BMW, entre prudence et ambitions
"BMW reste le groupe le plus rentable au monde", voilà qui, d’entrée de jeu, aurait dû rassurer les investisseurs du constructeur allemand. Mais derrière cette affirmation pleine d’assurance se cache une réalité bien plus nuancée. Et les résultats du groupe sur l’exercice 2018 l’ont d’ailleurs bien prouvé. L’année passée a surtout été marquée par une marge opérationnelle au-dessous du seuil considéré comme fatidique pour le groupe premium, à 7,2 %.
Malgré des résultats commerciaux globalement positifs pour la captive et toutes les marques, exceptée Mini (voir tableau 2), le hausse du prix des matières premières, la menace des droits de douane et d’un Brexit dur, le déclin de marchés primordiaux comme la Chine, sans oublier, pour la zone Europe, le cycle WLTP, ont pesé négativement sur les résultats. Tous les autres ratios financiers ont ainsi affiché une évolution négative : le chiffre d’affaires a reculé de 0,8 % pour s’établir à moins de 97,5 milliards d’euros et le résultat opérationnel s’est replié de près de 8 % pour se limiter à 9,1 milliards d’euros. Le résultat net a quant à lui affiché un plongeon de près de 17 %.
L’année 2019 est pressentie tout aussi difficile pour le groupe allemand. Si les ventes de véhicules de BMW et Mini devraient légèrement s’accroître, avec, notamment, la montée en puissance de la nouvelle Série 3 ou encore l'arrivée de la nouvelle Série 1 à Francfort, la marge opérationnelle de la branche automobile du groupe bavarois devrait ressortir entre 6 % et 8 %. Et serait ainsi, pour la deuxième année consécutive, en dessous de l'objectif à long terme de 8 %. "Dans un tel environnement, un objectif de 6 à 8 % est tout de même audacieux", note Harald Kruger, le PDG du groupe. Autre ratio à souligner, le bénéfice avant impôts devrait être en repli d’au moins 10 %. Il était déjà en baisse de 8,1 % sur l’exercice 2018. Et le pire serait peut-être à venir. "Si le refroidissement de la conjoncture au niveau mondial s’aggrave, cela aura un impact sur nos prévisions", prévient le groupe.
Investir oui mais économiser aussi
Dans ce contexte, la présentation des résultats annuels était donc aussi l’occasion pour le groupe de se montrer rassurant sur ses capacités à innover… mais aussi sur sa façon prudente de piloter ses dépenses. "Il faut investir sur les sujets porteurs de l’avenir : l’électrique, le véhicule autonome et les mobilités", le mot d’ordre est donné par Harald Kruger qui détaille un plan produit très largement tourné vers l’hybride rechargeable. Au menu, des X3, X5, Série 3 et 7 dotés de cette technologies. Au total, le groupe lancera 25 modèles électrifiés à l’horizon 2025, dont 12 tout électriques. A plus proche échéance, c’est-à-dire en 2020, le catalogue devrait être composé de 10 modèles électrifiés. Lancé dans cette course à l’électrique, le groupe écarte cependant tout danger de dépendance ou de risques de "cheval de Troie" au profit des constructeurs asiatiques, comme l’évoque souvent Carlos Tavares. "Nous allons ouvrir dans quelques semaines à Munich un centre de recherche avec 400 ingénieurs pour la production des cellules. Nous soutenons toutes les initiatives européennes qui vont dans le sens d’un acteur européen de production de cellules et de gestion de cycle de vie des batteries", assure Harald Kruger.
"Notre offensive sur l’électrifié, contrairement à d’autres constructeurs, a débuté depuis longtemps. Pour preuve, au 2018, nous avons écoulé 140 000 véhicules électrifiés et sommes leader en Europe avec 17 % de part de marché. Vous pouvez nous faire confiance, BMW est rapide et flexible", poursuit le dirigeant. Il se veut rassurant alors que l’épée de Damoclès nommée CO2 plane au-dessus de toutes les têtes. "Grâce aux véhicules électrifiés, je pense que nous serons en mesure de respecter la législation de l’Union Européenne", estime-t-il. Une déclaration bien optimiste au regard des derniers résultats de l’Allemand. Pour rappel, en Europe, selon les dernières données de Jato, la marque BMW a atteint un grammage moyen de 128,9 g, soit un bond de plus de 7 % par rapport à 2017.
Et alors que les ardeurs se calment sur les véhicules autonomes – PSA a par exemple annoncé renoncer à une conduite autonome supérieure au niveau 2 pour le marché des particuliers – BMW a confirmé ses ambitions sur ce sujet. Tandis que les premières briques ont été posées en 2016, le groupe allemand a confirmé l’avènement des technologies de conduite autonome de niveau 3 pour 2021 et la poursuite des investissements pour les niveaux 4 et 5. Sur le sujet de la mobilité, marché sur lequel BMW s’est associé à Daimler via cinq co-entreprises, le groupe BMW a jugé qu’il était "trop tôt pour parler de revenus ou de rentabilité", mais a indiqué "être prêts à investir dans ce pilier qui soutient notre activité clé."
Droits de douane et Brexit en toile de fond
Mais ces courses folles au CO2 et à la conduite autonome nécessitent des enveloppes considérables. S’ajoutent, comme l’année précédente, des incertitudes liées à l’impact sur l’évolution des taux de change, à la fluctuation des matières premières mais aussi à l’évolution des droit de douanes entre les Etats-Unis et l’Europe. Incertitude qui a toutefois déjà coûté au groupe 270 millions d’euros en 2018. L’Allemand se veut cependant optimiste sur ces deux sujets sensibles. "Nous ne voyons pas les droits de douanes entre les deux marchés augmenter. Nous défendons le principe du commerce international libre, synonyme de prospérité et croissance", souligne Harald Kruger, qui rappelle que le groupe allemand s’impose comme le plus grand exportateur de volume aux Etats-Unis, avec 70 000 emplois créé dans le pays, dont 11 000 en Caroline du Sud.
"Le Brexit pèsera également dans le bilan de l’exercice en cours mais nous partons du principe qu’il n’y aura pas de Brexit dur. Si c’est le cas, cela créera un émoi dans l’approvisionnement, mais qui ne sera pas durable", affirme Oliver Zipse. Qui a tout de même prévu une réserve de plusieurs centaines de millions pour se préparer à l’impact de ce Brexit. Quid d’un possible déplacement de la production ? "Nous avons déjà travaillé sur notre chaîne de livraison et pouvons envisager une interruption de production en avril. En sommes, nous avons utilisé les capacité que notre réseau de production flexible offre", ajoute le membre du board en charge de la production. Une préparation technique qui a toutefois déjà couté des millions d’euros au constructeur.
Un plan de 12 milliards d’économies
C’est dans ce contexte que le groupe automobile a annoncé un plan d’économie de 12 milliards d’euros d’ici fin de 2022, dans le cadre de son programme NEXT. "Notre objectif est de devenir plus rapide, plus rentable et plus efficace. Nous nous concentrons spécifiquement sur trois domaines : la clientèle et la vente, les véhicules et l’organisation et structures", confie Harald Kruger.
Avec une première conséquence directe de cette stratégie : à partir d'avril, l’entreprise ne comptera plus qu’une division des ventes pour les trois marques BMW, Mini et Rolls-Royce. Elle sera connue en interne sous le nom de C division, C comme client. "Cela montre bien notre volonté de nous concentrer sur le client", souligne Harald Kruger. Cette division sera chargée de créer une expérience de marque cohérente dans toutes les concessions. "Ce conseil de direction restreint envoie le bon signal, prouve que nous allons vers des structures systématiquement rationalisées. La recherche d’efficience atteindra aussi l’outil industriel. Les coûts de production n’ont de cesse de s’élever, nous devons donc optimiser de façon continue processus et coût structure au niveau usine", reprend-il. Une stratégie qui pose la question de l’impact sur les réseau de distribution. "Il n’y aura pas d’impact sur le réseau et son organisation, alors que BMW et Mini partagent déjà bon nombre de structures et de process", assure la firme allemande.
Rationalisation des gammes et impact sur les cols bleus
La rationalisation aura aussi ses conséquences sur le catalogue du groupe munichois. "Nous continuerons à développer le diesel mais sommes convaincus qu’il n’est pas nécessaire de proposer plus de cinq variantes de diesel sur une série. Ce qui aura un impact positif sur les coûts", a prévenu la marque. Fini les variantes peu demandées donc. La Serie 3 Grand Turismo a d’ailleurs été le premier véhicule à faire les frais de cette stratégie, qui n’a cependant pas empêché le groupe de présenter sa Série 2 Grand Coupé, disponible courant 2020.
Une question été sur toutes les lèvres suite à l’annonce de ce plan d’économie : quel impact sur l’emploi ? "Il n’y a pas de débat sur les licenciements, nous sommes à l’équilibre", a assuré Harald Kruger. Pas de licenciements secs donc, mais le groupe a toutefois confirmé l’ajustement de ses effectifs dans ses usines, à la faveur de pré-retraites ou de départs à la retraite. 4 000 départs ont déjà été enregistrés en 2018, dont 1 500 en pré-retraite et 2 500 en fluctuation annuelle. "Nous n’excluons pas d’autres ajustements sur certains sites à moyen terme, mais toujours sans avoir recours à des licenciements secs". L’impact de ces annonces sur le cours de l’action ne s’est pas fait attendre. Entre l’ouverture et la fin de matinée, l’action perdait plus de 3,6 % de sa valeur à 71,51 euros au plus bas.
Alice Thuot
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