Internet, le yin et le yang de la distribution du pneumatique
Grâce à l’avènement d’Internet sur le marché de la vente des pneumatiques, le consommateur final s’informe mieux et dispose de meilleures clés pour faire jouer la concurrence. Sans parler, bien évidemment, de la baisse des prix consécutive à l’arrivée des sites de vente en ligne, qui ne stockent pas ou peu, et traitent avec de nombreux grossistes, en France et à l’étranger, pour négocier les meilleurs prix.
Du coup, les professionnels français voient ce canal de distribution prendre de l’importance, et peinent bien souvent à réagir. Une nécessaire remise en question des fondements de leur activité se met actuellement en marche, et nous allons voir que, contre toute attente, les armes ne manquent pas.
L’aubaine des pneus en B to C sur le Web
Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs s’accorde à reconnaître qu’il se vend annuellement environ 3 millions de pneumatiques sur Internet, soit 10 % du marché global TC4. Et ce chiffre devrait continuer de progresser. Autant d’enveloppes qui échappent aux réseaux physiques et négociants traditionnels, même s’ils tentent, au coup par coup, de limiter la casse en montant et équilibrant les enveloppes pour les particuliers.
La véritable révolution d’Internet dans le pneumatique, c’est bien l’information du consommateur. En quelques clics, l’internaute accède à l’ensemble des offres pour son véhicule. Ce qui le rend plus érudit et plus exigeant dans ses choix. Mais constitue par ailleurs une aubaine pour les marques moins connues, qui peinaient jadis à faire valoir leurs arguments face aux manufacturiers de renom. Désormais, sur une page, l’utilisateur constate que certaines marques présentent des niveaux de qualité qu’il ne soupçonnait pas, avec des niveaux de prix inférieurs et des produits disponibles de suite. C’est d’ailleurs l’un des éléments qui a fait le succès de la vente en ligne.
“Chez les revendeurs ou négociants traditionnels, l’explosion des références de ces dernières années fait qu’il leur est matériellement impossible de stocker l’ensemble de la demande. Un handicap de plus en plus gênant pour le consommateur final, qui apprécie particulièrement la réactivité du Web”, constate Eric Fouchier, directeur général d’Imagine Car. Les sites présentent en effet l’intérêt de s’approvisionner en temps réel chez plusieurs grossistes, et proposent facilement le pneumatique recherché dans un délai raisonnable, y compris dans les dimensions les plus improbables. Mais, paradoxalement, “la pertinence du modèle Internet amène l’ensemble de la profession à se poser des questions quant aux leviers pour améliorer sa compétitivité”, conclut-il.
Si les grossistes traditionnels semblent si décalés face au développement des ventes sur Internet, tandis que leur activité stagne et que leurs marges chutent, c’est pour une première raison simple. Certains sites de vente de pneumatiques en ligne sont les vitrines de grands grossistes européens, avec d’énormes capacités d’achats, qui présentent donc les meilleures conditions avec les fabricants, et utilisent ensuite le canal Internet pour mettre en vente leur stock. Et ce modèle de grosses structures n’est arrivé que relativement récemment en France. Auparavant, dans l’Hexagone, les négociants achetaient directement aux manufacturiers. On constate d’ailleurs que, depuis l’arrivée des Districash et autres Imagine Car, les écarts de prix entre Web et magasins physiques se sont sensiblement réduits.
Un mal pour un bien en B to B
Pour Olivier Rialland, P-dg d’Inovaxo, le développement d’Internet a également apporté beaucoup aux professionnels négociants. “Aujourd’hui, Internet est une réalité de confort pour tous les pros du pneu, 80 % des commandes aux manufacturiers passent par lui.” Sans oublier l’arrivée des plateformes spécifiques, il y a environ cinq ans… C’est en réponse à la pression tarifaire des sites de vente en ligne que ces outils sont nés. Ils permettent justement aux points de vente de se positionner de façon beaucoup plus cohérente face à leurs clients en recherche du meilleur tarif.
Jean-Claude Krois, fondateur de 07ZR et transfuge de Michelin, nous explique le concept : “L’intérêt des plateformes, c’est de proposer aux professionnels la possibilité de commander chez les plus grands fournisseurs grossistes européens, sans être référencés chez eux. Le tout grâce à un site Internet, qui affiche en temps réel leurs offres et leurs tarifs.”
Si les 07ZR, Tykomp, Tyre24… font aujourd’hui le bonheur des négociants et MRA, qui disposent ainsi d’armes face aux prix Internet, ces plateformes font souffrir certains grossistes français, pourtant présents sur ces places de marché. En effet, la confrontation des offres belges ou allemandes avec les tarifs français tourne souvent au désavantage de nos grossistes… Un décalage que peine à expliquer Jean-Claude Krois. “Je ne comprends pas comment un grossiste allemand ou hollandais peut être moins cher qu’un français, alors que ses coûts logistiques sont bien plus élevés.” Eric Fouchier apporte un élément de réponse : “La raison est simple. Je ne peux pas me positionner au niveau d’un grossiste allemand sur une plateforme Internet B to B car moi, j’ai déjà des clients négociants sur le terrain, qui m’achètent des volumes et qui ne comprendraient pas que je propose les mêmes prix à des garages qui m’achètent trois pneus par mois sur 07ZR ! Voilà pourquoi nous ne sommes pas forcément compétitifs au final, même si notre logistique et nos stocks sont affûtés.”
Difficile d’évaluer au bout du compte ce qu’apportent ou coûtent les plateformes B to B à la filière, puisqu’elles permettent également aux clients négociants de découvrir les tarifs de grossistes chez qui ils ne sont peut-être jamais allés ! “Nous offrons de la visibilité, qui débouche sur du business. Nous sommes aussi apporteurs d’affaires”, estime Jean-Claude Krois. Côté B to C, c’est Bruno Mazzacurati, directeur général de Dipropneu, qui avance une conclusion : “Demain, les négociants devront eux aussi avoir des sites de vente en ligne. Ce sera une nécessité pour vivre et concurrencer les offres des sites existants.”