Comment favoriser l’initiative économique ?
...Des pistes intéressantes qui réclament néanmoins précisions et formalisation.
Dans le prolongement de la première loi pour l'initiative économique (Loi 2003-721 du 01/08/2003*), Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce, à l'Artisanat, aux Professions libérales et à la Consommation, vient de présenter un avant-projet intitulé "Loi initiative économique 2". L'idée directrice reste de faciliter et de favoriser le développement des entreprises car ces dernières "concourent à la croissance de l'emploi et au dynamisme de l'économie". Selon les chiffres avancés par le gouvernement, la première loi aurait favorisé la création de 200 000 entreprises nouvelles en 2003, soit une progression de 12 % par rapport à 2002 et un niveau jamais observé depuis le début des années 80. Dans son deuxième projet, le secrétaire d'Etat et son équipe mettent clairement l'accent sur l'aide à la création et à la transmission des entreprises. En effet, il convient de rappeler que les PME constituent l'un des premiers viviers d'emplois de l'Hexagone. Ainsi, les entreprises de moins de 50 salariés en ont créé près de 700 000 entre 1994 et 2002, soit plus du tiers des emplois marchands sur la période. Par ailleurs, on estime qu'une entreprise nouvelle génère en moyenne près de trois emplois salariés pérennes au bout de cinq ans, tandis qu'une transmission réussie contribue à préserver quatre emplois en moyenne. Au regard des priorités économico-sociales du gouvernement, l'enjeu est donc conséquent. Les obstacles ne le sont pas moins… A titre indicatif, selon une récente enquête Eurobaromètre citée par le rapporteur du Sénat, "moins de 2 % des Français ont un projet de création d'entreprise, ou bien ont créé ou repris une entreprise au cours de ces trois dernières années". Ce taux est en moyenne de 4,5 % au sein de l'Union européenne et de 13 % aux Etats-Unis.
Une assurance perte d'activité, sur le modèle de l'assurance chômage classique, viendra renforcer la protection du chef d'entreprise Le premier volet du projet de loi se focalise sur la protection de l'entrepreneur et de son conjoint. "Si un chef d'entreprise a naturellement vocation à prendre des risques, ceux-ci ne doivent pas avoir de conséquences excessives sur le plan personnel ou familial", estime ainsi Renaud Dutreil. Le projet de loi prévoit donc la mise en place d'une assurance perte d'activité, grosso modo comparable à l'assurance chômage, qui viendra compléter la mesure de protection de la résidence principale adoptée dans la première loi pour l'initiative économique. Si le principe ne suscite guère de polémique, reste à définir les modalités pratiques de cette assurance avec les partenaires sociaux… Par ailleurs, constatant que le conjoint du chef d'entreprise exerce une activité dans la société dans deux tiers des cas, Renaud Dutreil propose d'affilier les conjoints à un statut leur ouvrant l'accès aux droits à la retraite, mais aussi au droit à la formation et à la possibilité de faire valider les acquis de l'expérience. En outre, pour le secteur des professions libérales, un contrat de collaborateur libéral, calqué sur le modèle déjà en vigueur pour les avocats, sera mis en place par le gouvernement. Ce nouveau contrat, très attendu par la CNCPL (Commission nationale de concertation des professions libérales), doit, selon Renaud Dutreil, "favoriser l'installation des jeunes titulaires en tant qu'associé ou indépendant".
550 000 chefs d'entreprises vont chercher un repreneur dans les 10 à 15 ans à venir !
Le second volet du projet de loi concerne la transmission des entreprises. Annoncé depuis plusieurs années, le point de basculement démographique en France ne relève pas du fantasme romantique, mais arrive au contraire aujourd'hui à maturité. Ainsi, plus de 550 000 chefs d'entreprise de plus de 50 ans devront trouver un successeur dans les dix à quinze ans qui viennent. Des emplois, mais aussi des compétences, sont donc en jeu. Par conséquent, le projet de loi comprend des mesures censées faciliter la transmission d'entreprises. Deux exemples : le tutorat en entreprise sera étendu afin de développer l'accompagnement des repreneurs par le cédant, tandis qu'une prime de "transmission accompagnée" doit encourager la reprise de fonds commerciaux ou artisanaux. Ces nouvelles dispositions s'intégreront dans un vaste plan de mobilisation en faveur de la reprise des PME, plan dont le contenu n'est pas encore tout à fait arrêté… Le troisième volet majeur du projet de loi se concentre sur le développement de l'entreprise personnelle. Le secrétaire d'Etat rappelle que "plus des trois quarts des entreprises créées sont au départ de très petites entreprises, sans aucun salarié, reposant sur la seule activité de leur créateur". La structure est donc intrinsèquement fragile et le gouvernement souhaite proposer un cadre général permettant à icelle de se développer plus facilement et avec une marge de "sécurité" accrue. De récentes dispositions, comme le report des charges sociales de première année pour le créateur ou l'instauration du titre emploi-entreprise par exemple, allaient déjà dans ce sens. Elles seront progressivement complétées par de nouvelles mesures de simplification et d'allégement des contraintes (formalités administratives, fiscalité…). Il convient de souligner que ce volet du projet de loi correspond aux dernières recommandations de la Commission européenne sur le thème de l'amélioration de l'environnement des petites entreprises.
Ce projet de loi risque fort de ne pas éviter l'écueil de la polémique sur le front politique comme syndical
Par ailleurs, le texte actuel envisage une amélioration de l'accès au financement, en particulier au crédit bancaire, pour les créateurs d'entreprise. "Le gouvernement entend travailler en partenariat avec l'ensemble des acteurs concernés pour améliorer l'accès au crédit des PME, mais également étudier des dispositifs novateurs pour faciliter l'apport de fonds propres", indique Renaud Dutreil, avant d'ajouter : "Nous voulons présenter un projet de texte dans les prochaines semaines. Ce texte fera l'objet d'une large concertation avec les acteurs concernés et pourra donc s'enrichir de propositions nouvelles. Le projet de loi sera ensuite soumis au Conseil des ministres et l'objectif est de le déposer au Parlement au cours de second semestre 2004." Une date qui semble ambitieuse car, dans le contexte actuel, les négociations avec les partenaires en général, et les partenaires sociaux en particulier, risquent d'être longues et parfois délicates. D'autant que le pré-projet dévoilé par Renaud Dutreil tient plus de la déclaration d'intentions consensuelle que d'un texte de loi précis et prêt à l'application. En la matière, c'est un écart très significatif. Sans même parler des joutes politiques d'usage. En effet, personne n'a encore oublié les échanges houleux qui avaient accompagné les aménagements de l'ISF inscrits dans la première loi pour l'initiative économique. Certaines voix qualifient déjà ce second projet de loi de pirouette électoraliste, quand d'autres vantent son constructivisme. Il existe donc un contentieux de nature à freiner le rythme des négociations. D'ailleurs, à propos de calendrier, on peut souligner que la première loi pour l'initiative économique n'est pas complètement entrée en vigueur. Le 2 mars dernier, au Sénat, Paul Blanc, sénateur des Pyrénées-Orientales, réclamait une accélération de la validation des décrets d'application pour que la loi soit pleinement opérationnelle et que "l'attente ne soit pas trop démobilisatrice". Et Renaud Dutreil de répondre qu'il faisait tout son possible pour cela, mais que la tâche était d'autant plus ardue qu'il s'agissait bien souvent de décrets interministériels. Cet échange concerne la première loi… Le calendrier de la "Loi pour l'initiative économique 2" reste donc incertain.
*Cette loi est consultable in extenso sur le site www.legifrance.gouv.fr
Alexandre Guillet
Chiffres clés550 000 : c'est le nombre de chefs d'entreprises qui vont chercher un repreneur dans les 10 à 15 ans à venir |
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