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Industrie

“Insuffler à l’après-vente une culture de la performance”

Publié le 30 janvier 2015

Par Frédéric Richard
9 min de lecture
Arrivé en février 2014 dans le groupe VW et succédant à Philippe Dauger à la tête de la division Pièces & Service de Volkswagen Group France, Sylvain Charbonnier mène la bataille de l’après-vente sur tous les fronts. Avec un leitmotiv fort : fournir les meilleurs outils au réseau, et surtout s’assurer qu’ils sont déployés à leur mesure.
Sylvain Charbonnier, directeur Pièces & Services de Volkswagen Group France.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. A votre arrivée, comment avez-vous perçu les investisseurs des différents réseaux ?

SYLVAIN CHARBONNIER. J’ai trouvé que les distributeurs avaient pris conscience de l’importance de l’après-vente dans leur business. D’une part, ils ont compris que ce volet de leur activité globale ne tourne plus tout seul, mais qu’il peut également représenter une part importante dans la profitabilité d’une affaire. Bref, ils ont intégré qu’il faut s’en occuper, et pas seulement sur le plan de la satisfaction client. Il faut aussi travailler sur la gestion de la pièce, la rentabilité de l’atelier, la façon de générer du trafic, développer l’activité MRA…
En revanche, il est clair que le gros du travail consiste à s’assurer que les actions préparées au plan national pour les faire progresser sur ces sujets sont bien relayées dans les concessions, avec de la communication en local, des rappels téléphoniques…

JA. Justement, pouvez-vous nous détailler cela ?

SC. Nous essayons actuellement de donner au réseau les bons outils de suivi de leur performance en après-vente, au plan local. Cela nous manque aujourd’hui, et nous nous référons plutôt à des historiques de consommation d’activité, sans savoir si nous exploitons bien notre parc local, les potentiels, et si nous disposons d’une vision juste de la concurrence… En fait, nous cherchons à proposer les mêmes outils que ceux exploités en vente de VN.

Nous allons aussi très vite accélérer dans l’utilisation du digital, afin d’exploiter encore mieux les outils dont nous disposons dans le cadre de la relation avec nos clients. Attention, nous restons dans une logique de Web-to-store et n’avons pas vocation à vendre nous-mêmes des pièces sur le Net. En revanche, utiliser toute la visibilité que nous offre Internet pour créer du trafic dans nos ateliers nous intéresse. La meilleure illustration de ce chantier est le rendez-vous en ligne, proposé chez Skoda depuis l’année dernière, depuis juillet chez VW, septembre pour Audi, novembre pour Seat et en janvier pour les véhicules utilitaires.

JA. Ce service rencontre-t-il déjà le succès ?

SC. Aujourd’hui, plus de 15 % des devis réalisés en ligne se transforment en rendez-vous, ce qui tend à montrer que les clients sont réceptifs. D’ailleurs, 97 % des clients se révèlent satisfaits de leur expérience. Enfin, on remarque que 40 % des prises de rendez-vous en ligne se font en dehors des horaires d’ouverture d’atelier. On s’est donc rapprochés des clients. On sait aussi que 40 % des clients de ce service disposent de véhicules de plus de 90 000 km, donc des voitures que nous n’avons pas naturellement dans le réseau… Le bilan est très satisfaisant. Nous avons pour ambition, à terme, d’interconnecter ce service de prise de rendez-vous en ligne avec les systèmes de planification des affaires.

JA. Peut-on envisager de commercialiser des créneaux à faible charge des ateliers à des tarifs horaires adaptés ?

SC. Le principe des happy hours a été testé par plusieurs distributeurs, mais ce ne fut pas spécialement probant. Toutefois, il est vrai qu’en allant chercher des véhicules plus anciens, dont les possesseurs recherchent plutôt le prix de prestation le moins élevé, la question d’une réponse adaptée se pose. Notre solution a plutôt été de créer le concept Economy, qui englobe à la fois des pièces moins onéreuses et des forfaits adaptés.

JA. Avec un recul de près de deux ans, comment se porte le programme Economy ?

SC. La gamme Economy représente un taux d’adhésion assez homogène dans les marques du groupe, avec un CA qui a doublé en 2013, et a encore progressé de 15 % en 2014. La dynamique reste donc bonne. Mais nous devons encore progresser sur le taux de propositions de ces forfaits spécifiques sur certains véhicules se trouvant à la frontière de l’entretien classique, en termes d’âge ou de kilométrage. Par exemple, pour une Golf V, nous ne sommes qu’à 40 % de propositions d’un forfait Economy, alors que, si le conseiller client le propose, l’automobiliste y souscrit dans 70 % des cas.

JA. En même temps, on ne peut pas leur en vouloir de préserver leurs marges avec des prestations classiques, plus chères !

SC. Il ne faut pas se tromper, Economy n’est pas là pour détruire la marge du réseau, mais pour faire venir des clients nouveaux en atelier, modifier la perception prix de nos clients. Car nous parlons là d’automobilistes qui ne seraient initialement pas venus dans notre réseau.

En revanche, il est vrai que le succès repose sur la capacité et la volonté de nos distributeurs à proposer la double offre, classique et alternative.

JA. Combien avez-vous pu récupérer de véhicules anciens dans votre réseau avec cette offre ?

SC. On mesure le taux de fréquentation atelier par segment, une fois par an. Ainsi, nous enregistrons 70 % de fidélité pour les véhicules de moins de 4 ans, 50 % pour les 4-7 ans et 30 % au-delà de 7 ans. Economy nous a sans doute permis de gagner quelques points sur les véhicules les plus anciens, mais notre stratégie à ce jour est plus défensive qu’elle ne porte sur de la conquête réelle. Il s’agit tout d’abord de limiter l’hémorragie, de perdre moins de véhicules que les années passées.

JA. L’approche et les problématiques d’après-vente sont-elles les mêmes au sein des marques du groupe ?

SC. Audi se démarque clairement en n’adoptant pas le programme Economy, par exemple. Avec une volonté marquée de capitaliser sur la pièce d’origine, l’attachement à la marque.

Pour les autres marques, il y a plus de points communs que de différences. Mon rôle consiste à apporter à tous l’ensemble des outils qui leur permettent d’améliorer leur après-vente. Ensuite, parmi ces outils, ce sont les marques elles-mêmes qui vont puiser selon leurs besoins du moment. Chez Skoda, par exemple, l’enjeu consiste à accompagner la croissance du parc, tandis que chez Seat, il s’agit plutôt de combler la baisse du parc. Et il est clair qu’à ce jour, Seat investit plus sur les segments 2 et 3 que ne le fait Audi…

JA. Quelle est votre vision des conseillers services à ce jour, dont le métier évolue énormément, et qui ne sont pas toujours armés pour y faire face ?
SC.
C’est l’un des métiers les plus difficiles d’une concession à ce jour et cela le sera de plus en plus. Mais je pense que les distributeurs l’ont compris. Prendre un bon technicien et le valoriser en en faisant un conseiller client, tout le monde a essayé, avec des fortunes diverses. Aujourd’hui, les profils à recruter pour ces postes se portent plutôt sur des commerciaux, des femmes…

Chez Volkswagen Group France, le conseiller client a été fortement ciblé cette année, avec une formation interactive, selon le slogan suivant “osez dire, osez faire”. Car, actuellement, cette population n’est pas forcément à l’aise avec l’argumentation, le commerce. Il fallait donc l’amener à proposer des travaux complémentaires, à oser proposer des forfaits Economy, bref, proposer une offre commerciale à un client. Il s’agit de disposer de conseillers clients qui deviennent acteurs de l’APV, et non plus seulement des réceptionnaires de la demande client.

JA. Quelle est l’après-vente de rêve, selon Sylvain Charbonnier ?
SC.
Le service après-vente rêvé est celui qui permet de lever les contraintes du client, de réduire son effort. Etre en mesure de lui proposer un service en fonction de ses besoins réels, et, idéalement, identifiés par le véhicule, transmis à l’atelier pour encore plus de réactivité. Cela veut bien dire détecter une panne avant qu’elle ne survienne, prendre le rendez-vous directement, de sorte que le garage puisse commander la pièce, et ainsi immobiliser le véhicule le moins longtemps possible. Avec une constante immuable, ne jamais se substituer au libre choix du client.

JA. Parlez-nous un peu de logistique, un sujet qui vous tient à cœur.
SC.
C’est un des points fondamentaux dans la réussite de l’activité après-vente pour un constructeur. Toutes les commandes partent du magasin central de Villers-Cotterêts en hebdo pour les commandes de stock et en J+1 pour les commandes urgentes. Le taux de service atteint 96,5 % sur les urgents et plus de 99 % sur les stocks.

Et bien que nous enregistrions ces performances exceptionnelles, nous avons décidé d’aller encore plus loin dans la prestation logistique. Dès janvier, nous allons proposer des livraisons de commandes de stock quotidiennes et non plus hebdomadaires, en horaires fixes, idéalement la nuit, par SAS. Il s’agit d’augmenter le taux de disponibilité immédiate dans le réseau, avec une idée simple. En proposant des commandes de stock quotidiennes, nous faisons baisser la profondeur de stock dans les concessions et, en contrepartie, pour la même valeur de stock, nous augmentons sa largeur, et donc la disponibilité pour les clients, notamment les MRA, pour lesquels il est important de donner la pièce de suite.

JA. Le MRA semble également au cœur de vos préoccupations !

SC. J’aime autant que les MRA viennent acheter des pièces dans mon réseau plutôt que chez leur grossiste ! Nous savons que nous n’aurons jamais 100 % de pénétration en services sur la totalité des véhicules. A nous de trouver des solutions pour a minima vendre la pièce. Je pense que la pièce d’origine a une vraie valeur, que nous pouvons amener en tout point de la chaîne. Et ne cachons pas que c’est un complément de business aujourd’hui indispensable pour le réseau.

A ce titre, nous devons professionnaliser notre relation avec le MRA, lui apporter des interlocuteurs capables de prodiguer des informations techniques ou de montage sur les pièces… Il faut aussi mettre en place des vendeurs itinérants, proposer des outils permettant de commander directement chez le concessionnaire… Nous coachons une trentaine d’affaires sur le sujet par an.

Enfin, pour fidéliser le MRA, nous parlons aussi de confiance. Par exemple, pour les VEI (véhicules économiquement irréparables), nos distributeurs disposent d’un programme spécifique leur permettant de supporter une partie des coûts de pièces, pour que le véhicule passe sous le seuil. Ce service sera ouvert aux MRA en 2015.

JA. Comment voyez-vous l’après-vente du futur ?

SC. Je crois beaucoup au One Stop Shopping pour l’avenir. Le client doit regarder qui est capable de faire l’ensemble des prestations sur un même site pour un véhicule, du changement de pneus au diagnostic électronique le plus complexe, en passant par le pare-brise, bien moins anodin qu’il n’y paraît aujourd’hui avec les paramétrages des caméras, par exemple. Le réseau constructeur est l’interlocuteur de référence pour cela.
Propos recueillis par Frédéric Richard
 

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