Fusion Renault et FCA : une opération gagnant-gagnant ?
Très mal en point, le groupe FCA est en ce moment l'objet de toutes les convoitises. Si les attentions s'étaient jusqu'ici polarisées sur une possible opération entre l'italo-américain et PSA, c'est avec un autre groupe français que l'affaire pourrait être finalement conclue. Sorti du bois il y a quelques semaines seulement, Renault a confirmé aujourd'hui étudier la proposition de fusion émise par FCA.
Une entité incontournable dans le monde automobile
C’est un véritable coup de tonnerre dans l’industrie automobile, tant l’attelage ferait émerger une entreprise d'envergure. Quelques chiffres suffisent à s’en convaincre. A eux deux, FCA avec 4,8 millions de véhicules vendues et Renault, 3,9 millions d’unités, constitueraient le nouveau géant de l’industrie automobile, se classant au troisième rang mondial avec un total de 8,7 millions de véhicules. Autres chiffres encore plus impressionnants : en ajoutant les volumes des partenaires japonais de Renault, Nissan avec 5,6 millions et Mitsubishi (1,2 million), l’ensemble pèserait entre 15 et 16 millions de ventes annuelles, soit près d’un véhicule sur six vendus dans le monde. Ensemble, FCA et Renault deviendraient ainsi numéro deux sur la zone Europe-Moyen-Orient-Afrique, numéro un en Amérique latine et numéro quatre en Amérique du Nord.
Marier FCA et Renault donnerait ainsi naissance au numéro trois mondial du secteur, pesant plus de 35 milliards d'euros en bourse dont 17 milliards apportés par Renault et 19 milliards par FCA. En se basant sur l'exercice 2018, le chiffre d’affaires consolidé pourrait atteindre près de 170 milliards d’euros dont 110 milliards apportés par FCA, tandis que le bénéfice net atteindrait 7 milliards d’euros, avec une proportion a peu près équivalente entre les deux constructeurs. Le bénéfice opérationnel pourrait cumuler 7,7 milliards d’euros, dont 3,6 milliards d’euros pour Renault et 4,1 milliards pour FCA.
La complémentarité des marques
Si la course à la taille s’impose évidemment comme l’un des enjeux majeurs du projet, pointent également des aspects plus stratégiques, notamment en termes de complémentarité de marques. Si Renault peut à l’heure actuelle se targuer de compter dans son portefeuille des marques généralistes et low-cost avec Renault et Dacia, le groupe FCA est en revanche porteur de marques spécialistes telles que Jeep, Dodge, RAM, mais aussi haut de gamme à travers Alfa Romeo, Chrysler, Maserati et, dans une moindre mesure Abarth. Sans oublier l’expertise des deux groupes en matière de véhicules utilitaires légers.
Le portefeuille des deux groupes est "large et complémentaire, et fournirait une couverture complète du marché, du luxe au segment grand public", pointe le groupe FCA dans un communiqué envoyé ce matin. Une évidence dans la complémentarité qu’a d’ailleurs souligné Edouard Schumacher, dirigeant de l’un des plus grands distributeurs automobiles français, Lamirault-Schumacher. "Renault et Fiat-Chrysler seraient sur le point de se rapprocher ! Quelle nouvelle incroyable ! Nous qui, au sein de LS Group, représentons déjà les marques Renault, Dacia, Nissan, Fiat, Fiat Pro, Abarth, Alfa Romeo et Jeep ne pourrions que nous réjouir d’un tel projet d’Alliance !", s'enthousiasme-t-il. Cette complémentarité se traduit également à travers les gammes de produits proposées par les deux groupes. Tandis que Renault reste essentiellement un spécialiste des petits véhicules, Fiat Chrysler, avec ses marques américaines Dodge, Ram ou Jeep, apporterait un savoir-faire dans les gros pick-ups et SUV.
Rester en Europe pour FCA, percer aux USA pour Renault
Cette complémentarité s’étend aussi au volet géographique : alors que Renault est complètement absent du marché nord-américain, le deuxième au monde derrière la Chine, FCA y réalise plus de la moitié de ses ventes. Sans oublier qu’un tel rapprochement pourrait aider le français à conforter ses positions en Amérique du Sud. "Renault accederait à un portefeuille de marques exceptionnel intégrant notamment Chrysler et Jeep, mais, en plus, s‘ouvre une voie royale d’accès au marché américain où l’on vend de grosses voitures, chères, avec des marges élevées", analyse Flavien Neuvy, responsable de l'Observatoire Cetelem. Cele ne fera en revanche pas du tout avancer les affaires du Français en Chine, un marché qui reste pour le moment quasiment inatteignable.
A l’inverse, ce rapprochement avec Renault, détenteur de 11 % de part de marché en Europe, pourrait permettre de sauver FCA dans cette zone, en proie à de très grandes difficultés. En raison d’années de sous-investissements, le groupe et plus particulièrement Fiat, marque fer de lance sur le Vieux Continent, se retrouve au creux de la vague en termes de nouveautés produits. Ainsi, FCA qui vit en Europe essentiellement des ventes de la citadine Fiat 500, a vu sa part de marché fondre de 6% en 2010 à 4,6 % l'an dernier.
Sans oublier que, toujours en raison de ce déficit d’investissements, le groupe italo-américain s’est mis dans une situation difficile en termes de respect des objectifs 2021 des émissions de CO2. On se rappelle d’ailleurs l'accord scellé y a quelques semaines avec Tesla afin de bénéficier de ses crédits de CO2 en Europe, moyennant bien sur une contrepartie financière. Renault peut donc apporter à FCA des moteurs thermiques performants, avec notamment une technologie hybride essence-électrique inaugurée cette année sur la nouvelle Clio. Le constructeur français, à travers sa Zoe, s'impose aussi comme leader européen de l'électrique, une technologie dans laquelle il a été pionnier. Ce leadership pourrait donc grandement aider FCA et, à plus forte raison, Fiat... si un avenir subsiste toutefois pour cette marque sur le Vieux Continent.
Des synergies par milliards
L’aspect pécunier n’est évidemment pas en reste dans ce potentiel rapprochement. FCA met en exergue des synergies annuelles générées par la fusion supérieures à 5 milliards d’euros. "Les bénéfices attendus (...) ne reposent pas sur des fermetures d'usines mais sur des investissements plus efficaces à l'échelle mondiale dans les plateformes communes de véhicules, les infrastructures, la motorisation et les technologies", explique le groupe qui a estimé qu’environ 90 % des synergies proviendraient des économies en matière d’achat, 30 % via l’optimisations de la R&D et 20 % de la production et des équipements. A titre d’exemple, ce dernier espère réduire le nombre cumulé de plateformes de véhicules d'environ 20 % et des catégories de moteurs d’environ 30 %. Ces économies ne se feraient en revanche pas au détriment de l’emploi, a jugé de préciser d’emblée le groupe italo-américain.
"Passer de 3,8 à plus de 8 millions de véhicules, c’est atteindre une taille critique permet de générer de synergies. Cet effet taille est un enjeu stratégique dans un contexte où les réglementations toujours plus ardues mettent les constructeurs en difficultés. Non seulement l’ensemble paiera les pièces moins chères mais en plus l’amortissement en recherche et développement sera plus rapide", confirme Flavien Neuvy. Enfin, a noter que cette fusion pourrait apporter plus de poids du côté de Renault, dans l’Alliance, à l’heure où les relations avec le japonais sont loin d’être au beau fixe.
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