La filière automobile française cherche à maîtriser les nouvelles chaînes de valeur industrielles
"La vérité est crue et parfois, elle dépasse la fiction" : Luc Chatel, président de la PFA, n’a pas choisi ses mots au hasard en introduction de la journée de la filière automobile, mardi 26 octobre 2021, à la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris.
Pour les plus de 700 personnes présentes lors de cette réunion de l’ensemble du secteur automobile français, le constat n’est pas nouveau et l’angoisse a même grandi à la découverte de certains indicateurs. L’activité dans les usines est en chute de 35 % et la vente de véhicules neufs en baisse de plus de 25 %, depuis le début de cette année 2021. "Aujourd’hui, clairement, l’avenir de la filière française est posé. Deux années de crise sanitaire et la récente hausse du prix des matière premières ont créé des tensions que je n’avais jamais vécu avant. Au moment même où nous avons besoin de vendre un maximum de voitures, leur prix augmente, ce qui n’est pas le meilleur moyen de vendre", a poursuivi le président de la PFA.
Tensions maximales
Ces tensions sont même étalées publiquement alors qu’habituellement, les relations entre constructeurs et équipementiers font l’objet de nombreuses retenues. Déjà pointées du doigt par le président de la République lors de l’annonce du Plan France 2030, ces tensions se concrétisent par des décisions sans doute brutales, mais vitales pour les équipementiers. "La filière n’est pas connue pour sa solidarité légendaire", se lance François Liotard, représentant de la filière automobile et directeur général de Lisi Automotive, qui regrette près de 25 % d’annulation de son carnet de commandes à cause de la pénurie des semi-conducteurs, avec parfois même des informations sur les fermetures de chaînes d’assemblage du jour au lendemain.
Au-delà de cette pénurie qui exacerbe les tensions, c’est aussi toute la filière qui doit aujourd’hui se mettre en ordre de bataille pour relever les défis règlementaires. Euro 7, futures normes CAFE avec le pack Fit for 55 de la Commission européenne, ou encore le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) mettent désormais clairement en péril une industrie qui souffre encore, pour la production d’un véhicule, de 900 euros d’écart de prix de revient avec les pays de l’Est et de 60 % de surcoût de main d’œuvre entre la France et l’Espagne. Les questions sont donc clairement posées lors de cette journée : comment faire pour que la France pèse 20 % du marché européen des batteries, 25 % de celui de l’hydrogène et 15 % de celui des voitures électriques dans les 5 ans à venir ? "17 milliards d’euros, c’est le besoin en capex à 5 ans que nous avons jugé nécessaire pour être encore dans la course de ce nouveau monde de l’automobile", a poursuivi Luc Chatel.
Améliorer la chaîne de valeur
Cette amélioration de la chaîne de valeur est d’ailleurs le cœur du sujet. En réalité, il s’agit de passer d’une valeur de composants de 5 500 euros sur un véhicule thermique à 600 euros dans le cadre d’un véhicule électrique, lequel doit composer avec une batterie qui représente 8 000 euros. Une trajectoire que les professionnels jugent possible à condition d’en avoir le temps.
Mais la filière automobile ne dispose malheureusement pas de ce critère de temps. La fin de vente des véhicules thermiques est proposée en 2035 par la Commission européenne et les normes Euro7 pour une application en 2026 ou 2027. "Cependant, il faut bien avoir en tête que la norme euro 7 ne va pas signifier la fin du thermique pour autant. Le règlement inclus dans Fit for 55 ne concerne que l’Europe et donc il continuera de se vendre des véhicules thermiques même après 2050", a essayé de rassurer Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur et présent lors de cette journée de la filière.
Pourtant le constat a de quoi inquiéter ! Selon Thierry Breton, la maîtrise de la batterie et de ses composants est une partition qui doit être jouée avant 5 ans, les semi-conducteurs, qui vont peser jusqu'à 35 % de la valeur, sont produits à 80 % à Taïwan, "ce qui peut donner des sueurs froides", a-t-il précisé et le règlement sur les données (Data Act) est en cours de négociation actuellement. Pour autant, les professionnels présents, y compris les constructeurs, ne semblaient pas rassurés. Béatrice Foucher, directrice générale de DS Automobiles, regrettait toujours le manque de cohérence et de continuité dans les décisions européennes entraînant un niveau d'incertitudes préjudiciables à la filière.
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