"Pneu Expo s’est comporté comme le réseau social de la tribu du pneumatique"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Comment un éditeur de presse devient-il organisateur de salon ?
Eric Bigourdan. Je suis membre du syndicat de la Presse Pro, qui organise des réunions régulières. Lors de ces rencontres, chacun échange ses “best practices” pour tenter de sortir la presse papier de sa spirale de dégringolade. L’une des voies est l’événementiel. J’ai rencontré un éditeur qui a choisi d’organiser le salon de l’entretien du textile, et cela m’en a donné l’idée.
Notre cœur de métier tournant autour du pneumatique, il était logique de s’orienter sur ce sujet, car nous disposions de toutes les bases de données pour toucher visiteurs et exposants potentiels. Par ailleurs, j’ajouterais qu’il n’existait pas de salon dédié au pneumatique en France, et que le Reiffen Messe allemand fonctionnait bien, sans oublier Autopromotec, qui fait la part belle au secteur…
JA. Il n’en reste pas moins qu’organiser un salon, c’est un métier !
EB. C’est exact. Nous nous sommes donc rapprochés d’un spécialiste de l’organisation de salons, Michel Morlat, qui s’est chargé d’Equip Auto pendant vingt ans et s’occupe également d’Autopromotec à Bologne depuis plusieurs éditions. C’est une aide précieuse, car en tant que consultant, il nous a fait gagner un temps précieux, grâce à ses nombreux contacts. En revanche, tout le reste, l’opérationnel (conférences, trophées…), a été réalisé en interne par nos équipes. 15 personnes qui ont dû apprendre de nouveaux métiers.
JA. Avez-vous jaugé le marché avant de vous lancer ?
EB. C’est Jean Pierre Gosselin, un de mes journalistes, un expert dans le monde du pneumatique, qui a réalisé une petite étude de marché et de faisabilité. Il a rencontré plusieurs chefs d’entreprise influents sur le secteur, négociants, réseaux, équipementiers, qui se sont montrés réceptifs. Pour ma part, j’ai tenté de rencontrer Michelin fin septembre 2010, puisque le manufacturier me semblait incontournable en France. Ils n’ont finalement pas souhaité soutenir le projet, peut-être ont-ils considéré qu’ils avaient suffisamment de parts de marché sur le territoire… Mais le problème, c’est qu’à la suite de cette première décision, les autres manufacturiers ont suivi le mouvement et n’ont pas jugé opportun de se positionner sur Pneu Expo. Sans parler d’Euromaster, Aliapur…
JA. Malgré cela, vous choisissez tout de même de continuer ?
EB. Oui, car tout n’était pas noir ! Des soutiens de la première heure, comme Point S ou encore Yokohama, Dipropneu…, nous rassuraient. Le 14 octobre 2010, lors des assises des Professionnels du Pneu, j’ai présenté le projet devant un parterre de réseaux et de fournisseurs. Début décembre 2010, nouveau coup dur. Le syndicat m’indique qu’il ne sera finalement pas partenaire de l’événement Pneu Expo, car l’ensemble des adhérents ne sont pas d’accord.
Mais là encore, cela n’a pas remis en question notre commercialisation, au coup par coup. Nous avons travaillé d’arrache-pied. Mes commerciaux du magazine Le Pneumatique, qui vendaient les espaces, ont ainsi vu les premières commandes tomber. Les soutiens du tout début vinrent de Guernet, TIP TOP, DQN, Dipropneu, Provac… Et ils en ont entraîné bien d’autres. Finalement, tous les distributeurs ont fini par signer. Bien sûr, ils avaient, pour certains, déjà dépensé beaucoup d’argent sur Equip Auto, ils ont donc pris des surfaces réduites sur Pneu Expo, mais ont tout de même souhaité faire le test.
JA. Qu’apportez-vous, justement, de différent par rapport à un salon comme Equip Auto, pour ne pas le nommer ?
EB. Je crois que le ciblage de Pneu Expo, sa spécialisation, permettent d’attirer un visitorat plus qualifié et qualitatif. C’est en tout cas ce qui remonte des deux premiers jours d’exploitation du salon. Souvent, les exposants, sur Equip Auto et d’autres manifestations d’envergure, se plaignent de ne faire que distribuer, certains jours, des autocollants et des stylos. Ils regrettent également la dimension des grands salons nationaux, où ils peinent finalement à se retrouver en famille et à attirer les visiteurs au sein de cette famille. Un professionnel qui se rend sur Pneu Expo, c’est que le pneumatique l’intéresse. Ni lui ni l’exposant ne perd son temps.
Mais je ne veux pas mettre les événements en concurrence. De nombreuses entreprises présentes sur Pneu Expo n’ont jamais exposé à Equip Auto, comme Erol, par exemple ! Nous avons aussi beaucoup d’exposants espagnols, anglais, beaucoup de hollandais et quelques chinois. Car il faut reconnaître que trois jours à Lyon ne représentent pas un investissement considérable, la moyenne étant de 10 000 à 15 000 euros pour 70 m2. A tel point que des entreprises comme Monroe, dont le cœur de cible est, a priori, assez éloigné de Pneu Expo, a pris 12 m2 et s’en félicite ! Il était le seul présent sur l’amortisseur, et il a vu tous ses clients acheteurs des enseignes !
JA. Et en termes de visiteurs, peut-on faire un premier bilan ?
EB. Les conditions climatiques n’ont pas aidé. Nous anticipions 3 000 à 5 000 visites sur trois jours. Nous avons eu 1 000 visiteurs le premier jour, autant le second jour, ce qui donne une projection à environ 3 000 personnes sur l’ensemble du salon. Nous sommes néanmoins satisfaits de ce chiffre, surtout que nous avons beaucoup souffert de la neige partout en France et des grèves aériennes. Enfin, j’ajoute que ces 3 000 personnes sont des contacts qualifiés, venant pour travailler.
JA. Quelles sont vos premières conclusions ?
EB. Mes 100 exposants semblent enchantés. Ils ont rentabilisé leur salon. Nous avons d’ores et déjà réservé les dates de la seconde édition les 12 et 13 mars 2013, ici même, à Eurexpo. Nous proposerons même 10 000 m2 au lieu de 8 000 m2 d’espaces. Et je peux annoncer qu’il y aura probablement une nocturne, permettant à des visiteurs de nous rendre visite après leur journée de travail, afin de ne pas trop pénaliser leur activité.
Parmi les autres améliorations possibles, je vais réfléchir à un package “low cost”, car j’ai rencontré plusieurs petites sociétés qui auraient voulu exposer, mais n’en avaient pas les moyens.