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Constructeurs

Quels sont les freins à une fusion entre FCA et Renault ?

Publié le 27 mai 2019

Par Catherine Leroy
4 min de lecture
Interventions de l'Etat, manque de visibilité sur la gouvernance réelle, surcapacités de production, affaiblissement de Nissan... les écueils à la fusion entre Renault et FCA existent bel et bien. A moins que certains ne se transforment en avantages.
Si des freins existent à la fusion entre Renault et FCA, la bourse a, en tout cas salué l'ouverture des discussions.

 

Si la Bourse applaudit des deux mains l’étude d’une fusion entre Renault et FCA avec une hausse respective de 12 et 18 % du cours de leur action, quelques grincements de dents se font d’ores et déjà entendre. Les avantages sont certes nombreux mais les écueils sont également loin d’être inexistants.

 

Du côté de chez Nissan d’abord. Le partenaire de Renault dans l’Alliance n’a visiblement pas été tenu au courant de ces discussions. Pas étonnant que le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa soit apparu crispé sur le sujet. « Nous sommes toujours ouverts aux discussions pour renforcer l’Alliance » a-t-il répondu aux journalistes qui l’interrogeaient. Mais selon un analyste du cabinet japonais TIW « Nissan semble avoir été tenu à l’écart, ce qui n’est pas agréable pour le groupe et pourrait créer une méfiance inutile. »

 

Sans doute, mais ce qui pourrait être considéré comme une nouvelle source de crispation pour le tandem Renault-Nissan va plutôt se transformer en avantage pour Renault. « Nissan a refusé l’offre de création d’une holding détenue à 50-50 mise sur le tapis par Jean-Dominique Sénard, il y a quelques jours, sous prétexte que Nissan est plus important que Renault. Si la fusion avec FCA aboutit, Renault pourra retourner voir Nissan avec une toute autre posture et une position de force », analyse Eric Champarnaud, cofondateur du cabinet C-Ways. D’ailleurs, la proposition de FCA laisse clairement la porte ouverte aux partenaires de l’Alliance. "Nous pensons que les bénéfices (...) s'étendront aussi aux partenaires de l'Alliance, Mitsubishi et Nissan", a estimé Mike Manley, PDG de FCA… mais dans un rapport de force inversé qui va affaiblir la position de Nissan.

 

Les interventions étatiques

 

L'Etat français dispose toujours de 15 % du capital de Renault et surtout de droits de vote double, ce qui d'ailleurs a largement conduit à l'exaspération de Nissan. Dans cette nouvelle configuration de fusion, l'Etat verrait sa participation diluée et tomber à 7,5 % du capital et surtout perdrait ses droits de vote double. De l'autre côté des Alpes, le vice-Premier ministre italien Matteo Salvini a qualifié l'opération de "brillante" : "Je pense qu'il s'agit d'une opération brillante qui protège les emplois dans notre pays et conduit à la naissance d'un géant de l'automobile", a -t-il déclaré.

 

Le gouvernement français, tout en saluant le projet "susceptible de répondre aux enjeux de souveraineté économique européenne et française" a néanmoins demandé quelques garanties. "Des géants se sont construits en dehors de l'Europe. Nous avons besoin de géants en Europe", a avancé Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement tout en souhaitant que "ce rapprochement se réalise dans le cadre de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, dans le but d'en assurer la pérennité et de la renforcer."

 

"C'est un dossier éminemment politique", observe Flavien Neuvy, directeur de l'observatoire Cetelem de l'automobile : "l'industrie automobile est toujours une fierté nationale, l'histoire d'un pays. Et des liens très forts unissent les constructeurs nationaux et les Etats."

"Souvent, la participation de l'Etat n'est pas appréciée par les industriels et diluer celle de la France dans Renault peut être vue comme une bonne nouvelle. Mais en même temps, alors que les réglementations rendent les constructeurs de plus en plus fragiles, avoir un Etat actionnaire peut également être un avantage", souligne Eric Champarnaud.

 

Fermetures d'usines

 

Si l'avantage majeure d'une fusion reste la création d'économies, la crainte principale est que ces économies engendrent des rationalisations et des fermetures d'usines. Le projet a d'ailleurs immédiatement soulevé les inquiétudes des syndicats. FCA pesant pratiquement deux fois plus que Renault, il existe selon eux un risque que le constructeur français se retrouve à terme sous pavillon italien. "Je ne veux pas crier avant d’avoir mal, confie un délégué central de la CGT Renault. Mais cette fusion pose beaucoup de questions, notamment sur l’emploi. Avec Fiat nous sommes sur les mêmes marchés d’entrée de gamme. Les usines de Cléon et de Douai, sont déjà en baisse de charge. »

La direction se veut rassurante, mais les garanties d'aujourd'hui ne pèseront peut être pas lourds dans un an ou deux lorsque le durcissement des réglementations européennes donneront leur plein effet.

 

Qui dirige dans une holding à 50-50 ?

 

Enfin, dernière interrogation et pourtant pas la moindre. La proposition de fusion évoque une répartition à 50-50. "Mais qui commande en réalité dans une holding détenue à parts égales ? s'interroge Flavien Neuvy. "Si l'idée est sympathique sur le papier car cela ménage les susceptibilités, la réalité du business donne le pouvoir en réalité à une seule partie, sous peine d'attentisme et de blocage."

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