Patrick Pelata : "Les pouvoirs publics vont devoir réguler l'utilisation de la rue"
Patrick Pelata n'a jamais réellement quitté la scène automobile française. Mais, depuis quelques semaines, son nom revient en force chez les professionnels. Missionné par le président de la République, Emmanuel Macron, pour la rédaction d'un rapport sur les nouvelles mobilités et les véhicules autonomes, Patrick Pelata vient également d'entrer au conseil d'administration de Vulog.
Depuis trois ans, l'ex-patron de Renault et ancien directeur général du secteur automobile chez Salesforce a redéposé ses valises à Paris et créé sa société, Meta Consulting LLC, spécialisée dans le conseil stratégique en transformation numérique pour l'industrie automobile. Aujourd'hui, il marie donc volontiers les deux mutations majeures vécues par le secteur : digitalisation et mobilité.
Journal de l'Automobile. Comment envisagez-vous l'évolution de l'autopartage et de la mobilité au sens large ?
Patrick Pelata. C'est très intéressant de voir comment ce modèle, la mobilité, dont je pensais qu'il était difficile à rendre viable économiquement, arrive à fonctionner à partir du moment où des plateformes modernes rendent les choses complètement fluides et faciles pour l’utilisateur. Voilà pourquoi Vulog m’intéressait. D'autant que la société a une empreinte mondiale en étant présente aux USA, au Canada, en Chine, en Europe…
Est-ce facile de travailler pour une start-up après avoir fait l'essentiel de sa carrière dans l'industrie et un mastodonte de l'informatique ?
C’est très intéressant d’étudier les choses d’un point de vue d’une start-up moderne, agile, et je ne suis pas étonné qu’ils entretiennent des contacts avec des constructeurs automobiles. C'est vrai, j’ai beaucoup travaillé en pensant à la manière d'un constructeur automobile sur les nouvelles mobilités et la transition du secteur… Tous ces acteurs potentiels cherchent des chemins pour rester dans la chaîne de valeur qui va se baser sur la mobilité.
Est-ce par manque d’agilité que les constructeurs ne se sont pas tournés plus vite vers la mobilité ou par un manque de croyance dans le modèle ?
Plusieurs raisons à ce retard des constructeurs. Tout d'abord, fondamentalement, les constructeurs ne sont pas orientés vers les clients. Le constructeur est BtoB. Lorsque vous êtes loin des clients, vous avez du mal à voir les évolutions se produire. La deuxième raison, c’est qu’au sein des constructeurs, les silos existent. Or, le sujet de la mobilité est un sujet extrêmement transversal. La dernière raison ne nous saute aux yeux que lorsque l’on arrête d’avoir des voitures de fonction et que l'on paie pour sa mobilité.
Quelle est la principale difficulté dans cette mise en œuvre ?
Peu de gens de l’automobile savent ce qu’est une plateforme au sens moderne du terme, centrée sur le client et son usage. Beaucoup prédisaient un sombre avenir à Uber. Idem pour Tesla. Mais dans ces deux exemples, ils disposent d'une interface directe avec le client et maîtrisent complètement la relation client. Plus que la donnée, c’est la relation qui est importante : la donnée n'est qu'un outil pour rendre cette relation productive.
Quel est le constructeur le plus avancé en matière de mobilité, selon vous ?
Pour l’instant, ce sont surtout les captives financières des constructeurs qui ont le plus avancé. On le voit notamment avec RCI Bank qui s’est porté acquéreur de Marcel ou encore de Karhoo. En dehors des sociétés de financement, c'est Daimler qui, à mon sens, est le constructeur le plus en avance sur le sujet. Ils ont acquis pour 1,2 milliard d’euros Car2Go, qui est un grand concurrent de Vulog même si la stratégie est différente. Tout cela va préparer l’arrivée de robot-taxis. D’autres constructeurs vont devoir prendre ce chemin sauf à se resigner à être un vendeur de hardware et pas un vendeur de service. Le problème chez les constructeurs est que vous avez toujours des courants très forts pour penser qu’ils peuvent y arriver seuls.
Hausse des prix des parkings, péages urbains... tous les feux sont-ils au vert pour un développement puissant de l'autopartage ?
Absolument et c'est même un développement indispensable. Lorsque l’on regarde le nombre de voitures garées dans la rue mais qui ne roulent pas, on est obligé de penser que l’utilité sociale dévouée à la rue devient de plus en plus limitée. Ce dogme de donner des espaces urbains à la voiture se réduit. Toutes ces décisions de péages ou de hausses de tarifs des parkings vont dans le sens de redonner de la valeur à la rue. Or, l'autopartage va venir combler un trou laissé par l’abandon de la voiture personnelle et particulière.
En revanche, ces nouvelles mobilités entraînent obligatoirement une chute des vitesses moyennes dans les grandes villes. Les pouvoirs publics vont donc devoir reprendre la main pour faire remonter l'efficacité sociale de la rue.
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