"Mitsubishi, c’est fini" : les distributeurs s'expriment
C'est une nouvelle à laquelle personne ne s’attendait vraiment. Hier, lundi 27 juillet, le conseil d’administration de Mitsubishi annonçait, à travers une salve de quatre communiqués, son plan triennal "Small but Beautiful". Un joli nom qui n’augurait toutefois rien de beau pour les distributeurs européens. Et pour cause : parmi ces quatre missives, l’une signait en filigrane l’arrêt de mort de la marque en Europe. Mitsubishi y annonçait le gel des lancements des nouveaux produits sur le Vieux Continent.
"Nous aurions préféré d’autres nouvelles, c’est certain", commente Jean-Paul Gonguet, le président du groupement des concessionnaires Mitsubishi. Un choc, inattendu, d’autant plus que les résultats du constructeur, en France et en Europe, donnaient satisfaction ces derniers mois, portés par un Outlander PHEV bien placé, et en France, dans le contexte de prime à la conversion, par la citadine SpaceStar. Mais ces deux piliers ne suffiront clairement pas à assurer la pérennité de la marque qui ne lancera donc pas comme prévu son Eclipse Cross PHEV, sur lequel les distributeurs plaçaient beaucoup d’espoirs, ainsi que le remplaçant de l'Outlander, en hybride rechargeable également.
Une dynamique cassée net
Une stratégie qualifiée d’insensée par les distributeurs. Ces derniers fustigent une décision de Nissan, sans concertation avec les parties prenantes européennes, dont l’importateur Emil Frey, mais aussi les représentants de la marque et, bien sûr, le réseau. "C’est aberrant, commente David Gaist, patron du groupe GCA, qui construit, en ce moment même, une nouvelle concession flambant neuve à Nantes. Surtout qu’on nous a promis monts et merveilles. Nous ne pensions pas que la marque allait partir d’Europe. Mais rester avec deux produits vieillissants et aucun plan produit à venir est clairement impossible."
La nouvelle était effectivement pour le moins inattendue, alors que le constructeur a multiplié les nominations en France ces derniers mois. "Mitsubishi France a pour politique de nommer des concessionnaires dans les open point, en demandant au réseau d’investir dans les forces commerciales. En clair, de mettre le paquet pour préparer l’avenir et atteindre l’ambition des 15 000 unités vendues par an", reprend Jean-Paul Gonguet. Les nouveaux partenaires en question sont effectivement les premiers sonnés. "Je pense que personne n’y croyait au regard du dynamisme du réseau. Mais la vérité d’un jour n’est pas celle de demain. Sans nouveaux produits, l’histoire se termine ici, complète Philippe Dugardin, qui vient tout juste, comme cinq autres partenaires, d'accrocher le panneau du japonais. Nous avons intégré la nouvelle hier, et avons immédiatement stoppé nos investissements. Et c’est d’autant plus déceptif que la marque fonctionnait très fort depuis la fin du confinement. Nous n’avons pas beaucoup de produits certes, mais ils fonctionnaient bien."
Changer son fusil d’épaule
Certains distributeurs soulèvent toutefois des réserves sur cette dynamique. "Chez nous, Mitsubishi arrivait à peu près à l’équilibre grâce à la prime à la casse qui générait des ventes de SpaceStar. Mais l'équilibre est surtout dû au fait que nous n’avons pas réellement de conditions d’exploitation. La marque est installée entre deux hall, les loyers sont faibles volontairement. On voyait bien que le fonctionnement était un peu bancal", détaille David Gaist. Seule et petite consolation, Mitsubishi représente, dans la plupart des cas, de faibles volumes de ventes. La stratégie du multimarquisme, adoptée massivement par les partenaires, devrait leur permettre de changer rapidement leur fusil d’épaule et de réallouer les moyens investis, même si la déception est bien présente. "Les concessionnaires du groupement en ont les bras qui tombent. Après, chaque cas est différent : certains d’entre eux vivent beaucoup avec Mitsubishi, d’autres, multimarques en dépendent moins", commente Jean-Paul Gonguet.
Cas à part toutefois d’Emil Frey qui assure l’importation de Mitsubishi dans toute l’Europe, et pour qui la pilule risque d’être beaucoup difficile à avaler. Et les négociations avec le réseau, de ce fait, s'annoncent plutôt âpres. Patrick Gourvennec, le patron de la filiale France a, en tout cas, promis des discussions avec chaque partenaire afin de faire le point sur l’avenir. Une réunion d’information doit également se tenir d’ici la rentrée entre la marque et le réseau.