S'abonner
Services

Carrosserie : l’électrique va-t-il changer la donne ?

Publié le 26 décembre 2024

Par La Rédaction
6 min de lecture
La part croissante des véhicules électriques dans le parc roulant aura-t-elle un impact sur le marché de la réparation-collision ? Adas, gravité des chocs, coût des pièces… Les véritables conséquences sur le secteur ne pourront pas être visibles avant une dizaine d’années.
Carrosserie
L’impact des véhicules électriques sur le marché de la réparation collision commencera à être visible d’ici cinq à dix ans. ©AdobeStock

Côté après‑vente, on le sait, les véhicules électriques néces­sitent beaucoup moins d’opé­rations de maintenance et d’entretien, mais qu’en est‑il en cas de choc ou d'accident ?

 

C’est à ce sujet que s’est intéressé TCG Conseil dans son étude, pour le compte de Mobilians, sur l’après‑vente en 2030. La société a en premier lieu cherché à analyser l’incidence des Adas (Advanced driver assistance systems) sur le marché de la réparation-collision.

 

Car qui dit véhicule électrique, dit vé­hicule récent équipé de nombreuses aides à la conduite, supposées réduire le nombre d’accidents sur la route.

 

Quelle vertu pour les Adas ?

 

"Au départ, nous pensions que les Adas auraient un impact très fort sur le nombre de chocs. Finalement, nous avons constaté qu’ils auront un effet bénéfique quand une certaine proportion du parc en sera équipée, décrypte Thomas Chieux, codiri­geant de TCG Conseil. Il est difficile de connaître ce seuil. Aujourd’hui, la réglementation GSR II impose à tous les véhicules neufs d’avoir onze équipe­ments de sécurité comme des lecteurs de panneaux, des systèmes de freinage d’urgence, etc. Nous estimons ain­si qu’en 2030, nous serons à environ 50 % de véhicules équipés."

 

Une chose est sûre, jusqu’ici, il était difficile de lier l’augmentation des voitures munies d’Adas à la ré­duction des accidents. La majori­té des constructeurs et des experts interrogés par TCG Conseil lors de ses enquêtes concède ne pas obser­ver une baisse du nombre de chocs.

 

Pis, dans certains cas, ils pourraient augmenter le risque d’accident pour les véhicules non équipés : "Volvo a par exemple constaté une proportion plus importante de chocs arrière : un véhicule doté d’un système de freinage qui se déclenche n’a pas d’accident avec la voiture devant lui, en revanche, celle qui le suit, moins récente et non équipée, n’a pas le temps de freiner et entre ainsi en collision", partage‑t‑il. À terme, la proportion de petits chocs devrait tout de même prendre le pas sur la part d’accidents graves.

 

 

En outre, les Adas ont connu à leurs débuts quelques désagréments de réglage, comme un freinage trop brutal, engendrant des accidents. Les constructeurs travaillent à les perfec­tionner.

 

Autre phénomène impliqué, le manque de vigilance des conduc­teurs, induit par ces équipements. "Souvent, les personnes au volant d’un véhicule équipé d’un régulateur de vitesse et d’un système de freinage avec assistance automatisée oublient notamment que ce dernier n’a pas été remis en place automatiquement après un coup de frein par exemple ou pire encore, ils font confiance au véhi­cule au point de détourner leur atten­tion, sur leur smartphone notamment. En attendant que la majorité des véhicules soient équipés, nous ne ver­rons pas les résultats avant au moins 2035", partage Thomas Lesaffre, président du groupe Lesaffre.

 

Le temps fera la différence

 

Côté véhicules électriques, un autre enseignement de l’étude de TCG Conseil met en avant une plus grande proportion de chocs vis‑à‑vis des modèles thermiques. "Par exemple, en Norvège, pays très électrifié, il y a entre 80 et 100 % d’accidents de plus sur les Tesla que sur les autres véhi­cules. En effet, les véhicules sont plus lourds, avec un couple très élevé dès le démarrage. Les constructeurs tra­vaillent donc sur des véhicules plus doux à conduire, de plus, les chauf­feurs eux‑mêmes vont adopter une conduite plus sûre au fil du temps. Nous estimons ainsi qu’il y a un peu plus d’accidents sur les véhicules élec­triques mais que cela se réduira avec le temps, note l’étude. Pour l’instant, quand nous analysons les statistiques des assureurs, il ne semble pas y avoir de facteurs de risque supplémentaires concernant les véhicules électriques à batterie (VEB), mais les échantillons restent très petits, puisqu’ils repré­sentent moins de 2 % du parc."

 

Tout dépendra donc de la taille du parc de véhicules électriques à l’ho­rizon 2030. TCG Conseil a mis en lumière deux hypothèses. La pre­mière : les ventes de véhicules neufs électriques atteindront 75 % pour suivre l’objectif de neutralité carbone, ce qui amènerait à 20 % de VEB dans le parc roulant et la seconde : les VEB représenteront 50 % des ventes pour un total de 15 % dans le parc roulant.

 

 

Sur le terrain, les professionnels ne semblent pas constater une hausse de la sinistralité des véhicules élec­triques. C’est le cas de Thomas Le­saffre, distributeur Volkswagen qui reçoit aussi en atelier des véhicules Tesla : "Les gammes électriques conti­nuent de représenter de faibles vo­lumes de vente mais en proportion, nous ne recevons pas plus de véhi­cules électriques en carrosserie que de thermiques."

 

Les coûts de réparation en question

 

Qu’en est‑il des coûts ? Une récente étude menée par SRA (Sécurité & réparation Automobiles) et publiée en mars dernier pointe des coûts de réparation plus élevés de +15 % pour les véhicules électriques et de +18 % pour les hybrides, ver­sus les voitures thermiques (par rap­port à la moyenne de l’ensemble des énergies).

 

Un résultat qui s’explique "par le fait que, d’une part, les véhi­cules sont plus lourds et lors des chocs, le nombre de pièces endommagées se­rait plus important et d’autre part, en raison de la conception des véhicules dont les pièces de carrosserie sont souvent en aluminium (à l’instar de Tesla, NDLR), donc plus coûteuses et plus difficilement réparables. Le coût du poste de main-d'œuvre est égale­ment supérieur avec potentiellement du temps supplémentaire pour les opérations liées à la partie électrique, la mise en sécurité du véhicule par exemple. Les taux horaires sont également plus élevés du fait d’opérations considérées en haute technicité et sur­tout d’une orientation plus importante vers les réseaux des constructeurs qui présentent des taux plus élevés que les réparateurs indépendants", se­lon Rodolphe Pouvreau, directeur de SRA. Au global, l’écart du coût moyen des réparations entre les véhi­cules électriques et ceux à essence est de 21,3 %.

 

 

Un avis partagé par Thomas Chieux, qui confirme aussi que les coûts de réparation augmentent, en particu­lier sur les véhicules récents : "Le pare‑brise reste un facteur constituant de la structure de la voiture. Les maté­riaux sont plus fins et plus résistants, donc coûtent plus cher. En outre, le pare‑brise est aujourd’hui un élé­ment essentiel pour les Adas, avec des caméras et capteurs placés derrière qui doivent être recalibrés après une réparation, donc cela ajoute un coût supplémentaire, précise‑t‑il. Concer­nant l’électrique, avec notamment la méthode du gigacasting, c’est‑à‑dire des parties d’un véhicule moulées d’un seul bloc, le coût de la réparation aug­mente aussi."

 

La route semble encore longue avant d’identifier les impacts concrets qu’auront les véhicules électriques sur le secteur de la réparation colli­sion. Les carrossiers réparateurs ont a minima une dizaine d’années avant de voir (peut‑être !) leur marché et leur quotidien se transformer.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle