Paquet automobile : pourquoi l'Allemagne dit avoir gagné son lobbying auprès de la Commission européenne

Dans quelques heures, le 16 décembre 2025, la Commission européenne doit proposer les grandes orientations de son paquet automobile. Des informations commencent à filtrer, nourrissant le sentiment, côté allemand, d’avoir obtenu gain de cause face à Bruxelles. Cette lecture est cependant contestée par certaines parties prenantes. Elles y voient davantage l’effet d’un lobbying intensif que celui d’un accord formel déjà acté.
Des fuites qui dessinent un report du cap 2035
Selon les informations relayées par l'agence Bloomberg, la Commission européenne étudierait la possibilité de repousser de cinq ans l’interdiction des ventes de véhicules thermiques prévue pour 2035. Celle-ci passerait par l'introduction de nouvelles dérogations technologiques. Bruxelles travaillerait ainsi sur un mécanisme permettant de prolonger l’utilisation de moteurs thermiques jusqu’en 2040, voire au-delà, mais de manière strictement encadrée.
Deux catégories de véhicules seraient concernées : les hybrides rechargeables (PHEV) et les véhicules électriques à autonomie étendue (REEV), équipés d’un petit moteur thermique utilisé uniquement comme générateur.
Carburants synthétiques et acier vert : la logique de compensation
Ces motorisations ne seraient autorisées qu’à des conditions très précises. Leur commercialisation après 2035 serait conditionnée à l’utilisation de biocarburants de synthèse ou d’e-carburants, produits à partir de CO₂ capturé et d’électricité renouvelable. La Commission envisagerait également d’imposer l’intégration d’acier vert dans leur fabrication.
Ce schéma traduirait un basculement vers une logique de compensation, où l’empreinte carbone globale, incluant la production des matériaux et les carburants utilisés, primerait sur la seule émission à l’échappement.
Une "victoire" allemande liée au nouveau rapport de force politique
Pour François Kalfon, eurodéputé en charge des transports, cette dynamique traduit avant tout une défaite politique pour les défenseurs du Green Deal. Membre du parti social-démocrate qui compte 138 députés, il estime que le basculement du Parlement européen vers une majorité dominée par la droite et l’extrême droite a profondément modifié les équilibres.
Les socialistes, Renew et les Verts se retrouvent désormais minoritaires, réduisant leur capacité à bloquer ou à durcir les orientations proposées par la Commission. "Le Green Deal tombe en lambeaux", alerte François Kalfon, qui considère que ce nouveau rapport de force ouvre mécaniquement la voie à davantage de flexibilité réglementaire en faveur des États les plus influents, au premier rang desquels l’Allemagne.
Un succès de communication plus qu’un arbitrage final ?
Pour d'autres parties prenantes, cette mise en scène d’un succès allemand relève avant tout d’une stratégie de communication et de lobbying. À ce stade, ni les principes définitifs ni les paramètres chiffrés, notamment la proportion de PHEV et de REEV autorisés après 2035, ne sont arrêtés. Or, ces chiffres sont déterminants pour mesurer le degré réel de flexibilité accordé par l’Europe.
Les discussions restent ouvertes au sein de la Commission, y compris sur les spécifications exactes des e-fuels acceptés et sur les mécanismes de contrôle. Autant d’éléments qui permettront de trancher entre un ajustement technique limité et une remise en cause plus profonde de la trajectoire initiale du Green Deal.
Un rapport de force politique favorable à Berlin
Si l’Allemagne peut aujourd’hui afficher cette assurance, c’est aussi en raison d’un nouvel équilibre politique au Parlement européen. L’alliance entre la droite et l’extrême droite rend désormais minoritaires les sociaux-démocrates, Renew et les Verts, affaiblissant les soutiens historiques d’une ligne climatique stricte.
Dans ce contexte, le paquet automobile apparaît moins comme un simple texte sectoriel que comme un test politique majeur : celui de la capacité de l’Union européenne à maintenir un cap industriel lisible face aux pressions nationales, au premier rang desquelles celles de sa principale industrie : l'automobile.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.
