ZFE : un véritable casse-tête social et politique
Selon un sondage de l’IFOP pour OVO Energy France, seuls 15 % des Français se disent prêts à acheter un véhicule électrique dans les années à venir. Pourtant, ils sont 66 % à penser que les véhicules thermiques auront disparu de la circulation dans 20 ans. Un paradoxe étonnant qui est le reflet des mesures et contraintes qui se profilent à l’horizon pour l'ensemble du secteur automobile. Dans ce contexte, les Zone à faibles émission - mobilité (ZFE-m) mettent pas mal de bâtons dans les roues de la filière. La PFA à remis le sujet à jour en organisant une table ronde, ce mercredi 24 novembre 2021, avec pour thématique : Quel équilibre entre nécessité environnementale et acceptabilité sociale ? Pour rappel, à l’horizon 2025, les ZFE concerneront les agglomérations de plus de 150 000 habitants. 45 zones de ce type seront étalées sur le territoire, ce qui devrait concerner plus de 8,7 millions d’automobilistes.
Trop de liberté accordé aux métropoles ?
Selon Jean-Luc Fugit, député du Rhône, vice-président de l’OPECST et fervent défenseur de ces ZFE : "Ces zones sont d’excellents outils, mais ils ne sont pas exploités de la meilleure des façons". Pour l’élu, les contours de la loi ne sont pas suffisamment bien délimités, ce qui permet à certains maires écologistes d’aller trop loin et trop vite. Le député de la majorité explique qu’il faut placer ces zones de "manière progressive". Au début de la table ronde, Bernard Jullien, maître de conférence à l’Université de Bordeaux, affirmait que “l’État se défausse du sujet sur le dos des collectivités”. Propos retoqué plus tard par Jean-Luc Fugit.
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Le député affirme ainsi : "Ce n’est pas vrai, nous avons élaboré la loi avec les collectivités. L’État donne une orientation avec cette norme. Les collectivité veulent une décentralisation, donc nous leur donnons une certaine liberté. Ce sont à elles de fixer leur planning, car les territoires ne sont pas les mêmes." En prenant l’exemple de la métropole de Lyon, déjà concerné par une ZFE et qui devrait durcir les restrictions en 2022, il ajoute : "Pour le moment elle n’est pas contraignante... elle ne concerne pas encore les particuliers, elle est encore en discussion et il y a un travail de pédagogie à faire. Ce n’est pas sur sa mise en place que je suis inquiet, c’est sur l'accélération des restrictions que les responsables de la métropole de Lyon souhaitent. Quand ils affirment qu'en 2026 les Lyonnais ne pourront plus utiliser de véhicules diesel dans les métropole, ce n’est pas raisonnable. Nous ne pouvons pas considérer le véhicule Euro 6A comme le véhicule Euro 6B."
Pour les intervenants de la table ronde, certains responsables de métropole utilisent les ZFE comme un outil pour aller contre les véhicules et contre l'économie. "C’est la responsabilité du gouvernement de mettre des gardes-fous sur ce sujet-là", indique Oliver Six, le président de la commission attractivité et développement économique Grenoble-Alpes Métropole.
Une potentiel fracture sociale future
Il faut noter que des ZFE sont déjà misent en place dans certaines métropoles, comme Paris, Lyon ou encore Grenoble. Oliver Six observe, qu’en 2020, 15 % des véhicules Crit'air 4 et 5 et 30 % des véhicules Crit'air 3 sont encore en circulation dans la métropole grenobloise, ce qu'il qualifie de“masse importante”. "L'âge moyen du véhicule en France, c’est 10 ans. Quand à la durée de vie moyenne, c'est le double. Il faudrait une génération pour renouveler le parc. Au sein de la Commission, nous avons fait un calcule rapide : si nous voulons tenir l’objectif de faire disparaitre 100 % des véhicules diesels d’ici 2025, il faudrait 12 ans de production intensive de toutes les usines qui produisent des véhicules”.
Un enjeux qui semble en dehors de la réalité pour Olivier Six. Bernard Jullien regrette que le sujet ait mal été appréhendé : “Pendant longtemps les responsables politiques ont réfléchi en matière d’immatriculation et peu en termes de parc. Si nous nous basons sur les chiffres des assureurs, il y a de quoi être pessimiste quant au respect des objectifs à atteindre avec les ZFE.”
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Face au défi qui se profil pour la filière, la Ligue de défense des conducteurs demande un moratoire concernant les ZFE. La responsable du pôle étude de l'association qui compte près d'un million de membre, Alexandra Legendre, explique les tenants de cette demande de délai supplémentaire : "Bien sûr, nous sommes en faveur d’une amélioration de la qualité de l’air et nous ne sommes pas là pour rejeter tout ce que fait le gouvernement. Le moratoire n’est d’ailleurs pas daté. Nous demandons juste que dans "transition écologique", le mot transition soit respecté. C'est sur la capacité financière que va se jouer l’acquisition des véhicules tolérés dans les ZFE. Si vous bousculez le français moyen, qui ne peut pas acquérir ce véhicule, vous allez créer un rejet de cette mesure qui semble pourtant de bon sens à nous aussi".
En parallèle, elle insiste sur les problématiques liées à une carence de communication de la part du gouvernement. Olivier Six se désole pour sa part d'un manque d’alternatives, en particulier pour les VU et les intervenants s'accordent pour dire qu’une pénurie d’information, de soutien et de contrôle ne pousse pas les automobilistes à respecter les restrictions. "Le jour où les automobilistes recevront une contravention dans leur boîte au lettre sans savoir pourquoi, ça risque d’être problématique", affirme Alexendra Legendre. Dans la société, les enjeux des ZFE ne semblent pas être entièrement saisis par les conducteurs. Bernard Jullien évoque avec humour des "ZFE pour Zones Fortement Éruptives."
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