Damien Pichereau : "Le but des ZFE n'est pas de mettre les villes sous cloche"
Journal de l’Automobile : De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui dénonçant soit le manque d’ambitions du texte, soit ses conséquences économiques. Comment jugez-vous la méthode qui est à l’origine de ce texte (convention citoyenne sur le climat) et d’autres part les résultats ?
Damien Pichereau : Sur la forme, la méthode est assez inédite, mais elle se situe dans la lignée des Assises de la mobilité, de la santé… On peut toujours estimer que trop de consultations citoyennes sont organisées et que ce sont bien aux députés, élus par le peuple, à qui revient l’écriture des propositions. Mais je trouve que le principe est intéressant, à condition bien sûr que les suggestions ne fassent pas la loi dans son intégralité. Dans le cas de la Convention citoyenne sur le climat, certains se sont découvert des envies politiques avec certaines de leurs propositions. Mais toutes n’ont pas pu être reprises dans le projet de loi qui sera prochainement présenté en Conseil des ministres. Notamment parce que certaines existaient déjà, par exemple, la formation à l’écoconduite et d’autres pouvaient également mettre à mal notre industrie. Il fallait faire un choix entre les ambitions écologiques et notre souveraineté industrielle.
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J.A. : L’une des grandes mesures du volet se déplacer propose notamment d’étendre l’obligation pour les communes de plus de 150 000 habitants des zones à faires émissions (ZFE-m). Ne craignez-vous pas une stigmatisation encore plus forte de l’automobile ?
D.P. : Sur le sujet des zones à faibles émissions, l’objectif est d’un côté de baisser les rejets de CO2, dont la finalité est de protéger notre planète, et de l’autre, de réduire les polluants, comme les NOx ou encore les particules fines. Mais le but n’est pas que les élus mettent les villes sous cloche, il est indispensable que l’économie locale ne souffre pas de cette mesure. Tout l’enjeu repose sur l’organisation de la mobilité de manière intelligente. Je prends l’exemple de ma ville, Le Mans, où les offres de transport ne sont pas chères. Il faut donc créer des parkings relais, afin que les habitants ne soient pas pénalisés. De même, comme l’organisation dépend de chaque agglomération, je souhaite également proposer la mise au point d’une cartographie GPS, qui recense au niveau national toutes les restrictions de circulation dans chaque ZFE‑m.
J.A. : Concernant ces ZFE, subsiste la question de la circulation des véhicules de collection. Quelle est votre position ?
D.P. : Je suis favorable à l’autorisation de circulation des véhicules de collection dans les zones à faibles émissions. Nous devons travailler sur cette possibilité et le gouvernement d’ailleurs souhaite laisser la main aux élus sur ce sujet. Les anciennes sont notre histoire, notre patrimoine et ce n’est pas le faible volume de voitures, ni les quelques sorties effectuées qui vont aggraver la pollution.
J.A. : Quels sont les amendements que vous souhaitez déposer lors de la discussion du texte au Parlement ?
D.P. : Tout d’abord, je vais proposer d’étendre le dispositif de formation à l’écoconduite pour les conducteurs de véhicules utilitaires, dans les domaines de la la livraison, de la messagerie… Une question se pose également sur la création d’un chèque entretien pour aider les Français qui ne peuvent changer de voitures à rouler plus propre. Mais le sujet est complexe. Souvent on oppose à cette proposition un argument budgétaire légitime mais peut être dans ce cas, faut-il réintroduire, une notion qui étaient intégrée dans les propositions de la Convention citoyenne sur le climat, à savoir, un prêt à taux zéro qui permettrait plus facilement de renouveler le parc plutôt que de mettre de l’argent dans l’entretien d’une voiture dont la valeur est faible et dont finalement le coût d’utilisation reste élevé. Enfin, je souhaiterais proposer la mise en place d’un observatoire national de l’automobile. Un lieu où l’on aurait une vision à 360° de l’automobile. Bien sûr, il existe aujourd’hui un comité de filière, mais ce dernier n’intègre pas les consommateurs, les élus locaux, les associations environnementales. Cet observatoire permettrait à chacun d’exprimer son opinion, dans un dialogue constructif.