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Industrie

Le pneu, au cœur d’Internet

Publié le 2 avril 2014

Par Marc David
11 min de lecture
Des réseaux physiques qui souscrivent à la démarche Internet pendant que les spécialistes de la vente en ligne s’appuient sur les réseaux physiques pour le montage des produits… Un mélange des genres qui caractérisent désormais le commerce du pneumatique.
Régis Audugé, directeur général du Syndicat des professionnels du pneu.

D’abord, quelques données relatives au leader européen absolu (et probable numéro 2 en France). Avec près d’un million de nouveaux clients en 2013 et une base de données faisant état de 7,3 millions de clients, Delticom AG a franchi pour la première fois de son histoire le cap du demi-milliard d’euros de chiffre d’affaires : 505,5 millions d’euros précisément, un résultat équivalant à une progression de 10,8 % sur 2012 (456,4 millions d’euros). Parallèlement, le bénéfice par action s’élève à 0,97 euro (contre 1,87 euro en 2012), résultat de la politique d’investissements qui a notamment donné lieu au rachat en septembre 2013 de Tirendo, une start-up allemande évoluant sur le même secteur, y compris sur celui des roues complètes.

Une spirale ascendante donc, qui repose sur plusieurs aspects. D’abord, l’opportunité Internet et sa notion de confort, de flexibilité dans le temps. La preuve, si 77 % des acheteurs de pneus ont consulté Internet pour rechercher des informations, l’achat sécurisé de pneus en ligne pèse désormais entre 10 et 12 % des ventes. Ensuite, sur le plan plus “personnel”, Delticom dispose d’un stock de plusieurs millions d’enveloppes. “Même si nous avons parfois recours au “cherry-picking” (achat opportun d’un produit disponible sur le stock d’un grossiste, N.D.L.R.) pratiqué par les autres modèles du secteur, nous nous appuyons surtout sur notre stock propre, ce qui représente notre force, souligne Thierry Delesalle, responsable du marché français pour 123pneus.fr. Autrement dit, nous déployons une stratégie d’achat qui nous permet de ne pas dépendre des événements extérieurs.”

Bien évidemment, pour conserver sa suprématie, la marque de Hanovre va poursuivre la consolidation de ses bases. Il y a aussi l’optimisation de son process. “Internet progresse très vite et l’innovation s’avère nécessaire, explique Thierry Delesalle. Au cœur de cette innovation figurent la satisfaction du client et son confort. Ensuite, nous devons proposer une offre que personne d’autre ne peut avoir dans toutes les lignes de produits, que ce soit en pneus été, en pneus hiver, en pneus “all season” ou en jantes alu/jantes tôles, sans oublier les pneus pour voitures de collection. Bref, nous voulons faire en sorte que notre site soit qualifié de “One Stop Shopping Experience” avec un service 24 h/24, 7 jours/7, 365 jours/an.”

Internet, source de révélation du comportement client

Pour le Syndicat des professionnels du pneu, le premier argument expliquant la croissance rapide d’Internet est la notion de simplicité, avec des éléments comparatifs (marques, modèles, prix) ne figurant pas forcément sur les points de vente, et la possibilité de prendre des rendez-vous fixes sur des sites situés à proximité du domicile. Ensuite intervient la notion de prix. “Certes, globalement, l’arrivée d’Internet a fait baisser les prix moyens pratiqués ici ou là, mais en revanche, elle n’a pas contribué au fait que le consommateur achète les produits les moins chers, souligne Régis Audugé, directeur général du Syndicat des professionnels du pneu. En d’autres termes, le marché n’a pas été tiré vers le bas, Internet a simplement permis de réduire les écarts sur un même produit.” Pour le consommateur, le but du jeu ne serait donc pas d’obtenir le produit le moins cher, mais d’avoir la certitude, à avantages équivalents, d’obtenir le meilleur prix. Nuance de taille, effectivement. Christophe Rollet, le directeur général de Point S, apporte une vision relativement proche : “Les clients ont toujours demandé un prix, mais avant l’arrivée d’Internet, ils avaient moins de repères, rappelle-t-il. Ainsi, au-delà de se positionner comme un nouveau créneau de distribution, Internet est devenu un référentiel prix qui permet de situer le consommateur avant même qu’il se déplace dans le point de vente.” Un aspect à mettre en parallèle avec la seconde réflexion de Régis Audugé. En effet, selon lui, l’arrivée d’Internet a également amené un bouleversement quant à la segmentation de l’offre. Il explique : “Jusqu’à présent, nous avions tendance à segmenter notre marché en fonction des produits (hiver, été, 4x4, etc.) par rapport à un type de véhicule. Sauf que, derrière le volant, figure un consommateur avec des habitudes de consommation différentes. En fait, Internet nous a permis de mieux appréhender la typologie des consommateurs, une grande avancée par rapport à une notion de service avant tout calquée sur la typologie des véhicules.” Ainsi, demain, le challenge des entreprises spécialisées dans leur globalité (exception faite de Point S notamment, dont l’approche client se rapproche de celle des fast-fitters) sera d’adapter leurs services en fonction de la typologie du consommateur. Une démarche qui passe notamment par un changement de pneus en trente minutes allant dans le sens des emplois du temps chargés, par le gardiennage de pneus hiver (ou été) comme cela se pratique déjà, ou encore par le service à domicile, instauré là encore par les pure players.

Le site Internet, véritable porte d’entrée des réseaux physiques

Mais, bien sûr, la compétitivité des réseaux physiques passe également par la présentation et l’évolution du site en propre. “Quoi que l’on dise ou que l’on fasse, notre site est la première porte d’entrée de nos clients, concède Laurent Proust, le président de First Stop par ailleurs responsable du secteur e-commerce pour l’Europe. On doit donc le considérer plus que tout, il se positionne au cœur de notre stratégie.” Il faut savoir que l’enseigne a pris le virage Internet et de la vente en ligne il y a deux ans et que, aujourd’hui, elle passe à une autre étape. “Le fait de se positionner comme un groupe mondial nous a permis de tirer les leçons de notre propre expérience, de mieux appréhender nos lacunes à ce niveau, explique Laurent Proust. En particulier, un échange avec nos collègues américains, bien plus avancés que nous sur le on-line, nous a permis de bien avancer. Avec eux, l’idée est de jauger la possibilité de créer des plates-formes communes en bénéficiant de leur acquis, etc., le tout avec l’objectif de mieux répondre au client, de mieux l’intégrer dans la vie quotidienne de nos points de vente.” Ainsi, chez First Stop, l’effet Ropo (Research On Line Purchase Off Line, soit recherche sur Internet et achat en magasin) pèse déjà entre 7 et 10 % des ventes. Un business direct plutôt encourageant.

Autre exemple, Euromaster. L’enseigne liée à Michelin a pris le virage Internet il y a près de trois ans via la création d’un pôle e-business, avec pour principal objectif d’amener du trafic sur ses 400 points de vente. Aujourd’hui, la croissance de ses ventes en ligne se révèle supérieure à 60 % (progression 2013 sur 2012). “Que ce soit en ligne ou en magasin, le métier d’Euromaster repose sur le conseil et l’expertise, explique Sara Coajou, responsable du secteur e-business pour l’enseigne. En ce sens, toute la stratégie déclinée sur Internet est la même que celle déclinée en magasin, avec en sus la notion de complémentarité. D’ailleurs, le terrain s’est plutôt montré réceptif avec notre démarche d’accompagnement du client sur Internet.” Une démarche reposant sur des vidéos, des réponses aux différentes questions, des demandes de devis, la recherche du point de vente le plus proche avec les prestations réalisées, le service “web call back” (rappel téléphonique par les experts Euromaster), etc., le tout en s’appuyant sur une sélection de seulement 10 marques réparties sur les Premium, deuxième ligne et “budget”. “Un gage de qualité et de sécurité pour nos clients, qui répond également aux différents profils des consommateurs”, souligne Sara Coajou.

Une réactivité sur les prix supérieure chez les pure players

La réactivité sur les prix ? Logiquement, les pure players se révèlent plus performants que les réseaux physiques. Toutefois, la marge semble se réduire en fonction des enseignes. Ainsi, chez Euromaster, le pricing est effectué chaque semaine. Démarche quasi identique pour First Stop. “Pour être honnête, nous ne travaillons pas sur le même rythme que les pure players qui peuvent réagir sur la demi-heure ou presque, concède Laurent Proust. Néanmoins, notre cellule pricing intègre des outils performants qui nous permettent de travailler à la semaine, voire mieux. En fait, le gain obtenu fait que nous pouvons désormais régulièrement évoluer sur la journée, plutôt qu’à la semaine.” Selon lui, la logique Internet fait que les choses ne peuvent que s’accélérer. Reste que la stratégie à ce niveau demeure propre à chaque enseigne. Dans ce registre, celle de Point S se révèle pour le moins… atypique. Voire radicale. “Contrairement à d’autres, notre stratégie est de ne pas communiquer nos prix, sauf dans le cadre d’une promotion nationale, souligne Christophe Rollet. Le test que nous avions réalisé il y a quelques années par le biais de notre site B-to-C “Puissance Pneus” nous a permis de constater que l’approche du e-commerce déterminait davantage un métier de vendeur sur Internet au sens large du terme, plutôt qu’un métier de vendeur de pneus. Internet nécessite d’énormes investissements pour bien figurer sur les pages de référencement, avec en plus une équipe dédiée pour réactualiser les prix toutes les heures, etc. Quel intérêt d’annoncer un prix si la majorité de la profession se révèle mieux placée ?” Une approche qui n’empêche pas l’enseigne, comme les autres négociants spécialisés, de se positionner parfois à un niveau de prix inférieur à celui des spécialistes du e-commerce. Et Christophe Rollet d’ajouter : “Si nous encourageons nos clients à prendre rendez-vous sur le site pour une question de facilité, notre vocation est de renseigner, conseiller, accompagner le client sur le point de vente, bref, de lui proposer des vrais services comme peut l’être le gardiennage des pneus, notamment. Aujourd’hui, ce dernier permet vraiment de faire la différence par rapport à la concurrence.” On y revient.

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FOCUS - FeuVert dans la course

Acteur essentiel du marché avec une offre complète reposant également sur sa propre marque de distribution (FeuVert Efficiency), FeuVert pèse quelque 2,2 millions d’enveloppes par an sur le territoire. Accessoirement, l’enseigne a signé un accord de partenariat avec le site de vente en ligne Popgom.fr. pour le montage des pneus. Sans doute un plus en termes de référentiel prix, notamment. “A ce niveau, nous n’avons aucun complexe dans la mesure où nous nous sommes repositionnés au niveau des pure players, comme l’ont fait les centres-autos dans leur majorité, souligne Pascal Fraumont, directeur marketing et communication de FeuVert. Il en va d’ailleurs de même pour ce qui est de la disponibilité des produits.” Bien évidemment, l’enseigne s’est dotée d’un outil de pricing performant, sachant aussi que les investissements passent actuellement par le recrutement de quatre personnes pour assurer la gestion du merchandising sur le site. “La fréquentation de notre site est exponentielle, mais bien sûr, les moyens que nous engageons sur le digital sont sans commune mesure avec ceux des pure players, qui à mon sens vont à terme devoir faire face à un problème de rentabilité du fait des frais de stockage et de référencement notamment, sur un marché qui stagne”, avance Pascal Fraumont. Et celui-ci d’ajouter : “Notre force est de disposer d’un réseau physique reconnu, en mesure d’apporter de la sécurité au consommateur via une palette de services (carte de fidélité, etc.), qui plus est à proximité de chez lui.”

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FOCUS - L’excellence pour Oxyo-pneus.fr

Plus de 120 marques disponibles via quelque 17 000 références et un million de pneus en stock, 3 800 garages partenaires (en majorité des MRA) et 228 monteurs à domicile, telle est la carte de visite d’Oxyo-pneus.fr, le site de vente B-to-C membre tout comme Norauto de Mobivia Groupe. Elu “Site Marchand Excellence 2013” sur FIA-Net, Oxyo-pneus.fr pourrait se targuer, également, d’une intention de réachat de 99 % et de commandes livrées à 98 % en vingt-quatre à quarante-huit heures. Les raisons, sans doute, de la croissance à deux chiffres depuis sa création il y a trois ans, soit le 17 février 2011. “Le fait que le B-to-C soit l’ADN de notre groupe nous permet de nous occuper le mieux possible de notre clientèle, souligne Jean-Michel Fabre, le directeur général à l’origine du site. Cela passe par un accompagnement de nos clients dans leur démarche, avec éventuellement un rappel pour éclaircir un point. Un vrai contact humain qui nous permet réellement de faire la différence en termes de satisfaction clientèle, sachant aussi que nous ne cherchons pas à proposer les prix les plus bas, mais plutôt le juste prix.” Des plus qui reposent sur une équipe de 30 personnes et un centre d’appel non sous-traité, situé à Lille.

Au chapitre actualité, et ceci pour rester sur le devant de la scène, le site vient de lancer “Oxyo Fidélité”, un concept basé sur le principe de cash-back. “Ce concept permet d’engager nos clients pour nous parrainer, nous faire connaître, explique Jean-Michel Fabre. La démarche leur permet d’obtenir des points de fidélité échangeables en bons d’achat, ou bien de recevoir directement du cash.” Autre nouveauté, une charte d’engagement “pneus montés dans les 72 heures dès réception” avec les partenaires monteurs. En fait, un partenariat plus “soft” que celui d’une franchise. Qui n’avance pas recule…

 

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