Entre satisfaction et résignation : les réactions face au vote du Conseil européen sur la fin des ventes de véhicules thermiques
Le texte adopté par les ministres de l'Environnement réunis au sein du Conseil de l'Union européenne les 27 et 28 juin 2022 ne laissait que peu de doute quant à l'issue de ce dossier mis sur la table par la Commission européenne le 14 juillet 2021, dans son pack Fit for 55.
Si une clause de revoyure en 2026 a été ajoutée au texte, tout comme une porte ouverte aux carburants de synthèse, la décision d'arrêter la vente de voitures neuves à moteur thermique sur le marché européen en 2035 est bel et bien entérinée, même si les eurodéputés doivent encore se prononcer sur le vote définitif, comme le veut le trilogue européen.
Une adoption qui évidemment suscite de nombreuses réactions. Pour l'Acea, qui réunit seulement une partie des constructeurs automobiles depuis le départ annoncé de Stellantis, le verdict était attendu. "Les constructeurs automobiles européens ont depuis longtemps pris le virage de l'électromobilité et transforment radicalement leurs activités pour atteindre les objectifs climatiques de l'UE", annonce l'organisation dans un communiqué.
Pour autant, celle-ci réclame des garde-fous essentiels pour le respect de ces engagements. "Pour être très clair : l'industrie automobile contribuera pleinement à l'objectif d'une Europe neutre en carbone en 2050. Mais la décision du Conseil soulève des questions importantes qui n'ont pas encore trouvé de réponse, comme la manière dont l'Europe assurera un accès stratégique aux matières premières essentielles à l'e-mobilité ", a déclaré Oliver Zipse, président de l'Acea et PDG de BMW. "Si l'UE veut être un pionnier de la mobilité durable, la disponibilité de ces matériaux doit être garantie. Sinon, nous serons menacés par de nouvelles dépendances, car d'autres régions économiques se sont déjà positionnées très tôt."
Des garanties sont ainsi attendues notamment dans un autre texte du paquet Climat de la Commission européenne toujours en cours de discussion, le règlement batteries ou Afir (règlement relatif aux infrastructures pour carburants de substitution).
"Cette décision du conseil était assez largement attendue. Elle n’en reste pas moins porteuse de risques réels pour la filière au regard de l’ampleur des défis qu’elle suppose désormais : défi de l’accessibilité de tous à la mobilité en Europe – cela concerne tant l’équipement en infrastructures de recharge que les dispositifs de soutien à l’achat qui doivent être au rendez-vous d’une telle décision si l’on veut éviter de voir la classe moyenne sortir du marché automobile ; défi du soutien à l’emploi et aux entreprises impactées par une telle accélération ; défi pour la souveraineté européenne face au risque pour nos pays de dépendances accrues. Ces défis sont d’autant plus considérables s’agissant des VUL pour lesquels on aurait pu attendre un régime différencié et adapté aux spécificités de ce marché", indique-t-on à la PFA.
Une excellente nouvelle pour T&E
Évidemment le malheur des uns fait le bonheur des autres. L'ONG Transport & Environment, dont le lobbying a été très actif sur ce dossier, se frotte les mains. "C'est la fin de la partie pour le moteur à combustion interne en Europe. Cette décision brise l'emprise de l'industrie pétrolière sur les transports et donne à l'Europe une chance de décarbonation d'ici 2050. Cette nuit, les gouvernements européens ont pris la décision historique de mettre fin à la vente de voitures thermiques. C'est une excellente nouvelle pour le climat, la présidence française à su tenir bon face aux sirènes des lobbies et fixe un cap clair pour l'industrie" a notamment indiqué Marie Chéron, responsable des politiques véhicules pour T&E France.
En revanche, il est clair selon les annonces de T&E que le lobbying va s'intensifier une nouvelle fois contre l'utilisation des carburants de synthèse. Le conseil des ministres européens de l'Environnement a en effet laissé la porte légèrement ouverte en faveur des e-carburants, comme le souhaitait l'Allemagne. L'ONG, farouchement contre devrait reprendre ses actions pour les eurodéputés annulent cette disposition.
"T&E a demandé aux députés européens d'éliminer toute possibilité d'échappatoire pour les carburants synthétiques, qui sont également plus chers pour les conducteurs et constituent une utilisation bien moins efficace de l'électricité renouvelable que l'électrification directe. Les nouvelles propositions sur les carburants sont une diversion. Ne perdons plus de temps sur les carburants alternatifs et concentrons-nous plutôt sur le déploiement des bornes de recharge, la requalification des salariés pour la conversion à l'électrique et l'approvisionnement responsable en métaux pour les batteries", poursuit Marie Chéron.
La filière des services dans l'expectative
Bien sûr, la trajectoire vers le tout électrique garde beaucoup d'interrogations : l'approvisionnement en métaux rares présents dans les batteries, l'extraction de ces métaux et matières premières, le lieu de fabrication de ces batteries, l'énergie servant à la recharge de ces batteries et bien sûr le niveau des installations des infrastructures de recharge. Ce dernier point mis en avant par les constructeurs est également soulevé par la filière des services de l'automobile.
De son côté le Cecra (syndicat européen de la distribution automobile) souligne l'importance "d'un mélange de technologies qui englobe toutes les solutions pertinentes pour réduire les émissions de CO2 et nous nous félicitons donc de l'ouverture et de la volonté d'envisager d'autres technologies, telles que l'hydrogène et la technologie des carburants synthétiques (e-carburants). Les concessionnaires et réparateurs automobiles vont, avec leurs constructeurs, se mettre au niveau et atteindre les objectifs fixés. Toutefois, il va sans dire que la transition vers des véhicules à zéro émission n'est réalisable que si une infrastructure étendue de stations de recharge est disponible !" Le Cecra demande donc à tous les États membres d'accélérer le déploiement de ces infrastructures.
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En France, Xavier Horent, délégué général de Mobilians reste également très prudent : "Attendons la conclusion du processus de décision avec la Commission et le Parlement. Au stade actuel, la trajectoire de décarbonation est confirmée sans surprise, avec cependant deux points notables obtenus sur le fil : la porte est entrouverte, timidement et tardivement, pour une clause de revoyure en 2026 et une sauvegarde, certes limitée, d'un principe de compétition entre les technologies. Ce n'est pas la neutralité technologique qui était attendue. L'introduction de ces dispositions apporte une dose de réalisme et une possibilité de prise de recul : l'échéance de 2035 reste très proche pour une industrie aussi complexe, la donne économique a radicalement changé pour les acteurs de la filière comme pour les consommateurs, rendant toute projection particulièrement difficile. D'autres volets doivent être simultanément clarifiés, tels que la norme Euro 7 ou la protection de l'Europe à l'encontre de la concurrence asiatique, pour apporter une prévisibilité et une cohérence d'ensemble."
De fait, la norme Euro7, qui doit abaisser tous les seuils d'émissions de polluants pour les véhicules thermiques est toujours en cours de rédaction. Le texte, qui aurait dû être présenté au printemps, a finalement été repoussé en novembre 2022. Pour une mise en application au 1er janvier 2026. Une trop grande sévérisation de ces normes pourrait accélérer de fait l'abandon des moteur thermiques par les constructeurs qui ne pourront courir deux lièvres à la fois.
Comme l'explique Xavier Horent : "Tout reste à faire sur fond d'une reconquête industrielle et commerciale primordiale pour notre souveraineté et nos emplois. Un point de vigilance ressort de ces rounds de négociations : la filière doit rebâtir une crédibilité solide et parler à l'opinion publique. A défaut, elle perdra d'autres batailles."
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