Mathieu Blaise, Allopneus : "Nous sommes l’un des rares à pouvoir combiner croissance et profitabilité"
JA : Pourquoi vous faites-vous si rare dans les médias, alors même que votre marque y est omniprésente ?
MB : Personnellement, je n’y prends aucun plaisir particulier et je pense aussi que, dans notre métier, la discrétion est un atout. Nous préférons que l’attention soit davantage portée sur la marque Allopneus que sur la famille Blaise. C’est une philosophie qui nous réussit puisqu’aujourd’hui, d’après les enquêtes consommateurs, notre notoriété online est deux fois supérieure à celle de Norauto, par exemple. Cette reconnaissance est une satisfaction dans le sens où cela concrétise tous nos investissements et nos efforts pour valoriser notre marque.
JA : Comment votre activité s’est-elle comportée en 2018 ?
MB : Nos résultats sont en cours de consolidation mais nous avons enregistré une légère augmentation de notre chiffre d’affaires alors même que le marché a vécu un exercice compliqué, principalement à cause d’une très forte tension sur les prix. Au global, notre part de marché est restée stable puisque nous pesons toujours environ 10 % des ventes totales de pneumatiques en France, et plus de la moitié de celles en ligne (marché qui pèse lui-même environ 18 % du total, ndlr). Alors que nous entamons notre 15e année, il est intéressant de constater que nous avons su développer puis préserver un modèle rentable, qui génère de la croissance en dépit des fluctuations du marché. Nous sommes l’un des rares acteurs du web à pouvoir combiner croissance et profitabilité. En 2018, nos investissements pour renforcer les équipes logistiques et supply chain ont notamment contribué à cette dynamique.
JA : L’incendie dont votre plateforme de Valence a été victime, le 24 août 2018, a-t-il eu un impact ?
MB : Déjà, je tenais à dire que c’est une date qui restera gravée dans l’histoire de la société. Cet incendie a été une véritable épreuve pour Allopneus, et tous nos collaborateurs ont réagi de manière extrêmement professionnelle et solidaire. C’est grâce à leur implication que nous avons pu traverser la période hivernale sans encombre et tenir tous nos engagements vis-à-vis de nos clients. Pour en revenir à votre question, bien entendu que cet incendie a eu, et a toujours un impact sur notre bon fonctionnement. 25 % de nos capacités de stockage sont sinistrées, soit 4 cellules sur 14 qui restent inexploitables. Avec du recul, on se rend bien compte de la robustesse et de la fiabilité de notre structure. Les équipements dernier cri de notre bâtiment, dans lequel nous avons énormément investi (40 M€, ndlr), ont permis d’éviter une catastrophe.
JA : Côté produits, la très forte croissance des 4 saisons s’est-elle retrouvée chez vous ?
MB : Clairement. Les pneus 4 saisons progressent très rapidement, de l’ordre de 50 % chez nous en 2018, et représentent 13 % de nos ventes, soit deux fois plus que sur l’ensemble du marché. C’est un segment qui reste certes une niche au global, mais qui performe chez nous car Internet favorise ce type de marché. Contrairement à la distribution traditionnelle, nous avons vocation à proposer l’offre la plus exhaustive possible, sans crainte de voir de nouveaux produits cannibaliser d’autres segments. Nous croyons fortement dans les pneus 4 saisons, car c’est une bonne alternative pour des clients à la recherche de produits polyvalents, correspondant à leur usage. Et sur le plan commercial, c’est un segment qui a une vraie valeur, un réel intérêt, donc nous avons tout intérêt à le promouvoir.
JA : Plus globalement, quelles sont les grandes lignes de votre stratégie produit ?
MB : Notre stratégie répond à la demande naturelle du marché, et celle-ci nous oblige à stocker toutes les références possibles. Dans ce contexte, chez Allopneus, deux sujets sortent du lot. D’une part, les produits à forte valeur ajoutée que sont les pneus UHP et ceux pour SUV. D’autre part, l’équipement d’origine. Chez nous, à la différence de la distribution physique où l’automobiliste peut être conseillé et orienté vers un produit standard, le client est autonome face à son écran et va généralement vers un pneumatique référencé par la marque de sa voiture. Or, il est courant de compter dix références différentes pour un même modèle. Aujourd’hui, notre dépôt est structuré de telle sorte à faire face à cette hausse exponentielle du nombre de références. Nous souhaitons nous démarquer en stockant tous les marquages OE.
JA : Vous vous êtes illustrés l’an passé en reprenant la plateforme Popgom, implantée en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Espagne. L’internationalisation d’Allopneus est donc en marche ?
MB : Je voudrais tout d’abord rectifier une chose : contrairement à ce qui a été dit et écrit, nous n’avons pas racheté Popgom. Ce n’est ni une reprise de la marque, ni du fonds de commerce, c’est une reprise de la clientèle. En France, il y a eu une cessation d’activité qui s’est opérée et nous avons amené la clientèle Popgom à se rediriger vers Allopneus. Nous avons fait de même en Belgique et aux Pays-Bas depuis la mi-janvier. Tout ceci concrétise effectivement nos ambitions de nous développer à l’international. Toujours par le même biais, nous nous déploierons d’ici la fin du premier semestre en Espagne et, à moyen terme, nous souhaitons nous implanter sur d’autres marchés proches de l’Hexagone. L’Allemagne n’est pas forcément un objectif car c’est un marché compliqué, où le business online est très mature. Or nous préférons nous concentrer sur des pays où le business est moins développé.
JA : Pourquoi ce sujet de l'internationalisation a-t-il mis autant de temps à voir le jour ?
MB : Tout simplement parce que nous avons pris le temps de consolider le business model d’Allopneus en France plutôt que de disperser des ressources et de l’énergie à l’international. Maintenant que cela est fait, nous pouvons l’exporter ailleurs mais avec la même prudence. Pour garantir un niveau de service optimal, il nous faut un réseau de montage d’envergure. C’est une tâche qui prend du temps. C’est pour cela que nous nous concentrons actuellement sur deux marchés. Nous débutons en Belgique et aux Pays-Bas avec environ 250 monteurs sur chaque marché et l’objectif est d’en rassembler environ un millier d’ici deux ans. Nous nous internationalisations de façon ambitieuse, mais très progressive et pragmatique.
JA : En 2018, l’univers du pneumatique en ligne a beaucoup évolué, notamment avec la reprise de 1001Pneus par Cdiscount et l’arrivée d’Oscaro. Quel regard portez-vous sur ces changements ?
MB : Comme je le disais en préambule, combiner croissance et profitabilité demeure très complexe. Les difficultés rencontrées par 1001Pneus le prouvent. Ce n’est évident pour personne. Je me garderai bien de juger de la stratégie de Cdiscount, d’Oscaro, ou même d’Amazon qui s’est aussi positionné, car je ne la connais pas. Ce que je sais, en revanche, c’est que pour beaucoup d’acteurs de la pièce en ligne, le pneu reste avant tout un complément et n’a jamais dépassé les 10 % du chiffre d’affaires. C’est toute la différence avec Allopneus. Notre offre produit, nos services, notre organisation, notre logistique… tout a été construit autour du pneu. Aujourd’hui, ce produit est une porte d’entrée dans l’univers automobile mais les spécialistes que nous sommes sont toujours plébiscités car le pneu est un poste de dépense important, en moyenne trois fois supérieur au panier moyen du e-commerce en France, tous produits confondus, ce qui nécessite une expertise et un accompagnement.
JA : A l’instar d’Oscaro, comptez-vous vous diversifier en distribuant de la pièce ?
MB : Absolument pas. Si l’on s’applique à nous-mêmes cette logique de spécialiste, la pièce est un business à part entière, qui n’est pas le nôtre. Nous nous appelons Allopneus et les gens viennent chez nous pour des pneus, pas pour de la pièce.
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