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Industrie

Esso tire le signal d’alarme

Publié le 2 mai 2011

Par Frédéric Richard
4 min de lecture
Cela fait toujours sourire quand un pétrolier se plaint… Pourtant, cette année, en marge de l’annonce de ses résultats, Francis Duseux, président de Esso S.A.F, s’en est ouvertement pris aux instances gouvernementales, stigmatisant les hausses des taxes, qui rendent l’activité de raffinerie de plus en plus difficile en France.
L’avenir du raffinage en France se montre relativement sombre, selon Francis Duseux, qui s’inquiète du niveau de taxes et de réglementaires qu’on impose à son activité.

Pour l’année 2010, le résultat opérationnel de la filiale française d’ExxonMobil s’établit à 240 millions d’euros, et à 24 millions en dehors des effets de stocks particulièrement significatifs cette année (1 220 millions d’euros contre 923 millions d’euros en 2009). Esso S.A.F affiche également un résultat net de 148 millions d’euros et là encore, si l’on élimine les effets de stocks, cela ramène le véritable résultat à 7 millions d’euros. Les capitaux propres de la structure France passent de 1 557 millions à 1 612 millions d’euros, ce qui reflète la solidité financière du groupe. Pour autant, Esso S.A.F joue la prudence, et propose un dividende de 6 euros par action à ses actionnaires. Un chiffre raisonnable, voire bas, comparé aux 8 euros généralement constatés ces dernières années. Il faut y voir un message d’inquiétude de la part du groupe, qui anticipe des tensions toujours plus intenses sur son marché… A ce titre, Francis Duseux, président de Esso S.A.F, a tenu à parler du contexte économique de ses activités principales, le raffinage et la distribution.

Là où les groupes pétroliers affichent des profits record, liés à la hausse de la demande et à un prix du baril en perpétuelle progression, il n’en va pas toujours de même pour les activités de transformation du brut, notamment en France… Dans les meilleures années, le résultat net de l’activité raffinage distribution de Esso (hors effet de stock) reste inférieur à 1 centime d’euro par litre. En 2010, ce chiffre était même de 0,03 centime d’euro par litre. En cause, la concurrence acharnée que se livrent les raffineurs européens, puisque la surcapacité de raffinage est évaluée à 15 %. Mais aussi les augmentations de coûts, liées aux réglementations européennes et françaises (6 à 8 euros par tonne) imposées aux raffineries françaises. Sans oublier d’importants surcoûts opératoires dans l’Hexagone, dont les salaires et autres charges dépassent de 15 % ceux des concurrents européens…

Si bien que BP et Shell ont d’ores et déjà abandonné leurs raffineries en France, et Total est actuellement en pleine restructuration de son outil industriel…

L’environnement économique des raffineries reste donc incertain en France, d’autant que d’autres phénomènes peu maîtrisables viennent perturber un peu plus la donne… Aux contraintes environnementales toujours plus difficiles, on ajoutera le manque de fiabilité chronique de la logistique portuaire française… En effet, sur la seule période septembre-octobre 2010, 33 jours de paralysie ont été enregistrés dans le port de Marseille, pénalisant lourdement (plus de 230 millions d’euros dont 30 pour Esso S.A.F) les activités de raffinage, puisque les approvisionnements en brut n’étaient plus assurés. A ce titre, Esso continue de demander aux pouvoirs publics d’instaurer un “service minimum” sur le port, et d’autoriser les camions de transport de 44 tonnes, comme cela est le cas dans d’autres pays européens. Fin de la parenthèse.


Tous ces paramètres inspirent une réflexion à Francis Duseux, sous forme de menace déguisée : “Je suis très inquiet pour l’avenir du raffinage en France. Il sera lié à des choix politiques importants. Soit on décide de conserver une activité industrielle de raffinage sur le territoire, soit on choisit de ne plus faire que de l’importation de produits finis et on démantèle complètement la filière et les emplois qui vont avec. Je trouve cela très grave.” A bon entendeur…

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FOCUS

Données de cadrage 2011

Le raffinage baisse en France :

• Capacités de raffinage en France, tous carburants confondus : 1,71 million de barils contre 1,83 en 2010

Le déséquilibre essence-gasoil s’accroît :

• Demande en gazole 2011 estimée à 33 millions de tonnes
• Demande en essence 2011 estimée à 8 millions de tonnes

Production des raffineries ESSO en 2010 :

• Capacités totales : 15,1 millions de tonnes
• Gazole : 5,2 millions de tonnes (objectif 7,5 millions de tonnes en 2014)
• Essences : 3,2 millions de tonnes
• Fioul domestique : 0,9 million de tonnes
• Fioul lourd : 2,1 millions de tonnes

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