S'abonner
Industrie

Peinture - Un fidèle reflet de l’activité carrosserie

Publié le 21 avril 2015

Par Jean-Marc Felten
13 min de lecture
Les concessionnaires ont toutes les cartes en main. Dans un marché en constant recul, ils sont les mieux placés pour séduire les fabricants de peintures.

L’activité du marché de la peinture est le reflet de la santé de la réparation carrosserie, qui accuse un recul régulier de 2 à 6 % par an. Sur les quinze derniers exercices, les réseaux constructeurs ont néanmoins récupéré leur retard et représentent actuellement plus de 55 % des ventes de produits. Si les fabricants de peintures s’appuient en règle générale sur leur réseau de distribution indépendant, les constructeurs restent donc pour eux une cible capitale, qu’ils soignent particulièrement. Chacun peaufine ses arguments pour séduire, sur un fond de concurrence âpre.

Ils sont huit à se partager le marché total de la peinture en réparation carrosserie. Qu’il vienne d’Allemagne, des Etats-Unis, des Pays-Bas ou d’Italie, chacun défend son positionnement, ses convictions et ses produits avec passion, avec la ferme intention de devenir ou de rester le mieux positionné sur le marché. La distribution de leurs produits sur Internet, apporte toutefois une nouvelle concurrence en quelque sorte, dont les pièges sont mesurés, mais insidieux.

2014, un point de départ

Malgré un marché de la réparation carrosserie en baisse, estimée de 2 à 4 %, les fabricants de peinture se disent très satisfaits de l’exercice à l’image de Bernard Lanne (PPG). “L’année 2014 a été exceptionnelle. Nous avons atteint des records de ventes et de résultats. Nous avons fait un 1er semestre exceptionnel, qui nous a apporté une avance et, bien que la seconde partie de l’année ait été un peu plus compliquée, le gain de nouveaux distributeurs début 2014 a eu un effet de levier qui a accéléré le gain de nouveaux carrossiers. Nous déduisons qu’il n’y a pas d’effet mécanique du marché, qui est en décroissance de volume. C’est le plus agressif en commerce, celui qui propose une stratégie claire, qui prend des points et de l’avance.” Pour Franco Caracciolo, Akzo Nobel, “il faut voir le marché dans la globalité de la réparation. Il marque une chute systématique de 6 %, mais il faut situer nos clients. Les petites carrosseries sont amenées à fermer. Nous assistons à une concentration, et les réparations vont dans les grands sites, qui constituent notre cœur d’activité. Ce phénomène nous est donc favorable”.

Défenseur de l’alternative, Lechler clame une progression à deux chiffres ! “Le marché est entre moins 0,5 et moins 1 %, selon les critères pris en compte. C’est rassurant, comparé à 2013, où la baisse du marché était très marquée. Pour notre part, la performance de Lechler est supérieure au marché et la marque a une progression à 2 chiffres sur 2014. Ce n’est pas une surprise, dans la mesure où nous avons mis les moyens pour parvenir à ce résultat, mais dans le contexte actuel, cela peut paraître étonnant.”

Répondre aux réparateurs en 2015

Où sont les marges de progression ? Les fabricants répondent avec des produits plus performants et des outils plus précis.

Jean-Claude Bartnicki, d’Axalta, accorde une grande place à la colorimétrie. “Notre métier est la couleur, soutient-il. Nous avons des mises à jour régulières des teintiers et nous encourageons l’utilisation du spectrophotomètre. Nous en lançons un nouveau, qui marque un progrès important. Le précédent résolvait 95 % des recherches de teintes. Le nouveau mène à 98 %, y compris pour les bases métallisées. Nous pouvons aussi gérer l’utilisation des produits à distance, de sorte que le carrossier n’ait pas à se préoccuper de la gestion des stocks, au travers des balances connectées.” Quant à Lechler, Emmanuel Delorme pense produit, pour justifier ses gains de parts de marché. “Depuis deux à trois ans, notre offre est avant tout qualitative, mais au meilleur prix. Je crois qu’il y a une évolution des carrossiers qui regardent tous les postes de dépense, et valorisent la qualité et les performances. Ce qui place Lechler en bonne position. Nous avons fait évoluer notre offre de produits complémentaires, des produits à performances accrues, tel le vernis Macrofan Airtech UHS Clearcoat (qui sèche à l’air), ainsi que le nouveau MC405 Macrofan Power UHS Clearcoat, qui sèche en cinq minutes à 60 °C. L’objectif est la baisse des coûts énergétiques et des temps de passage en cabine.”

Assurances et flottes en embuscade

La bête noire des carrossiers, le donneur d’ordre, reste un passage obligé pour les fabricants de produits, et tous prennent des précautions.

Pour Jean-Claude Bartnicki, “nous avons signé un accord avec Covea et nous devons conclure un accord avec CapsAuto. Nous souhaitons travailler en bonne intelligence avec tous les apporteurs d’affaires. Avec de nouvelles technologies hydrodiluables ou les vernis, ils ne sont pas rebutés par le surcoût s’ils en tirent un profit en termes de productivité. Les carrossiers aussi valorisent l’innovation technologique si elle va dans le sens économique”. Philippe Huet, chez Glasurit tire les mêmes conclusions : “D’une façon globale, nous sommes des partenaires. Nous essayons de développer les relations en apportant des solutions. Quant aux accords, l’organisation centrale des réseaux est là pour les établir avec les apporteurs d’affaires. Notre vocation n’est pas de conclure nous-mêmes des partenariats.” D’autres s’éloignent de ce terrain, tel Lechler, où Emmanuel Delorme se positionne : “Lechler n’a pas de liaisons établies avec les assureurs et les flottes. Nous ne souhaitons pas prendre d’engagements qui soient contraires aux intérêts de nos utilisateurs. Pareillement, nous n’avons pas d’accords avec les réseaux. Les carrossiers doivent maîtriser leurs produits.”

Quant aux volumes apportés, ils changent selon les clients visés. “Selon les réseaux, la répartition est différente, note Erwan Baudimant, le responsable de R-M. Dans les réseaux indépendants, les flottes ont un impact majeur. Elles apportent jusqu’à 20 ou 25 % de l’activité d’un indépendant.”

La volonté de tous est de toucher l’utilisateur final. “On peut imaginer avoir demain des accords avec des réseaux de carrossiers indépendants, revendique Benoît Tanguy, pour Sherwin Williams. Cela n’a rien à voir avec les assureurs. Sherwin Williams peut même être la marque d’un réseau. C’est déjà possible avec le réseau Autoneo, mais pourquoi pas en faire plus.”

Des homologations constructeurs

Etonnamment, la reconnaissance des constructeurs pèse dans les perspectives des fabricants. Jean-Christophe Servant (Valspar) plante le décor : “Notre première démarche est d’obtenir des homologations techniques avec les constructeurs automobiles. C’est déjà fait pour GM, Ford, Mazda en Europe, ainsi que pour Kia. Elles sont là pour rassurer l’utilisateur sur le fait que notre produit est à la hauteur de ceux des marques Premium. La transformation des homologations techniques en homologations commerciales est possible, mais, bien souvent, nous arrivons en plus de fournisseurs déjà homologués. Attention, nous ne voulons pas que le carrossier perde l’avantage financier qu’il a à utiliser nos marques, même si le constructeur veut prendre sa marge.

En revanche, pour les plates-formes de gestion et les compagnies d’assurance, nous bénéficions de l’homologation technique du Cesvi, qui est une bonne vitrine, compte tenu du nombre de carrossiers qui passent en formation là-bas.” Son de cloche différent chez Akzo Nobel, pour Franco Caracciolo : “Nous avons des accords en centrale et des représentations chez les distributeurs. Nous avons un accord avec PSA, Opel, Fiat et nous venons d’obtenir Mercedes. Les constructeurs représentent 50 % de nos fournitures, en phase avec le marché. Nous sommes un peu moins présents sur le secteur que certains confrères, pour des choix stratégiques.” Même volonté chez PPG. Bernard Lanne indique : “Nous allons nous renforcer sur l’après-vente constructeur. Il y a une vraie opportunité, car nous y sommes moins présents que la moyenne nationale. Nous devons y être beaucoup plus agressifs. Depuis le 1er janvier, nous avons notamment ajouté aux homologations celle de Kia et Hyundai.”

-----------
QUESTIONS A… Franco Caracciolo, directeur commercial France et Afrique du Nord d’Akzo Nobel Automotive et Aerospace Coatings.

Quelle est votre priorité ?
Notre part en Lesonal est de 2 à 3 %, nous voulons la doubler rapidement, et cela se fera avec les distributeurs. Je ne cache pas que nous aimerions atteindre 12 % dans les trois ans. Nous nous appuyons en priorité sur les distributeurs spécialisés, Centaure, Autodistribution ou Alliance Automotive Group.

Qu’en est-il des ventes sur Internet ?
Nous avons toujours la même vision d’une présence entre 5 et 10 %. Avec l’arrivée de la norme CPL sur l’étiquetage, qui va entraîner une augmentation de la phrase de risque à intégrer sur chaque conditionnement, le nombre de langues sera limité, et cela pourrait bien contrarier le développement des ventes sur Internet, pour lesquelles les approvisionnements sont majoritairement faits dans des pays exotiques.

-----------
QUESTIONS A… Jean-Claude Bartnicki, président d’Axalta Coating Systems France.

Où sont les priorités ?
Pour Axalta, ça se passe plutôt bien, nous n’avons pas eu de baisse, et nous investissons dans la croissance. Nous avons lancé une nouvelle gamme, un vernis à séchage rapide, ou le second semestre 2014. Nous n’avons pas pu répondre à la demande, trop importante en Europe.

Comment gérez-vous la logistique des constructeurs ?
Il faut distinguer Renault, à qui nous fournissons la peinture sous leur marque Ixell. Nous sommes en facturation centralisée, et la logistique est assurée par les distributeurs. Le distributeur reçoit une commission pour les services et la livraison. C’est un principe typique français et qui fonctionne bien.

-------------
QUESTIONS A…
Philippe Huet, responsable national des ventes Glasurit.

Comment s’oriente le marché ?
Nous voyons une concentration de carrosseries à l’organisation industrielle et constatons la fermeture de petites structures. La France prend ainsi le même virage que d’autres pays. Donneurs d’ordres et apporteurs d’affaires y trouvent leur compte. Pour autant, la France n’est pas en retard puisque nous avons des infrastructures qui sont de haut niveau technique, notamment avec les réseaux constructeurs.

Comment se fait l’évolution des carrosseries ?
Nous avons mis en place depuis plusieurs années des services liés à l’organisation de la gestion. Nous aidons désormais le client dans sa partie front office, et dans la gestion globale de son activité carrosserie avec beaucoup de satisfaction.

----------------
QUESTIONS A… Erwan Baudimant, responsable national des ventes R-M.

Quelle est la force de R-M ?
L’innovation est importante. Il faut être capable d’investir, en hommes, en moyens pour les clients, et en produits. Pour simplifier les process, nous lançons les boosters, huit teintes qui permettent de gagner sur le temps et le volume de produit. Ils peuvent apporter jusqu’à 60 % de gain. Début mai, sera mise sur le marché une nouvelle gamme de vernis, cinq produits qui ont été développés à Clermont-de-l’Oise, le siège français. Ces nouveautés répondent aux besoins des carrossiers, gagner du temps et consommer moins de produit.

Que deviennent les services ?
Un chef d’entreprise passait auparavant plus de 50 % de son temps dans l’atelier, aujourd’hui il en passe la majeure partie en “front office”, en gestion, négociation, réception des assureurs, experts… Cette mutation, nous l’accompagnons. Il faut entrer dans les comptes et les méthodes d’organisation de la carrosserie. Nous faisons appel à des consultants qui remplacent les vendeurs.

Que penser du retour des marques “mineures” ?
Cela veut dire que le marché est attractif. Il y a de la place pour tout le monde. Quand un fabricant de peinture est capable d’innover et d’apporter des solutions pour ses clients, il y a forcément une place. Les perspectives sont donc bonnes. Cela ne fera pas de tort.

----------------
QUESTIONS A… Benoît Tanguy, directeur général Centaure.

Sherwin Williams fait son retour ?
C’est plutôt une année de transition, dans laquelle nous investissons, ce qui nous permet de relancer une perspective de croissance. Le déménagement de la partie logistique va générer des possibilités d’investissements humains. Ce que nous avons perdu chez Innovation Group, n’a pas été totalement compensé pour le moment. Nous avons néanmoins plus de réparateurs et plus de distributeurs. Quand Centaure a repris ATC, Innovation Group représentait plus de 50 % du CA de peinture. C’était un investissement à risque qu’il fallait limiter. Aujourd’hui, cette part s’est réduite à moins de 40 %, ce qui vient de la réduction du chiffre avec eux, ainsi que de la diversification de la clientèle.

Quelles sont les perspectives distributeurs et utilisateurs ?
Nous commençons par consolider les distributeurs qui ont rentré les lignes de produits. Ils sont 34. Avec la croissance du réseau Centaure, nous devons avoir de fait une croissance du réseau Sherwin Williams, puisque les “Centaure” sont en priorité distributeurs de la marque. Nous prévoyons de multiplier par 2 le nombre de machines, c’est-à-dire le nombre d’ateliers. La présence sur le terrain est renforcée par les techniciens des distributeurs, ce ne sont pas moins de 240 techniciens sur la route, qui relayent les informations.

----------------
QUESTIONS A… Philippe Joret, directeur commercial OMIA.

Le rôle de l’équipement dans la peinture est-il important pour obtenir le meilleur rendement ?
Il est évident, bien que l’on soit très à l’écoute des évolutions des produits de peinture, que nous n’avons qu’un “vernis” de connaissance. Nous sommes donc en étroite relation avec les fabricants de peinture pour connaître les progrès de la technique, et faire évoluer les cabines. Pour établir nos propres évolutions, nous nous basons sur des procédés génériques. Mais notre conception de la cabine est très flexible.

Comment se situe l’évolution du temps de préparation ?
Les fabricants de produits de préparation (mastics, apprêts) font évoluer leurs produits vers plus de vitesse et de simplicité d’utilisation. La technique de marouflage a également progressé et le ponçage voit sa performance évoluer, avec des ponceuses plus rapides, des abrasifs plus efficaces… Toute l’ergonomie du poste de préparation permet de gagner du temps. Pour en profiter totalement, il faut qu’il soit bien pensé, avec toutes les commodités à disposition. Cela passe par les outils et les connexions à hauteur de travail, une armoire de rangement où l’opérateur a son stock quotidien de papier…

Et le labo, avec l’évolution des normes, notamment l’aspiration poste par poste ?
Dans les laboratoires, il y a toute une déclinaison. On trouve désormais deux compartiments, un où se fait la colorimétrie, avec une table ventilée et une hotte d’aspiration. Le second “sas” comporte l’espace de nettoyage, avec un matériel dédié à la peinture à l’eau et solvantée. Ce sont des équipements qui plus particulièrement l’on croise sur des sites de carrosserie importants.

-------------
FOCUS - Emmanuel Delorme, responsable des ventes Lechler France.

“Nous estimons notre part de marché à 3,5 %. Elle se fait majoritairement sur les réseaux indépendants. Nous n’avons pas d’accord avec les constructeurs. Or, les constructeurs représentent 55 % du marché total automobile. Le reste est représenté par des distributeurs indépendants, nous pensons donc nous situer à près de 10 % sur notre marché.”

-----------
FOCUS - Bernard Lanne, président de PPG Industries France.

“Le marché étant en baisse, le gâteau se rétrécit, avec un nombre d’acteurs égal. La concurrence est donc exacerbée. Il faut avoir une stratégie qui a fait ses preuves. Considérer que le distributeur reste au centre du dispositif commercial. C’est lui qui apporte le service de proximité.

Il faut toujours évaluer l’après-vente constructeurs, avec plus de 50 % du marché en valeur, Il faut penser aux liens avec les apporteurs d’affaires, les compagnies d’assurances ou les plates-formes de gestion de sinistres, pour répondre à des demandes de carrossiers.”

“Nous avons des homologations techniques et commerciales avec les constructeurs, mais les flux logistiques passent directement par les distributeurs de peinture. Le service de proximité qui n’est pas notre métier. Nous fabriquons la peinture, nous savons la mettre en exergue, mais nous ne savons pas la livrer. Il faut que la distribution joue pleinement son rôle, apporte sa valeur ajoutée et, pour cela, n’hésite pas à se remettre en question.”
 

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

cross-circle