentification forte, comme dans le milieu bancaire. “Un axe stratégique qui ne se confie pas aux éditeurs de DMS”, précise Emmanuel Pasquet, directeur des ventes de Sage Automotive. Ford en est un exemple parfait. En France, comme partout dans le monde, le constructeur américain a délocalisé le traitement des garanties, pourtant sensible. La preuve qu’Internet, une fois fiabilisé, peut offrir de nouvelles approches arrangeantes. Plus que l’évolution technologique et l’explosion du cloud computing, c’est l’évolution de la demande clients qui dicte, là, sa loi.

Cela n’est pas une règle universelle. Fiat, par exemple, ne semble pas nourrir de projet en ce sens. Mais elle inspire. Selon des rumeurs pressantes, Peugeot préparerait un retrait qui débuterait en 2012. “Il y a un besoin d’instantanéité. Prenons Opel, avec sa mise à jour tarifaire quasi quotidienne, les réparateurs ne peuvent plus travailler à l’approximation, observe Emmanuel Pasquet. Il faut une information juste, à toute heure.” De l’autre côté, le constructeur doit être assuré que cette donnée sensible ne sera pas détournée. De plus, les services à destination du client final, en ligne sur les sites Internet des concessionnaires, réclameront une garantie de continuité. Le serveur n’a plus sa place, logé dans un placard, à côté de l’atelier. Mais ceci touche à un autre sujet, celui de l’externalisation de l’hébergement, qui ne froissera certainement pas le constructeur.

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ZOOM - Un Ford globalisé

Les informations du réseau mondial de Ford sont maintenant concentrées aux Etats-Unis. Le constructeur souhaitait une architecture globale et non plus par filiale. “Nous avons mis en place un tuyau de communication entre les 6 500 concessionnaires européens et les centres de traitement centraux”, confirme une source interne. En plus de l’Europe, le Canada, le Mexique et bien sûr les Etats-Unis sont soumis au même régime. L’Amérique du Sud, l’Asie et le Pacifique attendent leur tour. “Comme Google, nous serons une gare d’aiguillage, en sus du centre d’hébergement et des sous-traitants, explique-t-on à la filiale française.

Ce n’est pas du désengagement à proprement parler, nous plaçons simplement notre confiance dans des fournisseurs de services dont c’est le métier, pour nous concentrer sur le nôtre.” Pour leur part, les distributeurs, informés de ce changement, ont été invités à moderniser leur parc informatique. Les outils CRM, traités nationalement, n’entrent pas en ligne de compte.
 

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