"La gestion des pneus pose encore des problèmes"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Le recyclage et les problématiques environnementales ont-ils toujours été au centre des préoccupations dans la distribution des pneumatiques ?
OLIVIER BASURKO. Soyons honnêtes, la gestion des pneus usagés ne constituait pas une préoccupation primordiale dans notre activité, avant que le contexte réglementaire et légal nous oblige tous à nous en préoccuper, à commencer par les réseaux physiques, dont je faisais partie à l’époque. Concrètement, en France, la fin de vie des pneumatiques se gérait au petit bonheur la chance. Parfois chez les agriculteurs, par exemple, ou bien les ostréiculteurs pour les parcs à huîtres, ou encore, stockés au fond du garage. Les acteurs du rechapage drainaient aussi de larges volumes, les Pneus Laurent en tête, filiale de Michelin, qui passait chez tous les distributeurs spécialistes pour acheter et récupérer les carcasses, et ainsi approvisionner la filière du rechapage de pneus TC4 (Tourisme et Camionnette). Une activité qui représentait une part importante de la valorisation des carcasses.
JA. Comment le pneu rechapé a-t-il progressivement disparu de toutes les offres VP des distributeurs ?
OB. A l’époque, le marché ne présentait pas de marques, disons, exotiques, comme aujourd’hui. Un vendeur qui savait argumenter sur la qualité d’un rechapé Laurent, par exemple, avait donc toute latitude pour le vendre. De nos jours, un pneu Tourisme rechapé serait presque plus cher que certaines marques qui font du neuf en premier prix ! Le rechapage est donc désormais réservé aux pneus PL et industriels, justifié par leur valeur et leur technicité.
JA. Comment le recyclage des pneumatiques s’est-il invité dans votre activité ?
OB. Il y a eu trois étapes dans la mise en place du recyclage des pneus. La première, la plus belle, était celle pendant laquelle on nous achetait les carcasses pour les recycler ! Puis, les entreprises locales spécialisées sont venues enlever les enveloppes gratuitement, vers 1995. Enfin, le parc auto a explosé, induisant de plus importants volumes de pneus usagés par an, qui représentent aujourd’hui pas loin de 30 millions d’unités annuelles en TC4, en remplacement. Sans compter que nous avons observé une poussée environnementale dans tous les secteurs, qui a abouti à une structuration plus importante de la filière de récupération et de recyclage des pneumatiques. Du coup, au regard de tous ces paramètres, les pouvoirs publics ont commencé à imputer le traitement des pneus usés aux producteurs et distributeurs. D’où la création d’Aliapur, structure juridique créée à cet effet et émanation des principaux manufacturiers.
JA. Tout cela aboutit à la mise en place de la fameuse “écotaxe”.
OB. Au départ, il fut question de mentionner l’écotaxe sur la facture finale du client, comme cela se pratique sur les appareils électroménagers, de sorte que le client comprenne l’importance et le coût de son implication dans le recyclage. Puis l’on s’est rendu compte que certains revendeurs facturaient, et d’autres pas. Dès lors, cela devenait un avantage concurrentiel un peu déloyal. Du coup, il a été décidé de prélever le coût de l’écotaxe à la source, donc chez le manufacturier, dès 2004.
JA. PopGom paie donc depuis son arrivée l’écotaxe destinée à financer le recyclage des pneus qu’il vend, ce qui n’est pas le cas de tous les acteurs.
OB. Il y a certains sites Web sur lesquels la facturation ne se fait pas sur une entité française. Du coup, l’écotaxe n’est pas payée, alors que le pneumatique est collecté et recyclé en France. Certains sites ne paient donc toujours pas, dont le plus gros acteur étranger. (N.D.L.R. : Delticom)
Du coup, FRP et Aliapur ont fait la chasse aux professionnels qui montaient des pneus issus de ces sites indélicats. Se rendant sur le site Internet concerné, ils ont visualisé les garages partenaires, et sont allés les voir en les alertant sur le fait que les pneus qu’ils montaient (et qu’ils achetaient souvent) étaient à la limite de la légalité. S’est instauré alors un petit bras de fer, consistant à corréler la collecte à la désinscription de l’onglet partenaire de montage, sur le site.
JA. Les ventes de pneus hiver, en hausse ces dernières années, vont-elles bouleverser la donne du recyclage ?
OB. En effet, les volumes de pneus hiver vendus ayant payé l’écotaxe ont augmenté et donc artificiellement dopé les volumes collectables par les deux organismes. Depuis mi-septembre, le pneu hiver représente 40 % des ventes de PopGom. Or, les pneus hiver font plusieurs saisons et ne viennent pas en remplacement, mais en substitution ponctuelle, des pneus été. Ils nécessiteront donc recyclage, mais pas avant deux ans. FRP et Aliapur vont donc devoir anticiper et conserver une partie de la somme pour collecter ces pneus plus tard.
JA. Finalement, chaque année, Aliapur et FRP se retrouvent face à des volumes à collecter trop importants par rapport aux sommes qu’ils ont reçues pour ce travail ?
OB. En effet, il faut augmenter les tonnages à collecter, on le constate chaque année. Aliapur et FRP, les deux organismes agréés pour effectuer le ramassage, collectent les volumes prévus pour lesquels ils sont mandatés bien avant la fin de l’année, et pas sur l’ensemble du territoire. Ils ne sont donc théoriquement plus tenus de continuer la collecte le reste de l’année. Ce qui signifie que d’importants stocks d’anciens pneumatiques sont encore dans la nature ou arrivent sur le marché français sans avoir payé l’écotaxe. Sans parler des pneumatiques issus des VN, qui, une fois usés, se recyclent et ne payaient pas (jusqu’à il y a peu) l’écotaxe. Dès lors, les manufacturiers vont devoir mettre la main à la poche, selon leurs PDM par exemple. Et ce coût se retrouvera sur le pneu.
JA. Aujourd’hui, les volumes réalisés par Internet sont-ils suffisamment significatifs pour peser sur le marché du recyclage ?
OB. Oui, je suis convaincu que le Web est en train de devenir un canal de distribution tout à fait significatif en France. Les ventes de pneus en ligne vont représenter 9 à 10 % à la fin de l’année 2011, soit 3 millions d’unités. C’est la raison pour laquelle il sera préférable que la concurrence soit saine, car avec les marges qu’on pratique, le coût de l’écotaxe est loin d’être neutre. Une nouvelle nomenclature va apparaître au niveau européen sur les étiquettes des pneumatiques. Pourquoi ne pas faire apparaître la mention “écotaxe acquittée” sur l’étiquette, au plan européen.
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