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Constructeurs

Année noire en perspective pour le salon de Francfort

Publié le 15 juillet 2019

Par Christophe Jaussaud
4 min de lecture
Grand-messe de l'automobile, en alternance avec le Mondial de Paris, le salon de Francfort va sans doute vivre sa pire édition en septembre 2019. La liste des constructeurs absents ne cesse de s'allonger.
La liste des constructeurs absents de l'édition 2019 de l'IAA de Francfort ne cesse de s'allonger.

 

"Partout dans le monde, les salons automobiles sont dans une logique d'érosion, ils se cherchent (...), les constructeurs abandonnent des salons historiques", reconnaissait fin juin le président de la Plateforme automobile (PFA) Luc Chatel, en présentant à la presse les nouveaux projets du Mondial. Cette tendance à l'érosion n'est pas nouvelle mais elle semble se confirmer, voire s'amplifier, avec l'approche du salon de Francfort.

 

"Ce n'est plus une exposition internationale, mais un salon national", résume Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center automotive research (CAR). "L'industrie automobile allemande est décidément malmenée. Elle a subi le dieselgate puis le départ manqué dans l'électrique et maintenant elle risque de perdre sa figure de proue, le salon de Francfort", organisé un an sur deux en alternance avec Paris, estime cet expert.

 

La liste des absents pour l'édition 2019, du 12 au 22 septembre 2019, est impressionnante. Trois des quatre plus grands groupes mondiaux ont renoncé à un stand pour la totalité de leurs marques : l'ensemble franco-japonais Renault-Nissan-Mitsubishi, le japonais Toyota et l'américain General Motors (GM). Le coréen Kia avait initialement prévu de venir à Francfort, mais envisage finalement de renoncer. "On va très certainement vers un retrait de ce salon. Il y a tellement de constructeurs absents que l'intérêt est vraiment moindre", a déclaré à l'AFP un porte-parole de la marque.

 

"Regarder simplement le nombre de constructeurs ne suffit pas. On ne mesure pas le succès au nombre de mètres carrés des exposants", a estimé un porte-parole de la fédération des constructeurs allemands (VDA) Eckehart Rotter. Il souligne que le salon se rénove cette année avec des conférences, des expériences pour les visiteurs comme des essais de véhicules en ville, et un élargissement aux thèmes de la mobilité (y compris hors automobile avec des parcours en vélo électrique pour les enfants). Mais pour Ferdinand Dudenhöffer, la liste des absents est tout simplement "une catastrophe" et le salon a peu de chance de retrouver un jour son aura internationale. "Il est trop tard, on a échoué."

 

Même les exposants allemands réduisent leur surface d'exposition. C'est le cas par exemple de BMW, qui a présenté fin juin son offensive électrique lors d'un événement privé à Munich avec six premières mondiales et deux concept cars, sans attendre le salon de Francfort. Son directeur financier Nicolas Peter a alors indiqué lors d'une table ronde que le groupe allait "réduire la taille de son stand d'un peu plus d'un cinquième". Le champion du haut de gamme a vu sa rentabilité reculer ces derniers mois et est rattrapé, comme ses concurrents, par les soucis d'économies. Nicolas Peter a souligné qu'il préférait "investir dans des événements exclusifs du groupe" qui permettent d'attirer l'attention des médias sur ses seules nouveautés, le temps d'une journée.

 

Le cas de Francfort n'est pas isolé. Les salons de Paris, Genève ou Detroit, pendant des décennies rendez-vous incontournables pour le gotha automobile mondial, sont en grande difficulté depuis une dizaine d'années, avec de plus en plus de constructeurs qui leur tournent le dos. Seules exceptions, Shanghai et Pékin, où tous les acteurs se pressent encore pour être visibles sur le marché chinois, de loin le premier mondial après vingt ans d'ascension fulgurante.

 

Un salon coûte cher et devient difficile à justifier quand les constructeurs peuvent montrer au monde leurs dernières nouveautés via des retransmissions sur internet. Le contexte économique difficile depuis l'an dernier n'arrange rien. Et puis les entreprises veulent désormais se montrer sur les salons technologiques, comme le CES de Las Vegas ou le MWC à Barcelone.

 

"Les groupes automobiles sont face à des besoins en investissements jamais connus. Ils doivent faire des choix", expliquait récemment à des journalistes Luc Chatel. Il a rapporté les propos d'un patron d'un constructeur français : "ma règle c'est "pas de salon" sauf si on peut m'expliquer qu'il faut y être, et ça vaut aussi pour Paris". Le président de la PFA, en lançant une profonde refonte du Mondial, espère faire bouger les choses. "Nous devons prendre des risques, si nous ne changeons pas, nous mourrons" prévient-il. "On doit faire mieux avec moins. On va devoir proposer des offres à nos clients qui seront moins chères mais avec plus de services. C'est le défi que nous devons relever." (avec AFP).

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