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Industrie

Pneumatique : Les enseignes dans la course

Publié le 6 mai 2015

Par La Rédaction
10 min de lecture
Quatre réseaux de négociants spécialistes réunis pour évoquer les enjeux du marché. First Stop, Profil Plus, Point S, Siligom ont échangé pour nous sur la concurrence du secteur et la recherche de rentabilité, ainsi que sur l’attrait des accords grands comptes et l’apport du digital.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Le Syndicat du pneu a annoncé dernièrement un recul des parts de marché des négociants spécialistes, avec une montée en puissance des concessionnaires et des réparateurs indépendants. Qu’en est-il dans vos réseaux respectifs ?

PASCAL AUDEBERT,
directeur général de Profil Plus.

Nous avons réalisé de bons résultats sur 2014. D’une année sur l’autre, un canal prend toujours un peu le dessus sur les autres, et cela tourne entre les acteurs. Nous avons l’habitude d’une forte concurrence dans le milieu du pneumatique, ce depuis des années, et elle devient de plus en plus exacerbée. Ainsi, les pure players du Net se sont imposés comme un canal à part entière, prenant entre 8 et 12 % de parts de marché. Ils ont particulièrement impacté les centres-autos. Mais, dans l’ensemble, il n’y a pas de canal qui ressorte comme un grand gagnant, et Profil Plus a su conserver ses parts de marché et cherche de la marge en réalisant d’autres prestations complémentaires.

CHRISTOPHE ROLLET,
directeur général de Point S.

Le marché se révèle mature, sans grand bouleversement. En revanche, la vraie tendance de 2014, qui se poursuivra sur 2015, c’est la chute des prix et l’écrasement des marges. Sur ce point, nous nous en sortons un peu mieux, en misant sur notre marque d’enseigne (MDE). Nous ne la poussons pas spécialement, mais le réseau l’a pleinement adoptée et elle a été poussée avec la crise. Elle permet à nos adhérents de se dissocier de la concurrence, de maintenir les marges, et également de porter l’image de l’enseigne. Seul bémol, il convient de faire attention à son positionnement, et qu’elle ne devienne pas une marque budget.

LAURENT PROUST,
président de First Stop/Metifiot.

Nous possédions une marque de distribution, mais l’offre a été retravaillée et, désormais, nous proposons en exclusivité dans nos centres la marque Dayton, qui appartient à Bridgestone. Cette exclusivité nous permet de nous différencier face à la concurrence. Et sur ce point, nous n’avons pas ressenti l’impact des constructeurs, bien qu’ils démontrent une plus forte agressivité en après-vente. Les offres des pures players du Net nous touchent davantage. Pour autant, la progression de ce canal s’est vue ralentir par la pression des centres-autos, qui ont apporté des solutions comme le “click and collect”. Certes, le client veut du prix, mais il plébiscite aussi la proximité et le service.

OLIVIER PASINI,
directeur général de Siligom.

Le marché 2014 se situe entre 0 et - 0,5 %, sans grande évolution des forces en puissance. Les pure players en ligne se situent autour de 12 % de part de marché, mais ne devraient pas monter plus. Point positif, on assiste à une progression du panier moyen dans nos centres, due à l’élargissement des tailles. De plus, nos réseaux jouent la carte du pneu industriel, qui offre des marges plus confortables, avec davantage de services. Ces prestations nous permettent de tirer notre épingle du jeu face à la concurrence.

La diversification au cœur des enjeux

OLIVIER PASINI. Les marges diminuent, mais le pneu reste un formidable produit d’appel pour la diversification du réseau. S’il représente encore 75 % de l’activité, nos centres interviennent désormais de plus en plus pour du diag ou des opérations d’entretien courant.

CHRISTOPHE ROLLET. L’activité pneu pèse 70 % en volume, mais contribue à 50 % dans la rentabilité des centres. Notre logique consiste à répondre aux attentes des clients, en leur offrant un maximum de services, et ainsi sortir de la bataille du prix. C’est le principe du “One Stop Shopping”. Les acteurs du Web ont certes pris des parts de marché, mais pas autant qu’ils l’avaient imaginé. De plus, on devrait assister à une concentration des acteurs sur le marché, car le métier se complexifie, avec des marges faibles. Michelin a par exemple racheté Ihle en fin d’année et vient d’investir dans Allopneus…

LAURENT PROUST. Sur le TC4, il se révèle extrêmement difficile de vivre uniquement du pneu, même avec l’arrivée de prestations complémentaires comme le TPMS. En industrie, la donne change, car le métier se montre plus technique, avec un besoin plus fort de services. Le réseau doit répondre avant tout aux besoins des clients, et ces derniers souhaitent que nous puissions nous occuper de tout. Il s’agit d’un vrai changement de culture, en peu de temps. Pour nos adhérents, cela demande d’évoluer sur le métier et sur le fonctionnement du point de vente. Il devient impératif d’apporter de la valeur ajoutée.

PASCAL AUDEBERT. On peut vivre du seul pneu, mais il est dommage de se couper d’autres prestations ! Cela suppose de ne pas se limiter au TC4, mais de travailler l’ensemble de la famille pneumatique en BtoB et en BtoC. Je n’aime pas le terme “diversification”, qui laisse supposer que l’on perd une expertise. Dans nos centres, le pneu pèse 90 % du chiffre d’affaires et sur le TC4 uniquement, on tombe à 75 %. L’important consiste surtout à remettre le client au milieu de la réflexion. Il doit venir pour le pneu, mais revenir pour une autre prestation.

Savoir-faire et faire savoir

LAURENT PROUST. Pour informer les clients sur le panel désormais large de prestations réalisées dans nos centres, un négociant spécialiste doit prendre le temps d’échanger. Mais ce changement de culture demande du temps pour s’instaurer au sein des équipes. Le taux de remplacement du pneumatique reste plus faible que l’entretien réparation et il convient d’utiliser des outils CRM, avec des communications ciblées, pour conserver le lien avec le client. Enfin, une communication nationale reste un outil non négligeable en efficacité.

OLIVIER PASINI. Il faut impérativement communiquer et, cette année, nous changeons notre message qui portera sur le pneu et l’entretien. Nous réalisons parallèlement un gros travail de fond pour former les adhérents et leur donner les clés de la réussite. Eux-mêmes doivent se montrer convaincus par ces évolutions.

PASCAL AUDEBERT. Spécificité de l’enseigne, Profil Plus se compose d’une trentaine d’adhérents, et chacun gère son poste formation. Toutefois, depuis deux ans, nous avons décidé de mettre en place des modules propres au réseau, notamment sur le sujet du management. Et nous sommes largement sortis des formations des manufacturiers avec la diversification. D’ailleurs, les profils changent dans nos centres et, depuis deux ans, nous constatons que les adhérents recrutent de plus en plus de mécaniciens. Cela démontre bien qu’ils sont convaincus qu’ils doivent évoluer.

JA. Les flottes représentent une cible particulière. Quelles actions mettre en place pour les séduire ?

LAURENT PROUST. Leurs attentes se révèlent de plus en plus fortes. Elles demandent ainsi parfois un réseau européen. Autre exigence forte, un engagement du respect des “températures”. (C’est-à-dire que le point de vente propose des produits des marques choisies par l’entreprise, dans les proportions définies par l’accord-cadre, N.D.L.R.). Ce qui se révèle compliqué avec les indépendants. Enfin, la dimension prix reste importante, mais la proximité et la qualité d’accueil des clients constituent des éléments clés. Nous avons par exemple investi dans nos points de vente pour disposer du Wi-Fi dans nos centres. Les flottes veulent un service de qualité.

CHRISTOPHE ROLLET. Les adhérents maîtrisent la gestion des accords-cadres, par obligation. Les loueurs signent des accords précis et se montrent très à cheval sur le respect de ceux-ci. On ne peut pas transiger avec le respect du cahier des charges et ce, dans tous les points de vente. Par exemple, on ferme le système au niveau du siège quand on voit que le réseau dépasse la part de marché d’une marque octroyée par tel loueur longue durée. Par ailleurs, les flottes attendent aussi des services. Ainsi, la prise de rendez-vous en ligne devient un impératif. Et ce n’est pas simple à mettre en place, dans 450 points de vente ! Nous devons répondre à une demande sous une heure. Si le centre ne le fait pas, nous prenons la main pour imposer le rendez-vous.

OLIVIER PASINI. Pour travailler avec les flottes, nous avons fondé EuroGom, avec le réseau Côté Route, et Eurotyre comme troisième partenaire. Le maillage atteint ainsi 450 points de vente. Tous disposent d’un progiciel pour traiter les grands comptes. Le service revêt de l’importance, particulièrement en industrie, où les clients régionaux attendent une assistance et un dépannage rapides.

PASCAL AUDEBERT. Dans le domaine industriel, les négociants spécialistes sont habitués aux accords grands comptes. Dans tous les cas, le travail des flottes demande beaucoup de gestion car, à part les loueurs, beaucoup ne connaissent pas exactement le détail des véhicules en parc. Et, à l’avenir, nous devrions arriver en TC4, comme en industriel, à raisonner en prix de revient et non en prix d’achat. Nos prix doivent bien sûr rester en lien avec le marché, mais la demande pour des services monte. Or, nous ne pouvons plus baisser les tarifs. Le rechapé pourrait ainsi redevenir une alternative à l’avenir, même dans le TC4.

De l’importance croissante du digital

LAURENT PROUST. Depuis quatre ans, nous vendons des pneumatiques en ligne. Nous avons beaucoup appris de cette expérience. Il s’agit avant tout d’un outil de conquête puisque 70 % des acheteurs sont des nouveaux clients. Le paiement se fait en ligne, et le client se voit redirigé vers le centre de montage le plus proche. La quasi-totalité du montant revient au point de vente. Les prix ne sont pas uniques puisque le client choisit un centre dans son processus d’achat.

PASCAL AUDEBERT. J’étais convaincu, au départ, que le canal Web ne prendrait jamais… Il a réalisé une montée fulgurante, et nous avons tardé à réagir. Puis nous avons muté, comme d’autres réseaux, et les enseignes reprennent le dessus. Les gens se renseignent sur Internet, mais ils comptent aussi énormément sur la proximité et la réputation d’un centre. Beaucoup viennent avec un devis réalisé en ligne, mais nous sommes pleinement décomplexés sur le sujet, car nous avons su nous adapter. Quand un automobiliste se rend dans un centre, il repart avec des pneus. Internet l’a rassuré sur le prix, mais dans un centre, il trouvera en plus des conseils techniques pour le choix de ses pneus.

OLIVIER PASINI. Nous prévoyons de lancer d’ici la fin de l’année notre nouveau site Internet. Le digital ne s’oppose pas au commerce physique, et il permet de faire de la conquête. De plus, le réseau physique offre aux clients une sérénité dans l’acte d’achat. Le poids d’une enseigne rassure, charge au réseau de transformer ensuite.

CHRISTOPHE ROLLET. Internet demande un investissement financier et humain fort, pour une faible rentabilité. Le jeu n’en vaut pas la chandelle, d’autant que les clients Web se révèlent difficiles à fidéliser. Nous préférons placer ces moyens dans le réseau, en déployant une vraie stratégie retail. Toutes nos actions menées en ligne doivent générer du trafic dans nos centres. Par ailleurs, l’instauration d’un prix unique nous gêne, chaque centre doit pouvoir proposer des tarifs en lien avec son marché local. De plus, nous avons testé la vente de pneu en ligne en ouvrant pendant un an un site, Puissance Pneu. Nous en avons conclu que la vente en ligne ne s’apparente pas au métier de négociant spécialiste. Nous restons bien sûr attentifs au marché, mais nous ne serons pas précurseurs sur ce canal.

PASCAL AUDEBERT. Le développement du canal Internet a été très perturbant pour le secteur de l’automobile. Dans le pneumatique, l’internaute accède à une multitude de marques et il se trouve à comparer un produit Premium avec une marque complètement inconnue. Les écarts de prix contribuent à la mauvaise image du métier, et renforcent la vision du garage/voleur.

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FOCUS

Profil Plus
• Création : 2003
• Centres : 200 (et 160 partenaires)
• Adhérents : 30
• CA : 330 à 350 millions d’euros

Point S
• Création : 1971
• Centres : 451
• Adhérents : 330
• CA : 420 millions d’euros

First Stop (Bridgestone)
• Création : 2005
• Centres : 333 (101 filiales)
• Adhérents : 210
• CA : ‹ 300 millions d’euros

Siligom
• Création : 1998
• Centres : 175
• Adhérents : 156*
• CA : NC
 

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