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Industrie

Face aux pénuries, l’automobile peine à garder le moral

Publié le 9 novembre 2021

Par Jean-Baptiste Kapela
4 min de lecture
Embourbée dans les pénuries, l’automobile grince des dents et devra se serrer la ceinture au moins jusqu’à la fin 2022. Selon les pays, les constructeurs et les équipementiers ne sont pas logés à la même enseigne.
Les entreprises se retrouvent avec des activités fortement décrochées par rapport à la normal, de l’ordre de 30 % des niveaux habituels.

Elle semble loin la période où le secteur automobile espérait rattraper une année 2020 catastrophique avec un presque retour à la normale du marché pour le début de l’année 2022. Pour les différents acteurs de l’industrie réunis autour d’une table ronde organisée par la PFA ce mardi 9 novembre 2021, il y a comme un relent de pessimisme qui flotte dans l’air.

 

A cause de la crise des semi-conducteurs et de la pénurie de matières premières, l’année 2021 s'oriente vers des chiffres historiquement bas, dans la lignée de l’année précédente. "Ce sont des sujets qui ont pris, pour le secteur automobile, une acuité toute particulière. Depuis quelques semaines, nous notons que la situation s'aggrave, souligne Marc Mortureux, directeur général de la PFA. S’il y a un côté conjoncturel à cause du Covid, nous pouvons nous demander s’il n’y a pas un enjeux plus structurel du fait des délocalisations. En prendre conscience nous permettrait d’éviter d’autres difficultés futures et une dépendance, dans un contexte où l'automobile est en train de changer", poursuit-il.

 

Ce n’est pas un scoop, la crise des semi-conducteurs a bloqué la production d'environ dix millions de véhicules dans le monde, "alors que les carnets de commande sont là" explique Marc Mortureux. Les entreprises se retrouvent avec des activités fortement décrochées par rapport à la normale, de l’ordre de 30 % des niveaux habituels.  A cela s’ajoutent la hausse du cours des matières premières et de l’énergie, ainsi que du prix des conteneurs pour le transport maritime. Des facteurs qui influent fortement sur la trésorerie des entreprises, avec le risque de ne pas pouvoir répondre à une forte demande en sortie de crise.

 

Une sortie de crise qui semble encore loin

 

Concernant justement la sortie de crise, l’optimisme n'est pas au rendez-vous. La plupart des acteurs présents lors de la table ronde évoquent une potentielle amélioration pour la deuxième partie de l’année 2022 sur le sujet des semi-conducteurs. Mais d’autres facteurs risquent de plomber le marché pendant encore au moins un an. Bruno Jacquemin, délégué général de l’industrie des Alliages, Métaux, Minerais et Minéraux (A3M) précise : "Si un certain nombre de problèmes seront réglés d’ici la fin d’année 2022, nous en avons d’autres qui arriveront, et nous les connaissons déjà un peu. Nous savons que sur un certain nombre de minéraux et d’éléments, nous allons avoir des pénuries. Par ailleurs, nous ne sommes pas à l’abri de situations climatiques, logistiques et géopolitiques qui peuvent là aussi avoir un impact." Pour Denis Schemoul, manager EMEA chez IHS Markit, il faut "distinguer la phase d’amélioration qui va arriver vite, avec la phase de normalisation qui devrait arriver courant 2023."

 

Pour recontextualiser la situation, Elisabeth Waelbroeck-Rocha, chef du service Économie internationale pour IHS Markit, a remarqué trois types de facteurs qui ont propulsé la filière automobile dans la crise. Premièrement, elle remarque une reprise d’activité beaucoup plus rapide qu’attendu. En particulier avec une forte augmentation de la demande, incitée par des aides d’État octroyées pour limiter l’impact de la pandémie. "En particulier aux États-Unis, ou les pouvoirs publics ont injecté plus de 20 % de leur PIB pour soutenir l’activité, ce qui a produit une explosion de la demande des biens durables", souligne Elisabeth Waelbroeck-Rocha. Une vigueur qui a pris par surprise le secteur automobile rendant toute projection difficile. Dans un second temps, elle observe une des difficultés dans le domaine du transport maritime. Enfin, elle note que les producteurs de matières premières ont été réticents à augmenter leur production, pensant que le rebond économique serait temporaire.

 

Une différence entre les constructeur historiques et les nouveaux

 

En dépit de la crise, les constructeurs ont connu une année 2021 plutôt correcte, notamment en rehaussant les prix de leurs véhicules. Selon Thomas Besson, ils devraient afficher des chiffres meilleurs que prévu pour le troisième trimestre 2021. S’ils revoient leurs objectifs à la baisse de 20 % sur l’année en cours, parallèlement, leurs perspectives de résultat ont significativement augmenté. Cependant pour le spécialiste du secteur automobile chez Kepler Chevreux, les équipementiers sont dans "une situation précaire" en raison d’une absence de "pricing power". Il affirme en outre que "leur dépendance aux volumes de production plus faiblez que prévu impacte fortement leurs résultats et leur chiffre d’affaires". Par ailleurs, il remarque aussi une différence qui ne fait que s’accentuer entre les constructeurs historiques (Renault, Peugeot, Citroën...)  et ceux qui sont apparus plus récemment.

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