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Des premiers impacts de la loi Lagarde

Publié le 6 décembre 2011

Par Armindo Dias
5 min de lecture
Les premiers effets de la réforme du crédit à la consommation se font sentir chez les professionnels. Six mois après son entrée en vigueur, elle a déjà entraîné une baisse des taux d’usure et un allongement des durées moyennes d’emprunts des offres de prêts personnels.
Nathalie Homobono, directrice générale de la DGCCRF.

Une réforme en passe de porter ses fruits ? Celle portant sur le crédit à la consommation entrée en vigueur en milieu d’année est en tout cas bien partie pour décrocher ce Graal, même si elle n’atteindra son plein effet que l’an prochain après la parution du décret sur le regroupement de crédits et surtout, l’entière bascule du portefeuille des crédits renouvelables en juillet 2012. Des changements importants se font jour sur le marché du financement, ont fait savoir certains des intervenants d’un colloque organisé récemment par l’Association française des Sociétés financières (ASF). Le premier effet constaté concerne la technique de financement que le gouvernement souhaitait surtout voir reculer, à savoir le crédit renouvelable. Sa part dans la production de nouveaux crédits à la consommation a perdu 3 points au cours du seul 1er semestre 2011, à 34 %. Cette part s’élevait en moyenne à 45 % sur la période 1995-1999, 43 % entre les années 2000 et 2004, et enfin 40 % entre 2005 et 2009. “Des études internes nous ont aussi permis de constater que, pour un tirage de 3 000 euros, la durée moyenne de ce type de financement a été divisée par 2,6, à 31 mois”, note Pierre Blanc, associé au sein du cabinet de consulting Athling Management. Le montant moyen des intérêts dus a, pour sa part, été divisé par 2,5, à 611 euros, et le taux moyen de ces offres a perdu plusieurs points, à 15,6 %.

Quant aux effets sur les autres types d’offres, qui concernent beaucoup plus les financements de véhicules, ils se sont eux aussi révélés importants. “Nous avons assisté à une hausse des montants et des durées du côté des offres de prêts personnels”, confirme Pierre Blanc, le second point rendant bien sûr possible le premier. Les offres de prêts à 45 000 euros et les délais de remboursement de 72 mois sont donc de moins en moins rares dans l’Hexagone. Les évolutions constatées sur le marché du financement ne se sont pourtant pas arrêtées là avec l’entrée en vigueur définitive de la loi Lagarde. Pour preuve : les taux d’usure ont perdu en moyenne 5 % en dix mois, d’après Athling Management (- 3 points pour les crédits renouvelables d’un capital consenti supérieur à 6 000 euros). “Les objectifs de la réforme du crédit à la consommation sont en cours de réalisation”, considère donc très logiquement Pierre Blanc. Et ils pourront aussi être mis à l’actif des professionnels, qui ont fait des efforts d’adaptation et ont consenti à réaliser plusieurs centaines de millions d’investissements (les cinq principaux établissements de crédit ont investi pas moins de 110 millions d’euros dans la mise en place de la loi Lagarde). Des défis restent pourtant à relever.

Des effets indésirables et une inquiétude grandissante avec la réforme dite Bâle III

La réforme du crédit à la consommation a aussi entraîné des effets indésirables pour nombre de professionnels du financement. “La loi a également accentué la baisse de la vente de crédit en point de vente”, illustre Philippe Dumont, le directeur général du Crédit Agricole Consumer Finance et membre du Conseil de l’ASF. Des dispositions doivent par ailleurs être beaucoup mieux intégrées par un certain nombre de professionnels, selon la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes). Cette dernière a notamment constaté, lors de contrôles, que certains vendeurs s’attachaient à établir un lien entre les avantages commerciaux d’une carte avec celui de la prise d’un crédit alors que cela n’a pas lieu d’être. Rien d’étonnant, donc, si de nouveaux contrôles ont d’ores et déjà été programmés pour 2012. “L’aspect avant-vente de la loi a été globalement bien appliqué”, relève Nathalie Homobono, directrice générale de la DGCCRF. Les contrôles réalisés auprès de plusieurs centaines d’établissements ont en outre révélé que les dispositions de la loi en matière de publicité étaient bien appliquées dans 4 cas sur 5. Bref, les professionnels du financement ont globalement fait preuve de bonne volonté vis-à-vis de la loi Lagarde. Considérant qu’elle a d’ores et déjà été “digérée”, certains se projettent même au-delà et s’intéressent désormais aux conséquences probables sur leur activité de la réforme prudentielle Bâle III en 2013. Son volet dit CRD 4 prévoit un renchérissement des fonds propres et l’instauration de nouveaux ratios de liquidité, l’un de court terme, c’est-à-dire inférieur à 30 jours (Liquidity Coverage Ratio), et l’autre de long terme, c’est-à-dire de plus d’un an (Net Stable Funding Ratio). “Le second pose problème aux établissements qui n’ont pas de collecte de dépôts de clientèle”, souligne Eric Spielrein, secrétaire général et membre du comité exécutif de RCI Banque. En effet, cette absence va compliquer, pour ne pas dire restreindre très fortement, leur capacité à se financer sur les marchés. La réforme prudentielle risque en outre d’instaurer une distorsion de concurrence en Europe. “Les opérateurs anglais et allemands ne sont pas appelés à entrer complètement dans le champ de régulation de Bâle III”, nous déclarait récemment Françoise Pallé-Guillabert, déléguée générale de l’ASF.

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En chiffres

800
C’est en millions d’euros ce que coûterait la mise en place d’un fichier positif en France, selon Reine-Claude Mader, la présidente de l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie. Elle est contre sa création, craignant qu’il ne devienne un “fichier de prospects”. “Il devrait surtout servir à repérer les fausses déclarations”, estime Philippe Dumont, directeur général du Crédit Agricole Consumer Finance. Sa mise en place ne devrait toutefois pas intervenir avant 2012.

76 %
Il s’agit du pourcentage de Français surendettés qui estiment que la mise en place d’un fichier positif serait une bonne chose, d’après un sondage de l’institut CSA pour le compte de l’association Crésus. Pour Jean-Louis Kiehl, son président, il faut agir vite, faute de quoi “la loi Lagarde restera inachevée et ne sera pas à la hauteur de ses enjeux qui étaient de lutter contre les excès du crédit et de faciliter son accès à un plus grand nombre de Français”.

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