Le plan de Bruxelles pour protéger l'industrie automobile en "danger de mort"

L'industrie automobile européenne est "en danger de mort", a averti Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne, en préambule de la présentation de son plan d'action pour l'industrie automobile. Un ton alarmant pour un secteur qui peine à réussir la transition énergétique au rythme imposé par l'exécutif européen.
"Mais la bataille du véhicule électrique n'est pas perdue. Avec ce plan, la Commission européenne sort de sa naïveté, protège et organise la filière, lui donne la possibilité de gagner en compétitivité", a souligné Stéphane Séjourné avant une visite du site Electricity de Renault à Douai (59), dans le nord de la France.
La présentation de ce plan d'action fait suite à l'annonce d'Ursula von der Leyen, ce lundi 3 mars 2025, de la volonté d'assouplir les objectifs d'émissions de CO2 intégrés dans les normes CAFE pour 2025. Plutôt que d'être astreints à une conformité immédiate, les constructeurs automobiles disposeront de trois ans (2025-2027) pour s’aligner sur la réglementation.
Cette mesure sera formalisée d’ici fin mars par un amendement ciblé du règlement CO₂. Elle doit encore passer sous le crible du Parlement et du Conseil. Un passage sous haute tension, où les pressions des différents lobbys devraient s'intensifier. L’ACEA (Association des constructeurs européens d’automobiles) avait réclamé une extension jusqu’en 2029, tandis que les acteurs de l’électromobilité espéraient une limitation à 2026.
Un cap maintenu sur 2035
Le projet de plan ne remet pas en cause l’objectif de neutralité climatique pour 2035, confirmant qu’il assure "prévisibilité et stabilité" pour les investisseurs et les constructeurs. Toutefois, aucune précision n’est apportée quant à une éventuelle modification de l’interdiction de vendre des véhicules thermiques à cette date. La clause de revoyure, prévue en 2026, sera ouverte au second semestre 2025.
L’introduction des e-fuels et des biocarburants dans la réglementation pourrait alors gagner du terrain, portée par une partie de l'industrie et des responsables politiques, en Allemagne par exemple.
Le leasing social et le verdissement des flottes en débat
Sur le front du leasing social, Bruxelles prépare des recommandations pour encourager les États membres à mettre en place des mécanismes de soutien pour l’achat de véhicules électriques par les ménages modestes. L’idée s’inscrit dans le cadre du Fonds social pour le climat, mais le PPE pousse pour une approche plus large, impliquant également les revenus issus du système ETS2 (quotas carbone). Le modèle français de leasing à 100 euros par mois pourrait inspirer certaines orientations, bien que les discussions s’annoncent compliquées sur le niveau du soutien financier.
Pour stimuler la demande en véhicules électriques, la Commission mise davantage sur des incitations fiscales nationales que sur des financements européens directs. Une stratégie critiquée par certains industriels, qui craignent une réponse fragmentée entre les États membres. Néanmoins, Bruxelles laisse la porte entrouverte à des aides au niveau européen. Une première piste avait été évoquée en puisant des ressources dans le Fonds Climat. Mais rien n'est moins certain.
Vers un accès plus rapide aux infrastructures de recharge
Des mesures seront prises également pour accélérer le déploiement des bornes de recharge, en réduisant les délais de raccordement au réseau électrique. Une initiative spécifique aux "corridors de transport propre" vise à booster l’infrastructure destinée aux poids lourds sur les axes stratégiques du réseau transeuropéen. Le cadre législatif sur la recharge bidirectionnelle (V2G) sera également clarifié pour encourager les projets pilotes.
Longtemps en suspens, le cadre législatif sur l’accès aux données des véhicules sera proposé en 2025. Une avancée attendue de longue date par les acteurs du secteur automobile et de la mobilité connectée.
Vers un "made in Europe" renforcé
Bruxelles envisage de durcir les règles d’origine pour les véhicules électriques, afin de mieux protéger l'industrie européenne contre la concurrence jugée déloyale. Parmi les mesures à l’étude, une restriction des avantages douaniers pour les modèles fabriqués en dehors de l’UE, notamment en Chine. La Commission se dit prête à enquêter sur d’éventuelles tentatives de contournement des taxes compensatoires déjà en place.
La Commission va par ailleurs explorer des subventions directes à la fabrication de batteries dans l'UE et veut assouplir le cadre des aides d’État qui limite aujourd'hui ce type de soutien.
En somme, l’exécutif européen tente de naviguer entre soutien à l’industrie automobile, pressions environnementales et régulations commerciales, dans un contexte de transition technologique et énergétique où chaque décision est scrutée de près.
Une Alliance pour les véhicules autonomes
La Commission va mettre en place et soutenir une Alliance pour les véhicules connectés et autonomes afin de combler le retard dans les logiciels et technologies clés, aujourd'hui dominées par la Chine et les États-Unis. L'industrie européenne pourra ainsi mutualiser des ressources dans ces domaines où les économies d'échelle sont cruciales, sans être freinée par les règles de concurrence.
Stéphane Séjourné veut par ailleurs "harmoniser les règles d'utilisation et de tests de la voiture autonome en Europe" afin de faciliter leur déploiement sur les routes.
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